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Le Bruit des glaçons film écrit et réalisé par Bertrand Blier, sorti en 2010. AnalyseCharles Faulque, écrivain célèbre et alcoolique, a la désagréable surprise de recevoir la visite de son cancer dans sa belle villa du Sud de la France. Celui-ci, inquiétant et guilleret, le cheveu mal coiffé, lui annonce sa mort prochaine mais, bon prince, lui laisse le choix de l'organe infecté. Louisa, la discrète servante de la demeure, s'inquiète des nouvelles lubies de son patron, qu'elle voit se colleter avec le vide et parler au néant. Après avoir tenté de supprimer son cancer, Charles se résout à sa conversation. Le cancer l'aide même à se coucher après sa cuite du soir. Charles s'épanche sur sa vie ratée, son mariage brisé par son égoïsme et l'absence de son fils. Ce type, on le voit s'approcher de la grille d'une propriété. Et sonner. « Bonjour, dit-il à son interlocuteur, je suis votre cancer. Je pense que ce serait bien qu'on fasse un peu connaissance. » La mort, Bertrand Blier l'a déjà filmée plus d'une fois, sans jamais oser saisir, à vif, son travail de sape. Ni l'incrédulité épouvantée de celui qui la contemple, soudain, en chair et en os : en l'occurrence, un écrivain alcoolique. Un mec littérairement à sec, qui erre dans sa villa, sans quitter un seul instant son cher seau à glace dans lequel se succèdent, à une vitesse phénoménale, des bouteilles de Côtes-de-Provence Entre le cancer et lui, c'est une lutte à mort, terrifiante et comique dans sa dérision même. Le bruit des glaçons du titre est là pour tenir à l'écart les rumeurs importunes, mais la voix du cancer est la plus forte. Le malade tente bien de dresser quelques pauvres défenses, le scepticisme, la colère, une passion tardive pour Louisa, mais le cancer, qui n'a d'autre raison d'être que de se propager, n'est pas enclin au dialogue. Le cadre est perpétuellement encombré par la présence toxique d'Albert Dupontel. Charles devrait vaquer aux occupations qui sont celles d'un agonisant, réconciliations, méditations. Mais chacun de ses gestes est parasité par ce corps un peu mou surmonté d'un visage que Dupontel rend parfaitement odieux. La surprise du Bruit des glaçons, c'est pourtant l'irruption d'un sentiment que le cinéaste avait souvent cherché, parfois trouvé, sans oser y succomber : la tendresse. C'est chose faite avec ce beau personnage de femme qu'incarne Anne Alvaro, la servante amoureuse. Celle que nul ne voit, mais à qui rien n'échappe. Une ombre extravagante, inébranlable dans sa pureté. A son contact, tous les personnages, même les plus secondaires, les plus fugitifs, s'éclairent, et la mise en scène de Bertrand Blier s'affine à l'image de ce mouvement de caméra qui serpente et s'élève vers la chambre où Louisa et Charles font l'amour, pour lutter contre ce cancer qui les dévore. Bientôt, la pauvre Louisa est à son tour affligée d'un cancer et de son incarnation, qui a les traits de Myriam Boyer, vêtue comme l'étaient les bigotes il y a un demi-siècle. La dernière idylle avant le grand saut devient une partie carrée grotesque, une danse macabre fascinante et repoussante. Le cancer nous tient lieu de divinité maligne et familière. On a donc le droit d'en faire un objet de ridicule, c'est une technique anxiolytique jadis appliquée aux démons dans les fables. Le film de Bertrand Blier descend en droite ligne de ces exorcismes comiques. Le Bruit des glaçons se termine par une pirouette censée soulager des épreuves qui ont précédé. Mais il reste de ce film, qui brave avec panache les règles de la bienséance, l'impression d'avoir côtoyé la mort un moment.
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