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Le Havre film français, allemand et finlandais, réalisé, écrit, et produit par Aki Kaurismäki, sorti en 2011.

Analyse

Marcel Marx, ex-écrivain et bohème renommé, s'est exilé volontairement dans la ville portuaire du Havre où son métier honorable mais non rémunérateur de cireur de chaussures lui donne le sentiment d'être plus proche du peuple en le servant. Il a fait le deuil de son ambition littéraire et mène une vie satisfaisante dans le triangle constitué par le bistrot du coin, son travail et sa femme Arletty, quand le destin met brusquement sur son chemin Idrissa, un enfant immigré originaire d'Afrique noire.

Quand au même moment Arletty tombe gravement malade et doit s'aliter, Marcel doit à nouveau combattre le mur froid de l'indifférence humaine avec pour seules armes son optimisme inné et la solidarité têtue des habitants de son quartier. Il affronte la mécanique aveugle d'un Etat de droit occidental, représenté par l'étau de la police qui se resserre de plus en plus sur le jeune garçon refugié.

Les premières séquences montrent deux cireurs de chaussures d'un autre âge qui attendent, debout le chaland, dans un coin de la gare du Havre. Le flot de voyageurs, la plupart en tennis, les remarque à peine. Un retardataire, s'assoit pour un coup de cirage. D'autres types aussi patibulaires sont postés non loin. Le client paye vite, sort du champ et se fait dessouder. Mais point d'affolement chez les cireurs.

C'est la première fois que Kaurismäki confronte ainsi son univers de fable à une forme d'actualité brûlante : la France d'aujourd'hui, avec sa répression, ses centres de rétention, ses clandestins traqués. Le Finlandais n'a pas pris pour autant un habit de militant. Il reste un artisan qui se décale dans le temps pour dépeindre le monde de manière originale. Kaurismäki décrit un monde cruel, mais, à la différence de ses autres films, ici les méchants, tapis dans l'ombre comme ce délateur (Jean-Pierre Léaud), sont moins efficaces.

Ce qui domine, c'est l'élan inattendu et spontané de solidarité clandestine. De l'épicier à la boulangère, chacun y va de son petit geste. La ruelle où se niche la bicoque de pêcheur de Marcel est un petit théâtre en soi. L'ambiance évoque le rétro provincial des années 1950-1960. On pense à un Robert_Guédiguian du nord. Un vieux téléphone noir à cadran, une Mobylette bleue, une table en Formica, une R16, et c'est toute une France oubliée que le cinéaste s'amuse à faire ressortir nettement, avec une pointe de mélancolie joueuse plus que de nostalgie.

Kaurismäki a trouvé au Havre un décor et un casting idéal. Il a fait appel aux gars du coin, reconnaissables dans les scènes de bistrot. Il a invité une légende locale vivante, Roberto Piazza , plus connu sous le nom de Little Bob, pionnier du rock et du rhythm'n'blues en France.

Le réalisateur pousse l'absurde jusqu'au bout. C'est ce que fait Marcel : « Je suis l'albinos de la famille », dit-il au directeur du centre de rétention de Calais pour justifier d'être soi-disant le frère du grand-père d'Idrissa. Etre frère, tout est là. Ce n'est pas la bonté, encore moins la compassion qui anime Marcel. Plutôt une fraternité naturelle de citoyen du monde, qui se passe d'explication. On parle peu mais bien dans Le Havre. Avec une politesse ex­quise. Avec une dignité qui mène à une morale simple comme bonjour : c'est en aidant les autres qu'il peut nous arriver des choses formidables. La fin du film est optimiste, mais Kaurismäki nous montre que c'est un choix délibéré et presque irréaliste, car dans la vraie vie, les femmes meurent du cancer et les émigrants clandestins se font prendre. Le montage habile

Dans ce film, ou plutôt dans ce conte, la poésie et le surréalisme sont rois. Les acteurs déjouent, les couleurs sont plus belles que dans la vraie vie, on écoute des disques vynils, les sentiments nobles l’emportent sur le cynisme généralisé. Kaurismaki l’engagé prône l’entraide et dénonce la société policière. C’est un film d’une gravité légère et d’une générosité simple.

Distribution

  • André Wilms : Marcel Marx
  • Kati Outinen : Arletty Marx, la femme de Marcel
  • Jean-Pierre Darroussin : le commissaire Monet
  • Blondin Miguel : Irissa, le jeune clandestin
  • Elina Salo : Claire, la patrone du bar « Le Moderne »
  • Evelyne Didi : Yvette, la boulangère
  • Quoc Dung Nguyen : « Cheng », le collègue cireur de Marcel
  • François Monnié : l'épicier
  • Roberto Piazza : Little Bob, le chanteur
  • Pierre Étaix : le docteur Becker
  • Jean-Pierre Léaud : le dénonciateur

Fiche technique

  • Réalisation : Aki Kaurismäki
  • Production : Aki Kaurismäki
  • Scénario : Aki Kaurismäki
  • Photographie : Timo Salminen
  • Montage : Timo Linnasalo
  • Musique : The Renegades
  • Durée : 93 minutes
  • Dates de sortie : 17 mai 2011 (Festival de Cannes 2011); France : 21 décembre 2011

Récompenses

  • Festival de Cannes 2011 : Prix FIPRESCI de la Critique internationale
  • Prix Louis Delluc 2011
Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux