Recherchez sur ce site

Sommaire (edit)

Le cinéma

Liens

Développé grâce à: pmwiki.org

Changements Récents Version imprimable Edition

La Mort en ce jardin film franco mexicain de Luis Buñuel, sorti en 1956

Analyse

La première partie du film se concentre sur un conflit opposant des chercheurs de diamants à la junte militaire qui administre la région. Plusieurs personnages se distinguent par leur absence d'intérêt et de parti pris dans ce conflit : Castin, un vieil homme doux et pacifique qui n'aspire qu'à retourner en France, sa jeune fille sourde-muette, Chark, un aventurier rugueux, brutal et farouchement individualiste et qui apparaît en faisant un mémorable doigt d'honneur aux militaires, indifférent à l'émeute en cours, Djin, une prostituée indépendante et forte en gueule, et un prêtre missionnaire, le Père Lizzardi, habillé en blanc du début à la fin. Un concours de circonstances conduit ces personnages, pourchassés par l'armée, à fuir ensemble dans la jungle qui les sépare du Brésil, où ils seront à l'abri. Leur guide disparaît très vite, et une longue et pénible errance commence, au cours de laquelle les relations évoluent.

"La Mort en ce jardin" est un des trois films de la période mexicaine que Luis Buñuel tourna en langue française, suite à de premiers rapprochements avec l'Europe qui devaient conduire à un retour tonitruant avec le scandale de "Viridiana" en 1961.

"La Mort en ce jardin" apparaît de prime abord comme un film d'aventures tout à fait conventionnel, comme une sorte de commande réalisée honnêtement - honnêteté qui surprend un peu de la part de Buñuel... Et de fait, au fur et à mesure, le film est agrémenté de touches buñuelliennes en diable (notamment à travers le personnage du prêtre dont Buñuel ne parvient pas à faire la figure irréprochable qu'elle était manifestement supposée être), jusqu'à subir une torsion qui le conduit de façon de plus en plus évidente sur les terres surréalistes. On citera notamment une "image pulsion" digne de celles d'"Un Chien Andalou" ou de "L'Âge d'or", lorsque le prêtre est comme pétrifié en voyant un cadavre de serpent dévoré par des milliers de fourmis rouges (détail piquant : le serpent en question vient également d'être le premier repas depuis longtemps des protagonistes) ; ou encore l'admirable dernière partie, où, après avoir découvert un avion accidenté dont les passagers étaient manifestement de haut bourgeois,les personnages qui étaient devenus de véritable loques en haillons se retrouvent à boire du champagne en habits de soirée au beau milieu d'un décor de forêt tropicale, environnés de cris de singes et de bruits d'insectes, évoluant entre les ruines de la carcasse de l'avion éventrée.

Par ailleurs, les valeurs qui fondent l'intrigue initiale (valeurs sociales telles que la propriété, le pouvoir, l'argent, etc.) sont mises à mal au cours de l'errance des personnages dans la jungle, jusqu'à s'évanouir complètement : le vieil homme jette ses diamants à l'eau (le magot de toute une vie), le prêtre déchire les pages de sa Bible pour lancer le feu (petite cruauté de Buñuel : le sacrifice est inutile, car le feu prend finalement tout seul immédiatement après). Cette destruction méthodique des valeurs culmine avec le "dénouement", si l'on peut dire, où l'être apparemment le plus inoffensif devient une sorte d'ange exterminateur avant l'heure, éliminant sans faire de distinction entre la putain censément négative et le prêtre censément positif, et où les seuls rescapés sont d'une part le brutal individualiste, et d'autre part la figure de l'innocence recluse sur elle-même (une sourde-muette) - figure qui n'est pas sans rappeler d'autres apparitions dans des films de Buñuel, telle que la petite fille du "Journal d'une femme de chambre". Les remous sociaux et politiques de départ paraissent bien loin et presque irréels, idée dont Buñuel offrira deux très belles variations, à la fois plus explicites et plus poétiques, avec le final de "Journal d'une femme de chambre" et celui du "Fantôme de la liberté".

À noter enfin cette ironie quasi nihiliste qui veut que les personnages, qui semblent condamnés à mourir de faim et de fatigue soient sauvés in extremis pour trouver une mort absurde et dénuée de sens immédiatement après.

Dans ses mémoires, Buñuel se plaint des problèmes de scénario qu'il a rencontré sur ce film, et se souvient de l'aide qu'a tenté de lui apporter Raymond Queneau. Il évoque notamment une idée de ce dernier qui n'a pas été conservée au montage : Simone Signoret fait des achats à l'épicerie et demande un savon. Mais on entend soudain les trompettes de l'armée, et elle rectifie alors pour en demander cinq.

Distribution

  • Simone Signoret : Djin
  • Michel Piccoli : le père Lizzardi
  • Georges Marchal : Chark
  • Michèle Girardon : Maria Castin
  • Charles Vanel : Castin
  • Federico Curiel

Fiche technique

  • Titre : La Mort en ce jardin
  • Titre mexicain : La Muerte en el jardín
  • Réalisateur : Luis Buñuel
  • Scénario : Luis Buñuel, Raymond Queneau, Luis Alcoriza d’après le roman homonyme de José-André Lacour (paru en 1954)
  • Dialogues : Raymond Queneau, Gabriel Arout
  • Musique : Paul Misraki
  • Directeur de la photographie : Jorge Stahl Jr.
  • Montage : Marguerite Renoir, Denise Charvein, Luis Buñuel
  • Pays d’origine : France , Mexique
  • Producteur : David Magne
  • Sociétés de production : Dismage (France), Producciónes Tepeyac (Mexique)
  • Durée : 99 minutes
  • Dates de sortie :
    • 21 septembre 1956 en France
    • 9 juin 1960 au Mexique

Simone Signoret et Michel Piccoli

Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux