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La Tête contre les murs est un film français réalisé par Georges Franju et sorti en 1959.

Analyse

Arthur Gérane alterne internements et incarcérations, entrecoupés de quelques escapades furtives. Asile, puis prison, puis asile, asile et asile encore - ou, Hôpital psychiatrique, comme on veut bien aimablement le nommer désormais dans les années 30. Des enfermements en acte donc, mais aussi psychologiques. Le héros a beau fuir à travers champs, il demeure captif de lui-même : Les murs sont avant tout tes murs. Ils peuvent reculer devant tes pas, mais ta liberté même reste une enceinte si tu ne sors pas de toi-même, lui souffle la bouche rouillée des serrures de sa chambre de détention. La Tête contre les murs n'est autre que la banale histoire d'une infirme de la liberté.

Le propos de Franju n'est pas de dénouer une intrigue ingénieuse car il ne reste rien ou presque du roman adapté, mais de marquer les degrés d'un enlisement sans recours. Au reste, il n'y a, chez Franju aucun goût pour l'esthétique pure, nulle complaisance trop appuyée pour le Beau.

Ces phares dans la nuit, ces travellings obliques, la souplesse toujours inventive du découpage, la virtuosité dans l'emploi du son, bref ce perpétuel morceau de bravoure n'empêche pas Franju d'affirmer avec toute la violence désirable qu'il est de ceux qui veulent changer la vie. Mais foin des protestations simplistes: il se défend énergiquement, et avec raison, de faire du «cinéma social».

On peut reprocher à Franju ce perpétuel souci du paysage bizarre : la palissade hérissée de fers tordus et d'oiseaux empaillés près de laquelle Gérane et Stéphanie échangent leurs premières répliques, l'arbre blanc qui troue la nuit, le bosquet incongru au bord d'une route rectiligne, la cage pleine de colombes derrière laquelle dialoguent deux médecins.

On peut se sentir gêné par un dédain appliqué de l'intrigue, qui néglige d'emblée les articulations, explications et autres points secondaires où triomphent d'habitude l'habileté maladroite et le faux métier du parfait petit scénariste français. Mais il importe précisément que la bande sonore escamote les dialogues éclairants au profit des bruits ou simplement de la lassitude des accents.

Critique de Jean-Luc Godard

Comme on dit l'amour-fou, du premier long métrage de Franju, on dira : le cinéma-fou. La Tête contre les murs est un film de fou sur les fous. C'est donc un film d'une beauté folle. (...)

La Tête contre les murs est un film inspiré. Pour Franju, aller jusqu'au bout des choses a consisté cette fois à surprendre non pas la folie derrière le réalisme, mais de nouveau le réalisme derrière cette folie elle-même. À la différence du Sang des bêtes et d'Hôtel des Invalides où la brièveté du métrage forçait peut-être Franju à des effets trop systématiquement provocants, la mise en scène de la Tête contre les murs est d'une sagesse rigoureuse. C'est la beauté de ce film d'être beau parce qu'il est cartésien. Franju ne sait peut-être pas diriger ses acteurs. Mais jamais Jean-Pierre Mocky?, Anouk Aimée, Paul Meurisse, Pierre Brasseur n'ont été meilleurs, jamais leur diction n'a été plus juste. Ils ne jouent pas. Ils tremblent.

Un motocycliste fonce dans un ravin, une fille en slip escalade la nuit l'échelle d'une piscine de banlieue, des phares escortent en travelling un mur d'asile, un train électrique serpente dans un jardin, une voiture surgit d'un fantomatique bouquet d'arbres photographié par Schuftan, les lumières de Paris assourdissent un fou en liberté, des gros pigeons blancs font rêver Aznavour. Au contraire d'Alfred Hitchcock?, et comme chez Lang, on se souvient chez Franju de scènes et non de plans, ce qui est la caractéristique du cinéaste dionysiaque. (...)

J.-L. Godard, Cahiers du cinéma, spécial Noël 1959

Distribution

  • Pierre Brasseur : Dr. Varmont
  • Paul Meurisse : Dr. Emery
  • Jean-Pierre Mocky : François Gérane
  • Anouk Aimée : Stéphanie
  • Jean Galland : Maître Gérane
  • Jean Ozenne : Comte Elzéar de Chambrelle
  • Thomy Bourdelle : Colonel Donnadieu
  • Rudy Lenoir : Le planqué
  • Roger Legris : Decauville
  • Henri San Juan : Patron du billard
  • Edith Scob : La folle qui chante

Fiche technique

  • Titre : La Tête contre les murs
  • Réalisation : Georges Franju
  • Scénario : Hervé Bazin, Jean-Charles Pichon et Jean-Pierre Mocky?, d'après le roman de Hervé Bazin
  • Produit par : Jérôme Goulven
  • Musique originale : Maurice Jarre
  • Image : Eugen Schüfftan
  • Montage : Suzanne Sandberg
  • Durée : 95 mn
  • Format : noir et blanc
  • Film français
  • Date de sortie France : 20 mars 1959
Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux