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Répulsion est un film anglais de Roman Polanski, sorti en 1965.

Analyse

Carole Ledoux, jeune fille d'origine belge, vit à Londres avec Hélène, sa soeur aînée. Elle travaille dans un institut de beauté et se montre plutôt farouche avec son amoureux Colin. Hélène introduit chez elle son amant Michael, un homme marié assez vulgaire. Carole supporte mal cette présence. Peu à peu, elle glisse vers une schizophrénie qui lui rend insupportable toute apparition masculine. Michael et Hélène partent en vacances.

Après avoir blessé volontairement une cliente de l'institut de beauté, Carole s'enferme dans l'appartement. Dans ses hallucinations, les murs craquent et se fissurent. Colin, inquiet, insiste pour rentrer dans l'appartement et enfonce la porte. Carole l'assomme et porte le cadavre dans une baignoire pleine d'eau. Le propriétaire vient encaisser le loyer. Il a le malheur de se montrer entreprenant. Carole lui tranche la gorge avec le rasoir de Michael. Elle traîne le corps derrière un canapé renversé. L'odeur putride d'un lapin en décomposition envahit l'appartement. Un spectacle hallucinant attend Hélène et Michael à leur retour de vacances : prostrée, Carole a sombré dans la démence. Michael la prend dans ses bras pour l'emmener vers l'ambulance.

Répulsion est un film angoissant, parfois long, mais qui montre un cas clinique de schizophrénie très plausible. Le film fut loué par certains psychiatres et détesté par d'autres. Pour Polanski, ce film est "le moins abouti" de sa filmographie, mais pour un film réalisé avec peu de moyens, il reste cependant très bien fait. Le cinéaste regrette les effets spéciaux et les décors qui manquent de fini.

Rarement un film a présenté une telle osmose entre la mise-en-scène, angles de prises de vues, images et photo, décor, éclairage, musique et son et une interprète, entre une ambiance et un personnage. Carol semble vivre dès le début dans un brouillard, un rêve que nous ne percevons pas encore, tout juste avons-nous un sentiment d'étrangeté. La diction monotone et monocorde de Catherine Deneuve, ces expressions de belle endormie en sont les premiers signes. Elle ne nous inquiète pas encore mais elle nous intrigue déjà. On la devine angoissée à sa manière de se ronger les ongles dans l'ascenseur qui la ramène chez elle. Le Noir et Blanc de l'image sur lequel la chevelure blonde de l'actrice se détache ou dans lequel elle se fond, ajoute à cette impression de fragilité, d'éther. La renforce aussi, mais par contraste, la diction et les gestes précis ainsi que les cheveux noirs d'Hélène, la soeur de Carol.

Plan après plan, Polanski tisse une toile dont le corps, le visage, les yeux de Carol constituent les fils même. Lorsqu'il la filme en train de se laver les pieds dans le lavabo, on pense à Buñuel, à cet art de l'érotisme diffus mais entêtant. La façon dont elle s'interrompt pour extraire de son verre à dent la brosse appartenant à Michael, l'amant de sa soeur, dévoile un aspect maniaque de sa personnalité, autre signe révélateur d'angoisse. Polanski distille l'étrange, le bizarre, puis lentement l'inquiétude par une mise en place progressive de jeux d'ombres et de lumière. Carol est à la fois rebutée et excitée par l'idée du sexe, matérialisée par les râles de plaisir de sa soeur la nuit. Sa réaction après que son soupirant, Colin, l'ait embrassée, est typique: incrédule elle s'enfuit, se rue chez elle, se rince frénétiquement la bouche et s'effondre en larmes sur son lit.

Elle ne cesse de se gratter, de frotter ses vêtements, d'arranger ses cheveux . Son regard fixe, ses gestes compulsifs, ses absences accompagnées de mutisme, s'aggravent très vite aussitôt Hélène partie en voyage. Carol s'arrête en pleine action, semble se perdre dans un autre univers, une autre dimension: elle passe de l'autre côté du miroir. Elle oublie les choses: rendez-vous, bain. Ses attitudes inquiètent de plus en plus, telle sa fascination pour le rasoir-sabre qui, lorsqu'elle en déploie la lame, rappelle un pénis se dressant en érection mais aussi, de par sa nature même, une menace idéale de castration. Elle est dans une bulle, enserrée dans son monde aussi sûrement que dans une camisole de force, totalement inconsciente de ce qui peut se passer autour d'elle. Elle craque inéxorablement, comme le mur qu'elle croit voir se fissurer, comme le biscuit qu'elle brise entre ses doigts.

Polanski n'hésite pas à multiplier les symboles et autres clins d'oeil sexuels , parfois teintés d'humour noir et qui deviendront vite une marque de fabrique du réalisateur. Ainsi de la carte postale reçue par Carol, et envoyée par Hélène, de la Tour de Pise à la structure phallique et chancelante. Parfaite double représentation de l'obsession majeure de Carol mais aussi de sa propre raison.

Citations

Le "couple" Polanski -Deneuve a foncionné à merveille dans ce rôle difficile pour la jeune actrice:

La direction d'acteurs - c'est plutôt de direction d'actrices qu'il faudrait parler ici - s'exerce de telle manière que chaque geste, chaque position, chaque mouvement de Catherine Deneuve renvoie à son état général. La façon dont elle se frotte le nez, croise les jambes, marche sur le trottoir sans prêter attention à ce qui se passe autour d'elle, s'assied, voûtée, sur un banc, ou traverse un pont, inattentive aux mouettes qui volètent ça et là, prouve que le metteur en scène et le psychiatre, ici, ne sont plus qu'un. Il est d'ailleurs anormal que Catherine Deneuve ne suscite que de l'incompréhension de la part de ceux qui la côtoient : sa sœur et l'amant de cette dernière, l'amie de l'institut de beauté, le garçon qui la désire et qu'elle tuera le premier dans un moment de peur ne devinent pas ce qui se cache derrière la fragilité de cette fille au regard perdu, en proie à des dégoûts d'ordre sexuel.

Les fantasmes de Catherine Deneuve deviennent à chaque instant plus obsédants, plus atroces. Polanski a cependant su éviter tout détail sordide ou délibérément obscène. Pendant la scène avec le propriétaire, Catherine Deneuve est beaucoup plus proche de l'oiseau blesssé qu'un sursaut de révolte tient encore en vie que du monstre à condamner sans recours.
Bernard Cohn, Positif 1966

J'ai gardé un merveilleux souvenir de Répulsion, parce que nous étions, pendant le tournage, comme deux émigrés à Londres, Roman et moi, les deux seuls à parler le français. Ce qui est formidable avec lui, c'est qu'il supervise lui-même absolument tout. Il a été acteur, il fait le décor, il connaît les lumières. Dans son école de cinéma, on lui a tout appris. C'est la raison pour laquelle ses films ont vraiment un goût. Je ne parle pas de bon goût, mais un goût, simplement, le goût Polanski.

En plus, j'ai beaucoup apprécié le côté morbide de mon personnage. C'est très agréable, pour un acteur, de jouer une méchante : on a vraiment quelque chose à faire, on le sent bien. C'est d'ailleurs un peu la même chose dans les comédies : on court, on fonce, on joue sur son mouvement.
Catherine Deneuve, 1984

Distribution

  • Catherine Deneuve : Carole Ledoux
  • Ian Hendry : Michael
  • John Fraser : Colin
  • Yvonne Furneaux : Hélène Ledoux
  • Patrick Wymark : Landlord
  • Renee Houston : Miss Balch
  • Valerie Taylor : Madame Denise
  • James Villiers : John
  • Helen Fraser : Bridget
  • Hugh Futcher : Reggie
  • Monica Merlin : Mrs. Rendlesham

Fiche technique

  • Réalisation : Roman Polanski
  • Scénario : Roman Polanski, Gérard Brach et David Stone
  • Photographie : Gilbert Taylor
  • Montage : Alistair Mac Intyre
  • Musique originale : Chico Hamilton
  • Format : Noir et blanc - Mono
  • Durée : 104 minutes
  • Date de sortie: janvier 1965
Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux