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La Cicatrice intérieure film français réalisé par Philippe Garrel, sorti en 1972.

Analyse critique

Le film raconte l'errance d'une femme, de deux hommes et d'un enfant sur une planète lointaine et glacée. Il ne faut pas regarder la Cicatrice intérieure en se posant des questions, il faut le regarder juste par plaisir, comme l'on peut prendre plaisir à se promener dans le désert. En pleine période psychédélique, Philippe Garrel livre un film/voyage/trip aux confins du monde, du temps et de l'Histoire, porté par la musique habitée de sa compagne et actrice Nico. Le film a été tourné en Islande et en Égypte.

En prélude, Philippe Garrel se filme avec sa compagne Nico, couple solitaire, isolé dans la blancheur éclatante du désert. Immobile et en pleurs, elle se fait littéralement traîner par un Garrel mutique mais clairement fatigué. Le deuxième plan séquence, mythique, montre Nico assise et hurlant de sa voix unique, grave et enfantine à la fois ("Philiiiiiiiippe, I can't stand it !"), alors que Garrel entame un tour à 360° qui nous laisse découvrir l'immensité du paysage qui les entoure. Au bout du deuxième tour, Nico se lève et le quitte, hurlant qu'elle peut vivre sans lui.

La Cicatrice intérieure est un film sur la couleur blanche. Blanche est la robe de Nico dont la blancheur déborde sur son teint livide, laiteux, blancs sont les chevaux. Blancs sont les vêtements du petit Balthazar Clémenti et blanc est la tenue d'Ari Boulogne. Blanches sont la neige et la glace et la peau de Pierre Clémenti perdu dans ce désert de craie. Blanc est l’époustouflant troisième plan du film, un travelling arrière avec une Nico tragique et un Philippe Garrel, en dandy déambulant de sa démarche à la fois nonchalante et déterminée. La chanteuse allemande Nico joue dans le film et a réalisé la bande-son (on retrouve les chansons du films sur l'album Desertshore). Ari, l'enfant que l'on voit dans le film, est le fils de Nico.

Un symbolisme fort travaille ces apparitions où les quatre éléments prédominent : le feu du volcan que Clémenti apporte à l'enfant, l'eau des chutes, le vent qui les fouette, la terre noire où se promène Nico habillée comme au Moyen-Age. Cette tentative de retour aux origines, à un temps ancestral et sacré pour l'humanité, symbolise pour Philippe Garrel la fusion entre enfance de l'humanité et enfance du cinéma. Jamais avant la virginité n’avait été projetée avec autant de force sur un écran de cinéma. Jamais, surtout, un cinéaste n'avait su transformer sa surexposition en lumière tout en exhibant ses artifices de mise en scène. En fermant le diaphragme de sa caméra à la fin de chacun de ses plans, l’image blanche surexposée s’assombrit et, lentement, pendant quelques photogrammes, les couleurs apparaissent.

Non narratif, La Cicatrice intérieure n'est fait que de vingt-trois plans séquences et l’on retient, des images de Philippe Garrel, que des déserts de sable, de sel ou de glace; ces éléments naturels de la nature, l’eau, l’air, la terre, le feu, qui se rejoignent quand Clémenti, sur son voilier noir, porte la flamme à l’enfant.

En supprimant de son film toute marque de civilisation connue ou reconnue, Philippe Garrel entraine le public dans un projet de cinéma utopique. Le cinéaste fait un film parlant presque sans paroles, et du désert un océan d’émotions.

Philippe Garrel dépouille son film de tout le superflu pour s'approcher d'une essence, d'un noyau dur qui ne peut être étranger au souffle qui suivit la déflagration Mai 68. Alors que la déception a triomphé des aspirations révolutionnaires, il reste l'amour, Nico, les drogues et le souvenir. Ce séjour dans le désert sonne comme une retraite nécessaire après le tumulte et les mouvements de foule. Mais l'envie de changer les choses est encore là, et Garrel s'y emploie à sa manière, le cinéma.

Pierre Clémenti déclare: « Nous avions voulu montrer comment la solitude qui, par l'ascétisme et le mysticisme, tend vers la mort comme libération, peut aussi ouvrir sur le salut : la fraternité des esprits créateurs, l'unité dans l'action, le progrès. Que l'homme initié, qui a réussi à se libérer lui-même par la solitude et par les rites, peut retrouver le sens de la vie… »

Distribution

  • Nico la femme
  • Philippe Garrel homme / démon
  • Ari Boulogne enfant / petit frère (sous le nom de Christian Aaron Boulogne)
  • Daniel Pommereulle berger
  • Pierre Clémenti cavalier / archer
  • Balthazar Clémenti bébé
  • Jean-Pierre Kalfon gardien du feu / roi

Fiche technique

  • Réalisation : Philippe Garrel
  • Scénario : Philippe Garrel, Nico (dialogues)
  • Production : Sylvina Boissonnas, Philippe Garrel
  • Photographie : Michel Fournier
  • Montage : Philippe Garrel
  • Musique : Nico
  • Durée : 60 minutes
  • Date de sortie : 2 février 1972
Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux