Recherchez sur ce site

Sommaire (edit)

Le cinéma

Liens

Développé grâce à: pmwiki.org

Changements Récents Version imprimable Edition

La vie est belle (La vita è bella) est un film italien de et avec Roberto Benigni sorti en 1997.

Analyse

Benigni définit lui-même son film comme une fable : Guido rencontre et séduit sa future femme, Dora. Des années plus tard, il en a un petit garçon et, en tant que juifs, ils sont déportés vers un camp de concentration allemand. Là, il fait croire à son fils que les occupations du camp allemand sont en réalité un jeu, dont le but serait de gagner un tank.

Le film est construit en deux parties : une cinglante satire du fascisme italien d'abord, puis une formidable fable sur la Solution finale. Une oeuvre improbable qui aurait pu, à tout moment, tourner à la farce grossière. Au contraire, La vità è bella se situe à mi-chemin entre l'onirisme de Frank Capra et le tragi-comique de Charlie Chaplin. On rit dans la première partie, on pleure dans la seconde.

Comme le Dictateur (1938) de Chaplin, en réalité fort éloigné d'Adolf Hitler et de son IIIe Reich, le film de Roberto Benigni est loin d'avoir fait l'unanimité : Le Monde a même parlé à son sujet de "première comédie négationniste dans l'histoire du cinéma". Jusqu'ici, toutes les comédies réalisées sur la Seconde Guerre mondiale avaient soigneusement évité de choisir pour cadre les camps de la mort. Bien sûr, celle-ci ne prétend nullement à la reconstitution historique du mécanisme de la Solution finale.

Bien sûr, Guido, son héros, ne semble pas avoir conscience du monde qui l'entoure ; malgré le fascisme, malgré les loi anti-juives, il poursuit son histoire d'amour avec, pour seule arme, l'humour et la dérision. Mais à aucun moment le metteur en scène ne nie l'existence de l'extermination. Il en montre les pires aspects : les trains, les "douches", les corps entassés.

Déclarations de Roberto Benigni

Pourquoi vous êtes-vous intéressé à un sujet aussi différent de ceux de vos précédents films ?
Je ne me suis jamais demandé si cette idée était semblable ou différente de celles de mes autres films. J’ai seulement senti qu’elle me plaisait énormément, qu’elle me bouleversait. Je pourrais même dire que ce n’est pas moi qui suis allé chercher cette idée, mais que c’est elle qui est venue me chercher. Un jour je l’ai trouvée sur moi et depuis ce moment-là, elle ne m’a plus quitté
J’ai pensé à Trotski et à tout ce qu’il a enduré : enfermé dans un bunker à Mexico, il attendait les tueurs à gages de Staline, et pourtant, en regardant sa femme dans le jardin, il écrivait que, malgré tout, la vie est belle et digne d’être vécue. Le titre est venu de là… Rire nous sauve, voir l’autre côté des choses, le côté irréel et amusant, ou réussir à l’imaginer, nous aide à ne pas être réduits en miettes, à ne pas être écrasés comme des brindilles, à résister pour réussir à passer la nuit, même quand elle s’annonce très très longue. Dans ce sens, l’on peut faire rire sans blesser personne : l’humour juif est téméraire.

Vous saviez qu’il s’agissait d’un sujet délicat. Cela ne vous a pas freiné?
Bien sûr que si. Quand on tombe amoureux on a toujours peur, et pour aimer il faut du courage. Quand cette idée s’est emparée de moi, comme une illumination, une révélation, j’ai immédiatement reculé. Une réaction de peur, comme pour me défendre. Mais je tenais à cette idée, qui m’empêchait même de dormir, et c’était un sentiment si fort que la peur a disparu. Je n’ai jamais songé à faire une reconstitution exacte. Prenons la première partie : l’Italie de 1938 n’est pas minutieusement reconstituée. Un historien crierait probablement au scandale… Il en est de même pour le camp. C’est une idée - au sens quasi platonicien - de camp, l’idée d’une antre du Mal, d’une antre du monstre. Comme dans un conte pour enfants.

Donc, “La Vie est belle” n’est pas une reconstitution historique mais une fable dans laquelle l’histoire entre comme un matériau ?
Il ne faut rien y chercher de réaliste. Il n’y a rien de plus puissant et de plus terrible que d’évoquer la terreur. Comme dit Edgar Poe, si, parvenu au bord du précipice, on ne regarde pas, l’horreur est incommensurable. Si on la montre, elle devient telle qu’on la montre. D’après ce que j’ai lu, vu et ressenti dans les témoignages des déportés, je me suis rendu compte que rien ne pouvait approcher la réalité de ce qui s’est passé. Comment montrer de façon réaliste ce que je n’ai même pas le courage de dire ?

C’est si inconcevable qu’il est presque facile de faire croire que tout cela n’était qu’un jeu. Primo Levi en parle dans “Si c’est un homme”. Il décrit l’appel du matin dans le camp. Tous les détenus sont nus, immobiles., et Levi regarde autour de lui en se disant : “Et si ce n’était qu’une blague, tout ça ne peut pas être vrai…” C’est la question que se sont posés tous les survivants : comment cela a-t-il pu arriver ?

Fuir le réalisme, n’est-ce pas trahir la réalité ?
A chaque fois que l’on écrit, il s’opère une trahison. L’artiste trahit parce qu’il doit choisir un style, trier la réalité, éliminer des choses, suivre une narration. J’ai aussi pensé à cette belle phrase de Keats : “Ce n’est pas ce qui est vrai qui est beau, c’est ce qui est beau qui est vrai.” Quand une chose est belle, elle devient réelle. Si le film est réussi, et j’espère qu’il l’est, le camp devient vrai.

Comment qualifier le personnage que vous incarnez dans le film ?
Dans le film, je suis antifasciste, non seulement au fond de mon coeur, mais aussi physiquement : dans ma façon d’apparaître, on comprend que je ne peux pas être fasciste, parce que mes sourcils, mes incisives, mon ventre sont antifascistes ! Je représente la liberté totale, la générosité. Et également l’enfance.

Comment est née l’idée du père protégeant son fils ?
Quoi de plus beau, quoi de plus émouvant, qu’une histoire d’amour avec un enfant ? A la base, il y a le principe d’éviter le traumatisme aux enfants, de protéger la pureté. Le sentiment le plus ancien, le plus grand et le plus profond que les hommes puissent posséder. Mais il y a aussi le fait que les enfants doivent savoir, et dans le film, comme dans un conte, c’est comme si l’enfant vivait à travers mon regard. Quand je meurs, c’est comme s’il savait tout.

Pour le personnage de Giosuè, j’ai choisi l’âge que Conrad définit comme celui de la “ligne d’ombre de l’enfance”, l’âge où l’on comprend tout mais où on peut aussi croire qu’il s’agit d’un jeu. Giosuè a probablement tout compris… Après avoir écrit le scénario, j’ai lu un livre qui s’appelle “L’Enfant de Buchenwald”, et qui raconte une histoire très semblable. Ce qui m’a effrayé, c’est que la réalité est parfois surprenante, et quand on invente les situations les plus abominables, on découvre qu’elles ont existé.

Comment vous êtes-vous documenté auprès des associations juives, comme le CEDEC de Milan ? Quel a été l’apport des historiens avec lesquels vous avez travaillé, comme Marcello Pezzetti, et aussi des anciens déportés qui sont cités au générique ?
Leur apport a été enthousiasmant et émouvant. Au début j’avais très peur que les gens soient méfiants. Me présenter, dire: “Je suis Roberto Benigni, je veux faire un film sur les camps d’extermination…” - c’est d’ailleurs ce qui s’est passé ! J’ajoutais tout de suite : “C’est un film, un artiste doit prendre des libertés”. Ils m’ont mis en garde : ils m’ont dit, par exemple, qu’un enfant ne pouvait pas survivre dans un camp d’extermination. Mais, d’un autre côté, ils ont aussi compris que je voulais qu’ils ne se sentent pas blessés par le film. Et je crois qu’ils ont senti dans mon désir de raconter cette histoire une telle puissance, un tel amour qu’il leur était difficile de me dire non.
Des rescapés sont venus sur le tournage et Marcello Pezzetti, qui est un historien de la déportation, a veillé à ce qu’il n’y ait pas d’erreurs trop grossières. Mais soyons clairs, si j’avais mis un nom où une référence précise à un camp italien, allemand ou polonais, c’est à ce moment-là, d’un point de vue historique, qu’on aurait pu me dire : “Non, ce n’était pas comme ça”.

Le film est clairement construit en deux parties. Et la première a pour fonction d’installer le climat de conte de fées, de montrer que Guido est un personnage poétique qui peut reconstruire la réalité…
C’est l’histoire des personnages qui est divisée en deux, mais pas le film. Dans la deuxième partie, mon personnage et celui de Nicoletta Braschi sont exactement les mêmes que dans la première partie, mais ils se trouvent dans une situation extrême : celle d’un camp d’extermination, ils réagissent donc en conséquence.
Mais le film est aussi et surtout cela : l’histoire d’une famille heureuse qui soudain, en n’ayant commis aucune faute et sans aucune raison, est jetée dans l’horreur. Tout comme malheureusement cela arrivait à l’époque.

“La Vie est belle” rappelle aussi que les persécutions contre les juifs n’ont pas eu lieu uniquement avec l’arrivée des Allemands, mais qu’en Italie elles existaient avant. Il semble qu’il y ait en Italie une occultation de ce passé antisémite et raciste. Le film est-il aussi une réaction à ce tabou de l’histoire italienne ?
Les historiens ont là-dessus des avis divergents.
Le fascisme était une chose épouvantable. Mais il est facile de le dire après coup : moi, je voulais aussi le présenter comme une clownerie, un cirque stupide. Il n’y a pas de haine dans mon personnage.
Mais quand Guido arrive chez son oncle, et croise les trois voyous, ceux qui vont ensuite peindre le cheval en vert, il est clair que c’est à cause d’eux, de leurs “plaisanteries” que Guido sera déporté. Quand le fascisme a permis, comme il l’a fait à Trieste, à Florence, dans de nombreuses villes, de faire des razzias dans les bars, de casser les vitrines et de frapper impunément les juifs, c’était les étudiants qui faisaient ça. Ils pissaient sur les tables, ils faisaient ce qu’ils voulaient dans tous les lieux où il y avait des juifs et ils n’étaient pas punis. Ce n’était pas permis par la loi, mais par le gouvernement. On disait à l’époque : “Ils s’amusent, ce n’est rien”. Mais c’est justement ce genre de choses qui effraye le plus parce que cela conduit à la barbarie.

Le film est un appel à se souvenir de cette escalade ?
Avant tout, le film est un film. Si ensuite ceux qui l’ont vu se demandent comment tout cela a pu arriver, ce serait magnifique. Nous ne devons pas oublier, mais je ne voudrais pas que cela devienne un simple slogan. Qui a dit que ces horreurs ne sont propres qu’au nazisme ? Elles peuvent toujours se reproduire. Elles se sont répétées récemment, par exemple en Bosnie. Il faut regarder le visage que prend aujourd’hui ce qu’on appelait autrefois le nazisme.

Quel accueil a eu le film en Italie, parmi les juifs et les anciens déportés ?
J’avais très peur. Nous avons fait une avant-première pour la communauté juive de Milan, devant tous les rescapés et les anciens déportés. Et pour un comique qui est habitué à voir les gens s’esclaffer quand la lumière s’allume, de voir tous ces gens dans le silence total, qui pleuraient et qui venaient m’embrasser, ça m’a donné à moi aussi envie de pleurer. C’était un moment très fort, je n’ai jamais eu ce type de réaction à aucun de mes films. La chose qui m’a le plus ému c’est qu’une famille de juifs italiens a planté en Israël des arbres en mon honneur et en celui de Nicoletta Braschi.

Distribution

  • Roberto Benigni : Guido
  • Nicoletta Braschi : Dora
  • Pietro De Silva : Bartolomeo
  • Horst Buchholz : le docteur Lessing
  • Marisa Paredes : La mère de Dora
  • Giustino Durano : l'oncle de Guido
  • Sergio Bustric : Ferruccio Papini

Fiche technique

  • Titre original : La vita è bella
  • Réalisation : Roberto Benigni
  • Scénario : Roberto Benigni et Vincenzo Cerami
  • Production : Elda Ferri et Gianluigi Braschi pour Melampo Cinematografica et Cecchi Gori Group Tiger Cinematografica
  • Musique : Nicola Piovani
  • Photographie : Tonino Delli Colli
  • Montage : Simona Paggi
  • Durée : 117 minutes (1 h 57)
  • Dates de sortie : 20 décembre 1997 (Italie ) ; Festival de Cannes 1998; 21 octobre 1998 (France)

Récompenses

Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux