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Sils Maria film français écrit et réalisé par Olivier Assayas et sorti en 2014.

Sils-Maria

Le film tire son nom du village de Sils-Maria, où se passe une grande partie de l'action. Sils-Maria est situé en Suisse, dans les Grisons, à 1800 m d'altitude et fait partie de la commune de Sils im Engadin/Segl. Le philosophe Friedrich Nietzsche eut l'intuition de l’Éternel Retour en 1881 à Sils-Maria lors de son premier séjour. La maison où il habita est devenue un musée. L'Hôtel Edelweiss fondé en 1876 situé juste à côté et à la terrasse duquel il prenait plaisir à s'attarder, existe toujours. De nombreux autres auteurs du xixe siècle et du xxe siècle séjournèrent à Sils Maria, notamment Annemarie Schwarzenbach, Thomas Mann, Marcel Proust, Hermann Hesse, Pierre Jean Jouve, Alberto Moravia, Franck Venaille, Jean Cocteau.

Analyse critique

Ce film est en partie à l'initiative de Juliette Binoche qui souhaitait prolonger le rôle d'actrice de théâtre qu'elle avait tenu dans le film Rendez-vous en 1985. Le scénario de ce film d'André Téchiné avait été écrit par Olivier Assayas et montrait les débuts prometteurs d'une jeune actrice.

Tout commence dans un train. Accompagnée de Valentine, son assistante, l'actrice Maria Enders se rend à Zurich pour y recevoir un prix. Ou plutôt pour y représenter le lauréat, le dramaturge allemand Willem Melchior. Vingt ans auparavant, Maria Enders avait triomphé au théâtre en interprétant Sigrid, le personnage d'une de ses pièces, une jeune fille au charme trouble qui conduit au suicide Helena, une chef d'entreprise plus âgée qu'elle.

Un phénomène atmosphérique étrange vient régulièrement occuper le paysage par ailleurs sublime des Alpes des Grisons. Cet événement climatique unique s'appelle le serpent de Maloja. Melchior adorait le contempler, et il est montré dans le film, aux moments-clés. Majestueuse et un brin inquiétante, cette masse nuageuse, tel un serpent, semble glisser entre les deux versants de la vallée. Filmée il y a quatre-vingt-dix ans par le cinéaste allemand Arnold Franck et aujourd'hui par Olivier Assayas, elle fut, on le comprend, la source d'inspiration de Melchior.

Sitôt arrivée en Suisse, alors même qu'elle vient d'apprendre la mort de son cher Melchior, Maria Enders est approchée par un metteur en scène qui lui propose de reprendre cette pièce, mais en interprétant cette fois le personnage d'Helena. Après quelques hésitations, elle finit par accepter. Et c'est dans le chalet où vivait Melchior, en pleine montagne, qu'elle part travailler son rôle, seule avec son assistante. Mais Maria a du mal à entrer dans le rôle d'Helena. Ne plus être la jeune et désirable Sigrid est pour elle une manière d'abdiquer, de renoncer à sa jeunesse. Aurait-elle tout simplement fait son temps ?

Face à elle, Valentine se révèle être une formidable partenaire, trop peut-être. Plus elle lui donne la réplique, plus on se dit que cette jeune Américaine, intellectuelle et bien dans sa peau, ferait une excellente Sigrid. Et puis, subrepticement, survient autre chose de plus troublant entre ces deux femmes. La confusion s'installe. Où est la pièce , où est la réalité ? Et si les deux finissaient par se rencontrer, par se mêler l'une l'autre. Olivier Assayas aborde là l'un de ses thèmes favoris, les rapports entre les processus de création et la réalité. En virtuose du cinéma, Olivier Assayas ne cesse d'ouvrir des pistes. Sur l'écran, mais aussi sur iPad ou sur smartphone, explorant toutes les formes d'images, convoquant la presse people, il oppose les impératifs de la création théâtrale aux nécessités du marketing.

Il faut attendre les trois quarts du film pour découvrir la nouvelle Sigrid, jusqu'alors, on ne l'avait entraperçue que sur Google : Jo-Ann Ellis, la star américaine des adolescents (Chloë Grace Moretz). Pour Maria, le choc est rude. Dorénavant, l'actrice pour laquelle les médias ont les yeux de Chimène, c'est cette petite chose de rien du tout, chassée en meute par les paparazzis.

Entre classicisme et modernité, cette confrontation entre le passé et le présent n'est pas le seul sujet de Sils Maria. Et c'est là qu'il faut en revenir à la performance de Kristen Stewart, à cet art inouï de jouer tout en nuances les choses les plus compliquées. Au début du film, elle est l'assistante archétypale d'une grande actrice, une virtuose du smartphone et des agendas. Elle est au service de Maria Enders. Et puis, par un glissement progressif invisible, c'est elle qui va finir, sinon par inverser, du moins par égaliser le rapport de force. Ce n'est pas le pouvoir qui l'intéresse, absolument pas. Si elle agit ainsi, c'est juste par intelligence, par envie de bien faire et, ce faisant, d'inciter Maria à jouer du mieux qu'elle peut. Et quand elle se rendra compte que plus rien n'est possible, elle partira, sans un mot, vers un ailleurs inconnu.

Chaque scène de Sils Maria est comme une déclaration d'amour très personnelle à ce qui est montré, le travail de l'actrice, la création et la discussion autour de la création, mais sans le côté fiévreux qu'a souvent voulu revendiquer le réalisateur, cherchant dans une caméra un peu trop mobile un manière de dire que son cœur battait avec ce qu'il filmait. Ici, des mouvements apaisés balaient lentement le panorama des montagnes, face auquel l'actrice vient s'asseoir en spectatrice.

Dépassée par Valentine, qui maîtrise bien mieux qu'elle les techniques modernes, puis surclassée par Jo-Ann Ellis, encore plus jeune, scandaleuse et people, ces deux femmes par ailleurs interprétées par deux vedettes montantes du cinéma américain, Maria se réfugie dans le tournage d'un film de mutants, jouant un personnage sans âge.

Sans cesse, Assayas passe de ce qui est très proche de lui à ce qui le dépasse, à ce qui est lointain. Il le fait avec une sérénité qui appelle à voir ce film comme le premier d'une maturité puisant dans la force de la sagesse. Mais il laisse planer sur son film et sur le personnage que joue Binoche une inquiétude qui étreint le spectateur. Le jour le serpent de Maloja se déroule, il faut être au rendez-vous pour l'observer depuis les sommets, et l'actrice fera tout pour ça. Sans comprendre qu'elle est déjà sous les nuages.

« Comme les nuages avancent dans la vallée, le serpent Internet est là, dont les images plutôt laides viennent recouvrir celles, superbes, du film. Le serpent, c’est le temps qui passe, c’est le monde nouveau qui recouvre celui où nous avons aimé les films et le théâtre, à notre manière. Le film réussit à capter ces changements sans jamais dire “c’était mieux avant”, sans caricaturer son propos. Il s’agit bien mieux, comme on regarde passer les nuages, de voir arriver une mélancolie d’aujourd’hui. Un sujet magnifique, ardu, porté par un cinéaste en état de grâce. » Frédéric Strauss, Télérama, 2014

Distribution

  • Juliette Binoche : Maria Enders
  • Kristen Stewart : Valentine
  • Chloë Grace Moretz : Jo-Ann Ellis
  • Daniel Brühl : Klaus Diesterweg
  • Tom Sturridge : Christopher Giles
  • Brady Corbet : Piers Roaldson
  • Bruno Ganz : Henryk Wald
  • Johnny Flynn
  • Claire Tran : Mei Ling

Fiche technique

  • Réalisation et scénario : Olivier Assayas
  • Direction artistique : Gabriella Ausonio
  • Photographie : Yorick Le Saux
  • Montage : Marion Monnier
  • Production : Charles Gillibert
  • Sociétés de production : Arte, CAB Productions, CG Cinéma, Pallas Film et Vortex Sutra
  • Pays de production : France, Allemagne, Suisse
  • Durée : 123 minutes
  • Dates de sortie : 20 mai 2014 (Festival de Cannes 2014, Sélection officielle) ; 20 août 2014 (France, sortie nationale)
Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux