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Désir meurtrier est un film japonais de Shohei Imamura, sorti en 1964.

Analyse

Sadako, jeune femme un peu simple, vit assez pauvrement avec son mari Koichi, un employé qui la traite rudement et le fils de celui-ci, issu d'un premier mariage, Masaru. D'extraction paysanne, Sadako est méprisée par sa belle-famille. Un jour, un homme surgit, la vole puis la viole. Sadako garde le silence tandis que son agresseur, Hiraoka revient.

Imamura est un implacable observateur critique de la société japonaise et de ses compatriotes qu'il n'aura cessé d'étudier dénonçant film après film la pourriture sous le clinquant de la modernité. Les tabous n'existent pour Imamura qu'à la seule fin d'être renversés. Dans Désir meurtrier, le réalisateur de "Kenso Sensai" et "De l'eau tiède sous un pont rouge" s'attaque au viol et au sentiment amoureux qui peut, dans des circonstances très particulière, en découler.

Le personnage de Sadako s'avère une magnifique création par sa complexité. La jeune femme est totalement écrasée en début d'histoire par son époux, sa belle famille, la société toute entière. Ses origines sociales, sa grand-mère qui était prostituée, sa mère suicidée par pendaison, ces faits pèsent énormément sur son quotidien). Elle va se réveiller peu à peu après le vol suivi du viol dont elle est victime de la part de Hiraoka. Celui-ci, qui a volé pour se payer les médicaments dont il a un urgent besoin et a cédé à des pulsions exacerbées par sa misère sexuelle, est tombé amoureux. La poursuite de ses assiduités nous révèle qu'il est gravement malade du coeur.

Sadako ne cesse de le repousser, de le fuir tout en se sentant irrésistiblement attiré par lui. Son mari qui entretient une liaison avec sa secrétaire, qu'il a connue avant sa femme, commence à se douter de quelque chose et la brutalise à son tour, parfait représentant de l'hypocrisie que dénonce Imamura et de l'injustice faite à la femme japonaise prisonnière d'une société encore fortement machiste et sexiste.

Le réalisateur nous montre à de nombreuses reprises la jeune femme penser quelque chose (nous entendons régulièrement ses réflexions en voix "off") et agir dans le même temps de façon contradictoire. Son attirance-répulsion pour son violeur-amoureux est ainsi illustrée à merveille. L'actrice, à la silhouette rondelette toujours engoncée dans son manteau d'hiver est une sorte de bloc massif et inerte au début du film ou à chaque fois qu'elle se retrouve chez elle. Elle oscille entre une résignation très physique et un emballement panique. La passion, très charnelle, entre le violeur et la victime constitue naturellement le scandale du film, d'autant que Imamura se refuse à mettre le moindre soupçon de romantisme dans cette relation.

Le cinéaste parvient à nous faire sentir de façon très concrète le conflit interne de Sadako entre pulsions charnelles, naturelles et mécanisme d'une routine sociale implacable.

Sur le plande la réalisation, Imamura réussit d'étonnants gros plans alternant avec des vues plus lointaines, notamment pour toutes les scènes d'extérieur. Il utilise toujours à bon escient les symboles visuels, les deux plus significatifs étant la chenille qui renvoie à l'enfance de Sadako et ses relations avec sa mère ainsi que, au présent, les souris de Masaru tournant sans cesse dans leur cage et finissant par s'entre-dévorer puis mourir, illustration parfaite de la vision pessimiste qu'a Imamura de la société japonaise.

L'hiver joue un rôle important dans le film, la découverte des paysages enneigés scellant le destin à venir de Hiraoka puis, un peu plus tard de la maîtresse de Koichi. La mort du premier nommé permet à Imamura de concentrer l'action dans un tunnel. Ici, tout fait sens : opposition de la pénombre mortifère avec la blancheur éclatante de la neige à l'extérieur qui promettait un avenir meilleur à Tokyo pour les deux amants en fuite. Mais cette blancheur est elle-même mensongère puisque Sadako a l'intention d'empoisonner Hiraoka, seul moyen pour elle d'échapper à l'irrésistible attraction.

Elle renonce au dernier moment mais, ironie et absurdité, il meurt quand même quelques secondes plus tard d'une crise cardiaque. La maîtresse du mari de Sadako, ayant pisté les deux fuyards afin de prendre des photos qui seront autant de preuves à fournir à Koichi de l'infidélité de son épouse, se fait renverser par une voiture à son retour en ville, prenant un ultime cliché de Sadako qui s'est évanoui en pleine rue. La mort de la secrétaire suivant celle de Hiraoka libère les deux époux de leurs relations extra-conjugales respectives et les renvoie face à face pour un avenir bien incertain.

La fin peut paraître bien pessimiste mais Imamura se place au-delà de toute morale. L'important pour lui est de vivre, de continuer à vivre. L'instinct de survie qui anime avec plus ou moins de réussite les personnages de Désir meurtrier se retrouve dans tous ses films et reproche encore un peu plus l'humain de l'animal comme le rappelait Imamura : ''Les insectes, les animaux et les humains sont semblables au sens où ils naissent, excrètent, reproduisent et meurent. Pourtant, moi-même je suis un homme. Je me demande ce qui différencie les humains des autres animaux. Qu'est-ce qu'un être humain ? Je cherche la réponse en continuant de faire des films. Je ne crois pas avoir trouvé la réponse''. Cette ambivalence renforce paradoxalement l'humanité des personnages, à commencer par celle de Sadako et Hiraoka.

Distribution

  • Masumi Harukawa : Sadako Takahashi
  • Kô Nishimura : Koichi Takahashi
  • Shigeru Tsuyuguchi : Hiraoko
  • Yûko Kusunoki : Yoshiko Masuda
  • Ranko Akagi : Tadae Takahashi
  • Haruo Itoga : Yasuo Tamura
  • Yoshi Kato : Seizo Takahashi
  • Tanie Kitabayashi : Kinu Takahashi
  • Kazuo Kitamura : Seiichiro Takahashi
  • Seiji Miyaguchi : Genji Miyata
  • Shoichi Ozawa : Kazuyuki Tamaru
  • Taiji Tonoyama : Un musicien

Fiche technique

  • Réalisation : Shohei Imamura
  • Titre original : 赤い殺意 , Akai satsui
  • Scénario: Shohei Imamura et Keiji Hasebe d'après une histoire de Shinji Fujiwara
  • Musique originale: Toshirô Mayuzumi
  • Photographie: Sinsaku Himeda
  • Production: Nikkatsu et Toho
  • Format : Noir et blanc
  • Durée : 145 minutes
  • Date de sortie 28 juin 1964 (Japon); 2 août 1989 (France)
Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux