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Après la répétition (Efter repetitionen) d'Ingmar Bergman sorti en 1984

Analyse critique

Henrik Vogler est un directeur de théâtre, raisonnable, mais exigeant. Après les répétitions de la pièce Le Songe d'August Strindberg, alors que les acteurs sont partis, il reste seul au théâtre pour penser aux scènes, et se les imaginer. Anna Egerman y joue la fille du dieu Indra, rôle qui semble lui procurer plus d’angoisse et d’inquiétude que de satisfaction. Elle revient sur scène sous le prétexte de chercher un bracelet égaré. S’engage entre eux une longue conversation, entre règlement de compte et intime confession, à la fois flirt, cours magistral et rêverie hallucinée. U ne fois de plus, Vogler met en scène Le Songe de Strindberg, pièce impossible à monter ; une fois de plus, le voici confronté à une jeune actrice dont il pourrait tomber amoureux. Autour d’eux flottent des fantômes, ceux des décors d’anciens spectacles, mais aussi celui de Rakel, décédée, la mère d’Anna, comédienne elle aussi et qui fut l’amante de Vogler.

La haine de la fille pour la mère choque Vogler. En songe, il voit arriver Rakel, telle qu'elle était il y a onze ans, au bout du rouleau, névrosée et alcoolique, sollicitant un ultime rôle de Vogler à 46 ans. Elle lui propose de faire l'amour, il l'accuse d'être saoule. Après ses vingt six ans de triomphe , il n'avait pu lui accoder qu'un petit rôle qu'elle refusa.

Après la répétition met en scène ce moment mystérieux, entre rêve et réalité, où le metteur en scène Henrik Vogler a donné congé à ses acteurs pour réfléchir comme il aime le faire dans le théâtre vide, ou plutôt peuplé de souvenirs. L’irruption de la jeune Anna va bouleverser l’ordre et la solitude de cet homme secret. Devant la fougue de sa jeunesse, il se voit obligé de faire tomber les masques.

Un des thèmes de cette œuvre est la représentation théâtrale, et notamment la relation du metteur en scène à ses comédiens. Si le personnage principal est celui du metteur en scène, aux prises avec les démons de son passé, le pivot est bien la jeune comédienne, tourmentée par sa relation avec son metteur en scène et ses inquiétudes concernant le rôle qu’elle doit interpréter. Cette relation, dont dépend en partie la réussite de la pièce ou du moins le jeu du comédien, est au cœur de l’échange entre les deux personnages.

Ce film est très dense, très épuré, sans aucune respiration, allant à l'essentiel comme ce vieux metteur en scène. Répétitions du théâtre et de la vie se confondent et se répondent. À travers ce face à face, Bergman scrute les rapports entre metteurs en scène et actrices, vie et théâtre, sincérité et artifice. On y retrouve sa lucidité impitoyable, son humour grinçant.

Extrait

Volgler : Tu veux que je te persuade que tu es faite pour ce rôle, c’est mon métier, c’est même le doux secret de nos rapports ; tu pars de l’idée que je crois en toi et tu exiges de moi que je le confirme sans cesse. Si j’arrive à être assez convaincant, verbalement, émotionnellement, intellectuellement, tu finiras par me croire et tu laisseras alors éclater ta confiance en toi. Et ce témoignage spontané de ta confiance va provoquer en moi des inspirations qui pourront à leur tour te servir. Alors je ferme les yeux, je suis pris d’un léger vertige et je pense, merci mon Dieu, encore une fois le miracle s’est produit. C’est comme ça, Anna Egerman. Ça a toujours été comme ça. E t il faut que ce soit comme ça. Quand je te voyais sur les genoux de ton papa, pareil à un petit troll, je me disais : elle refuse d’accepter la réalité, elle deviendra peut-être comédienne. E t plus tard quand je t’ai vu dans ce film minable, quand j’ai vu comment tu bougeais, tu parlais, quand j’ai vu tes yeux, qui sont si beaux, ton impatience et ta fragilité, je me suis senti heureux et j’ai su qu’avec toi, de nouveau je ferai tourner cette vieille machine, qui, avec les ans, devient de plus en plus lourde.

Anna : Si c’est comme tu le dis, je ne comprends pas pourquoi tu me critiques autant. Tu chambardes tout ce que je fais. Parfois, quand je rentre, je pleure de désespoir. Je ne crois pas du tout que tu puisses croire en moi.

Vogler : Un comédien qui ne croit pas en son metteur en scène peut manifester de plusieurs façons son manque de confiance. Il ne l’écoute pas, il le tourne en ridicule en suivant ses instructions jusqu’à l’outrance, il refuse de comprendre et il se lance dans des discussions sans fin, il devient agressif et il insulte le metteur en scène devant tous ses camarades réunis. Un metteur en scène qui ne croit pas en son comédien peut-être très encourageant, il peut aussi rester passif, ce qui pousse le comédien jusqu’à la crise de nerf, il profite de l’avantage que lui donne le fait que le comédien est obligé de rester sur la scène, en pleine lumière, tandis que lui, le metteur en scène se cache dans l’obscurité de la salle. Il tourne le comédien en dérision, il l’exhorte à penser, à ne pas penser, à se concentrer, à se décontracter, à rester naturel, à styliser son jeu, etc. Un metteur peut tuer un comédien, ça arrive, ce n’est pas si rare, mais un comédien peut aussi tuer un metteur en scène. Tu ne crois pas, dis-tu, que je crois en toi, Anna Egerman. C’est la plus grosse bêtise que je t’ai entendu dire depuis le début des répétitions. Tu dis que tu pleures, mais moi je dis que tu pleures avec volupté. Tu sais qu’il se passe quelque chose en toi : une nouvelle structuration de tes potentialités. Ça se passe d’une manière à la fois pratique et rude, et alors, oui, ça peut faire un peu mal, n’empêche que ça te plaît et que tu en éprouves de la satisfaction. Quand nous parlons de notre travail en dehors des répétitions, tu es bien plus mauvaise comédienne que lorsque nous travaillons sur la scène. Débarrasse-toi de la comédienne privée, elle gêne l’autre, la vraie comédienne, et barre le chemin à des impulsions qui peuvent te servir sur scène.

Anna : Et voilà une leçon !

Distribution

  • Erland Josephson : Henrik Vogler
  • Ingrid Thulin : Rakel Egerman
  • Lena Olin : Anna Egerman
  • Nadja Palmstjerna-Weiss : Anna Egerman (jeune)
  • Bertil Guve : Henrik Vogler (jeune)

Fiche Technique

  • Titre original : Efter repetitionen
  • Titre français : Après la répétition
  • Réalisation : Ingmar Bergman
  • Scénario : Ingmar Bergman
  • Production : Jörn Donner
  • Sociétés de production : Cinematograph AB et Personafilm
  • Photographie : Sven Nykvist
  • montage : Sylvia Ingemarsson
  • Durée : 70 minutes
  • Dates de sortie : 9 avril 1984
Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux