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La Fille aux allumettes est un film finlandais (co-produit par la Suède), réalisé, écrit, produit et monté par Aki Kaurismäki, sorti en 1990.

Analyse

Silencieuse et effacée, Iiris est ouvrière à la fabrique d'allumettes. Pas vraiment laide mais, pire, sans attrait ni couleur, comme invisible. Chez elle, ses parents, des alcooliques, l'ignorent : elle leur sert de bonne. Parfois, dans un livre, avec une chanson, elle s'évade. Mais au bal, personne ne la fait danser. Sauf le soir où elle a porté la robe rouge achetée en cachette : un bellâtre, Arne, l'a invitée chez lui, l'a payée puis jetée, avec un «têtard» dans le ventre, qu'elle perd bien vite. Alors, elle a versé du poison dans le verre d'Arne, de ses parents. Aujourd'hui, deux policiers sont venus la cueillir à l'usine.

Avec une exemplaire rigueur, le cinéaste procède au nettoyage par le vide des images de son film, gommant le moindre détail, visuel et sonore, dont l'inutilité ou la redondance pollueraient, jusqu'à l'obscurcir, la signification, unique et forte, qu'il entend leur conférer.

Au terme de cette chasse à tout ce qui gaspille l'attention, subsistent soixante-dix minutes de plans appréhendés frontalement et à distance par une caméra immobile qui les fixe, en instants chargés d'éternité. Des exemples : la fille, assise, un téléphone, muet, c'est la vaine attente d'un amour sans retour. La même, dos au mur sur lequel dansent les ombres de couples enlacés, c'est la représentation de la solitude affective. Sons et dialogues jouent le même rôle que l'image, en étroite symbiose, pour dire, sans parasites, l'indispensable. «Je suis enceinte», dit la fille; «Ah! bon», répond sa collègue. «Ça tue», informe la pharmacienne en vendant la mort-aux-rats à la fille qui constate: «Bien.»

La démarche artistique d'Aki Kaurismäki, dont la mise en scène minimaliste exalte la cruelle et pathétique ironie, évoque celle d'un chirurgien qui isole son champ opératoire en écartant les tissus alentours. Cette attitude quasi scientifique est illustrée au début du film par ce documentaire qui suit le processus de fabrication des allumettes, du billot de bois, écorcé, réduit en planches, jusqu'aux fétus mis en boîtes. De la même manière, du magma évènementiel contemporain, dont radio et télévision débitent le chaos, guerres, révoltes, misères, le cinéaste extrait un fétu, une fille, Iiris, et décrit les étapes de son aliénation : au travail, en famille, par les loisirs. Mais lorsqu'un jour Iiris revêt une robe rouge et, ainsi qu'une allumette, brille d'un vif et bref éclat, c'est pour clamer haut et fier qu'elle existe en tant que femme et qu'elle a le pouvoir de se révolter.

il fallait, pour incarner cette figure indomptable, une comédienne tout à la fois exceptionnelle et banale, une femme dont le physique soit transfiguré par sa force d'âme : Kaurismäki l'a trouvée avec Kati Outinen, interprète de tous ses films jusqu'à L'homme sans passé (2002) pour lequel elle a reçu le Prix d'interprétation féminine au Festival de Cannes.

Distribution

  • Kati Outinen : Iiris
  • Elina Salo : la mère
  • Esko Nikkari : le père
  • Vesa Vierikko : Aarne
  • Reijo Taipale : le chanteur
  • Silu Seppälä : le frère d'Iiris
  • Outi Mäenpää : une collègue
  • Marja Packalén : docteur
  • Richard Reitinger : un homme
  • Helka Viljanen : une employée
  • Kurt Siilas : un policier
  • Ismo Keinänen : un policier

Fiche technique

  • Titre original : Tulitikkutehtaan tyttö
  • Titre anglais : The Match Factory Girl
  • Réalisation : Aki Kaurismäki
  • Production : Aki Kaurismäki
  • Scénario : Aki Kaurismäki
  • Photographie : Timo Salminen
  • Montage : Aki Kaurismäki
  • Durée : 70 minutes
  • Date de sortie : 12 février 1990 (Finlande)
Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux