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Hélas pour moi est un film franco-suisse de Jean-Luc Godard, sorti en 1993.

Analyse

Un homme vient dans un village. Il raconte, off, ce que faisaient ses aïeux lorsqu'ils avaient une tâche difficile à accomplir. Il repart du village. L'homme s'en vient demander après Rachel et Simon dans le garage qui leur appartient. Il poursuit, off toujours, la fin de l'histoire de ces aïeux, s'y incluant lui-même : il a une tâche difficile à accomplir : raconter une histoire.

Livre premier : Près d'un lac des personnages figés, comme arrêtés. Une jeune fille brune vient demander des cours de dessin à Jacques Vacher qui se trouve aussi être libraire. Dans sa librairie, une jeune fille blonde lit et des personnages discutent. L'un d'eux court vainement après une certaine Angelica. Un autre vient chercher un livre qu'il emporte promettant de le payer le lendemain. On retrouve cet homme dehors, saluant M. Rigaud, le cantonnier, qui vide les poubelles près du lac. Derrière un arbre, un homme épie le couple vu précédemment. C'est l'homme de la librairie qui cherchait Angelica. Celle-ci est avec son amoureux. Ils quittent le lac. L'homme derrière l'arbre s'écroule à genoux après avoir crié "Angelica" une nouvelle fois. L'homme au livre qui revient sur ses pas le gratifie d'une formule de pitié.

Une femme blonde, deux adolescents à vélo, un enfant et une autre femme partent à travers champs. Ils vont chez le pasteur et sa femme. Les adolescents viennent voir madame Monot la femme du pasteur afin qu'elle leur explique le sens du romanesque. La femme blonde est Rachel Donnadieu. Elle vient voir Eric Monot, le pasteur. Elle lui dit que cinq jours auparavant, elle a appris que la chair peut être triste. Le pasteur lui conseille de reprendre tout au début.

Sur un quai de gare, un homme vu de dos semble comme descendu d'un train passé à grande vitesse. Les passagers du train suivant descendent sur le quai. Un homme, venu en voiture chercher l'homme sur le quai, arrête Ondine, une jeune touriste. Il lui soulève la jupe pour montrer à l'homme vu de dos qu'elle pourrait faire l'affaire. Ils se font insulter par les touristes. Dans le restaurent de Rachel et Simon, un championnat de bridge est organisé. Sont présents Jacques Vacher et Nelly, sa nouvelle fiancée, le docteur Vallès, Paul et sa sœur. Paul dit qu'il faut signer sans tarder pour acquérir un nouveau restaurant. Parallèlement, Abraham Klimt vient chez le pasteur interroger Constance et son mari le cantonnier. Celui-ci lit une revue érotique pendant que sa femme effile les haricots verts. Ils parlent d'un combat avec le Dieu. Le soir est tombé.

Livre deuxième. Le soir au restaurant de Rachel et Simon, un dîner entre amis. On discute de la guerre à Bagad, de la destruction des ziggourats, du comportement amoureux d'un couple dans le noir. L'un des deux hommes descendus du train dit "De toute façon vous êtes en chacun d'eux. Apprenez leur texte, ce n'est facile d'être un homme". Jour. Rachel nage, elle est sur le ponton, elle accueille des gens. Un autre jour, Abraham Klimt, éditeur, vient interroger Nelly sur ce qui s'est passé en fin d'après midi, le 23 juillet 1989.

Livre troisième : "Je ne sais pas si on peut appeler ça une histoire". Cet après-midi là, Jacques Vacher, le communiste, comparait les derrières de la femme du pasteur et de Rachel. "Dans le livre, il manque des pages alors je cherche, c'est mon métier", affirme Klimt. Simon hésitait à partir, autre chose était prévu. Il en parla à Rachel. Elle était mécontente de son départ. C'était leur première dispute. Simon quitta Rachel fâchée.

Livre quatrième. Dans le magasin vidéo de Benjamin qui jouxte le restaurent. Quelqu'un cherche la copie tirée du deuxième négatif des Straub où un lézard passe dans le bas du cadre vers la 18ème minute. Plusieurs fois le départ de Simon. Coquelicots. Effets de lumière sur Nelly. Nelly et Rachel nagent. Dans le magasin vidéo, Benjamin choisit des films d'horreurs pour une cliente. Ils évoquant le diable. Klimt se rend auprès de Aude Amiel, qui prépare des fleurs pour l'église du pasteur. C'est Aude qui a écrit une lettre à Klimt pour le faire venir. Elle lui a dit avoir vu, non entendu, quelque chose. Ce jour là, Deux hommes invisibles étaient présents, ceux du train, Max et Dieu pendant que Simon discutait avec le pasteur. Après un ultime essai de voix, après que Max ait coupé les cheveux trop longs de son seigneur, ce jour là, il y a eu fusion de Dieu dans Simon. Après le départ de Simon, Rachel était rentrée chez elle à la nage.

Livre cinquième : Max parle à Dieu-Simon. Simon veut rallonger la nuit pour passer plus de temps avec Rachel. Il arrive chez elle encore malhabile dans sa peau d'humain. C'est moi Simon lui dit-il. Mais il dérange, Rachel ne veut pas parler avec lui, ne veut pas l'embrasser. Il avait dit qu'il partait, en conséquence elle attend demain matin. Il veut l'embrasser. ll ne peut pas car elle l'attend. Elle veut qu'il reparte acheter l'hôtel en Italie. Elle comprend qu'il est une autre personne. Elle ponctue ses phrases de "mon Dieu". Il acquiesce, il lui révèle qu'il est Dieu. Il fait la lumière en pleine nuit.

Noir, Klimt et Aude discutent dans la nuit. "Pas d'image possible : je n'ai rien vu, j'ai entendu" lui dit-elle encore. "Où suis-je, où suis-je mon Dieu ? " s'interroge Rachel. "Vous êtes chez moi, mais j'ai arrangé un peu comme chez vous" répond Dieu. "Je suis en chacun de vous. J'avais un petit garçon, il a donné sa vie pour vous."

Dieu contraint Rachel à faire l'amour avec lui pendant que, off, on apprend comment l'on découvrit en 1932 que la masse de l'univers était composé pour moitié de trous noirs, de matière fantôme. Klimt face à la glace d'une boutique la nuit, la pluie.

Cinq heures du matin. Simon n'est pas là. Dieu est sur son hamac. Klimt sur ce lac : " L'histoire n'existe que dans l'acte de la raconter". Rachel : "Depuis hier je n'ai qu'un mot à la bouche, le mot amour, hélas pour moi. Peut-on se résigner à seulement être aimé dit-elle à Dieu "Aimez le monde en moi si vous voulez mais pas moi dans le monde, s'il vous plait"

"Devenir immortel cela ne vous dit vraiment pas ?", implore Dieu une dernière fois avant de repartir laissant son manteau sur l'eau. Madame Donnadieu salue Ludovic qui part à la guerre en Yougoslavie. Le docteur Vallès et le pasteur discutent sur le quai de gare. Simon est revenu, elle l'embrasse. "Simon Donnadieu.. Rachel." Fin de classe pour madame Monot, les élèves veulent des devoirs. Aveugle mais pas sourd, Klimt connaît maintenant l'histoire par Aude. Mais il ne tire rien de plus en interrogeant Simon. Celui-ci affirme qu'il ne s'est rien passé de particulier, qu'il est revenu embrasser Rachel puis est reparti deux heures après.

Que celui qui n'a jamais fait d'erreur lui jette la première pierre ce que font Jacques Vacher et le docteur Vallès.

Raconter une histoir, c'est le défi auquel se confronte Godard dans ce film. Cette tâche est difficile à accomplir de part les imperfections du cinéma et la somme des histoires déjà racontées avant nous, depuis la Genèse jusqu'aux films des Straub. L'homme du début, celui qui, l'apprendra-t-on ensuite, est Abraham Klimt, éditeur de livres à la recherche de pages manquantes d'une histoire, le substitut de Godard.

Raconter l'histoire, c'est faire ressurgir le passé. C'est penser que cela vaut le coup de nous confronter à ce passé. C'est nous relier à lui, à lui depuis d'origine donc à Dieu, à l'univers, aux peintres et aux romanciers du passé. Tel est le sens des phrases prononcées off dans le livre premier :

Non, non, non, les peintres ne vous diront pas le secret de la souffrance (…) La peinture ne vous dira pas le chemin à parcourir pour arriver de la vision extérieure de l'univers (…) à la contemplation presque jalouse du visage et du geste humain dans la lumière qu'il faut composer pour les éclairer avec toutes les harmonies des plus lointains soleils et des plus poignantes ténèbres.

Dans Hélas pour moi le dieu débarqué sur la terre des humains ordinaires doit souffrir comme sans doute il n’a jamais souffert pour entrer par effraction dans la peau d’un homme quelconque pour approcher sa femme, Rachel la fidèle, celle qui aime son homme sans la moindre défaillance. Les dieux ont du mal à comprendre les sentiments des hommes et leur difficulté de vivre et d’aimer. Celui-ci découvrira chez Rachel une pureté et une intransigeance des sentiments qui fera vaciller ses certitudes de dieu quelque peu arrogant. Il va faire l’expérience de la pesanteur terrestre avec son corps d’emprunt et sera troublé par la grâce de l’amour de cette mortelle.

Mais peut-être qu’Abraham Klimt, l’éditeur en quête d’histoire, découvrira en faisant parler les uns et les autres qu’il ne s’est rien passé que d’humain et de minuscule, ce jour-là, dans ce petit village ordinaire au bord du lac, entre cette femme et son homme. Simon a quitté Rachel pour une nuit, peut-être était-ce la première fois. Un peu plus tard, dans la soirée, Simon est revenu, en avance. Il a retrouvé sa femme, mais elle a eu du mal à reconnaître en lui son mari. C’était à la fois lui et pas lui. Pour la première fois cette nuit-là, elle a découvert que la chair pouvait être triste. Au réveil, le lendemain matin, ils ont parlé de ce qui leur était arrivé le veille. Ils se sont parlés comme jamais sans doute ils ne s’étaient parlés jusque-là : de l’amour, de la fidélité, du corps, de cette soudaine étrangeté de l’autre dans le doute, de ces choses qui ne se disent jamais entre un homme et une femme qui vivent ensemble, peut-être parce quelles sont trop fragiles pour être dites sans être abîmées.

Godard fait ce film pour savoir si au moins elles sont filmables, si elles peuvent passer dans le silence de gestes nouveaux. A l’inverse de Je vous salue Marie, la femme ici reste humaine, c’est l’homme qui va être habité, le temps d’une nuit, par la divinité. Mais elle n’en sera jamais sûre. Est-ce son homme qui est devenu divin ou le dieu qui est devenu son homme ? La seule certitude, c’est que ce doute, cette secousse de la croyance ont suffi à faire surgir entre eux des regards, des gestes timides, des mots hésitants, et que quelque chose de l’indicible de l’amour est remonté à la surface lisse de la vie quotidienne. Pou Godard, la vocation du cinéma n’est pas de traduire en images du déjà pensé et du déjà-dit, mais de trouver les images inédites, les sons inouïs, les rythmes neufs qui devraient permettre de s’approcher de cet indicible, de l’amour comme mystère.

Distribution

  • Gérard Depardieu : Simon Donnadieu
  • Laurence Masliah : Rachel Donnadieu
  • Bernard Verley : Abraham Klimt
  • Aude Amiot : Aude Amiel
  • Roland Blanche : Le professeur de dessin/Le libraire
  • Marc Betton : Le médecin
  • François Germond : Le pasteur
  • Jean-Louis Loca : Max Mercure
  • Anny Romand : La femme du pasteur
  • Monique Couturier : La vieille servante
  • Benjamin Kraatz : Benjamin
  • Manon Andersen : Ondine

Fiche technique

  • Réalisateur : Jean-Luc Godard
  • Scénario : Jean-Luc Godard
  • Images : Caroline Champetier
  • Durée : 95 mn
  • Date de sortie :8 septembre 1993
Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux