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Sous le soleil de Satan est un film français de Maurice Pialat, sorti en 1987, Palme d'or du Festival de Cannes en 1987

Analyse

Malgré le soutien de l'abbé Menou-Segrais, l'abbé Donissan doute de sa vocation. Lorsque la jeune Mouchette, qui vient de tuer son amant, se tourne vers lui, il l'accable et la pousse au suicide.

Donissan s'empare du corps ensanglanté de Mouchette qu'il vient déposer devant l'autel. À la suite du scandale causé par le geste de Donissan, l'évêque l'envoie à la trappe de Tortefontaine où il devra rester jusqu'à sa guérison. Un soir, sur une route de campagne, il croise un maquignon dans lequel il reconnaît Satan.

Donissan est ensuite nommé curé du hameau de Lumbres où ses fidèles le considèrent comme un saint. On lui demande de ressusciter un enfant, ce qu'il réussit après avoir offert son salut en échange.

Peu après, Menou-Segrais le retrouve mort dans le confessionnal. Usé par la vie austère qu'il s'impose, harassé de fatigue, Donissan meurt seul dans son confessionnal où Menou-Segrais, qui ne lui a jamais ménagé ses conseils et son amitié, le découvre et lui ferme les yeux.

Que l’on soit croyant ou non, un film comme Sous le soleil de Satan ne peut laisser indifférent, puisque tout le cinéma de Maurice Pialat est résumé là, dans cette indécision des êtres, dans cette difficulté qu’ils éprouvent à se connaître eux-mêmes et à trouver un équilibre, un sens à leur vie.

Sans sacré, l’homme moderne est à la fois autonome et solitaire, délivré et désenchanté, souverain et impuissant, partagé entre ce qu’il ne peut plus croire et ce qu’il voudrait cependant espérer. De plus la finitude même de l’humain le voue à une quête sans fin d’un infini fondateur, qui relève ou non de la religion. Or Maurice Pialat, qui se dit non-croyant, propose une vision du sacré essentiellement basée sur un ébranlement des certitudes qu’engendre le rationnel.

Chez ce cinéaste, le trouble est d’autant plus grand qu’il associe le sacré, à une manipulation de la fragilité humaine ainsi qu’à une voie qui amènerait son personnage, par des signes et par le silence, à une disposition d’émerveillement et de réceptivité, même s’il lui en coûte.

Pialat filme les rapports humains dans des situations extrêmes, le dénuement, l'exclusion ou la marginalité, la maladie et la mort. Il installe ses personnages dans des situations de crise et d'affrontement que sa caméra incisive suit avec une attention qui devient parfois cruauté. C’est donc tout naturellement qu’il décide de confronter l’un de ses personnages au sacré, pour le mettre en péril, et filmer son tourment. On ne s’approche jamais du sacré sans mourir. Certains personnages touchés par la grâce, souffrent.Donissan illustre parfaitement ce principe. Il va vers sa grâce suicidaire avec bravoure, il l’anticipe même en se flagellant. . Chez Pialat, la transcendance a le visage d’une quête claire-obscure et brutale, entre Bien et Mal, foi et doute. S’opposant au vouloir délibéré, qui seul est vraiment nôtre, la tentation de Donissan paraît d’abord extérieure et étrangère, sous la forme du maquignon. Aussi l’attribue-t-on, comme Adam dans la Genèse, au Tentateur. Mais, même lorsqu’elle vient du dehors, elle ne prend racine que parce qu’elle trouve au-dedans un terrain favorable et qu’elle répond à un désir inconscient. Le maquignon lui dit " Vous me portez tous dans votre chair. " Donissan s’inflige des pratiques ascétiques pour se préserver de la tentation, mais en vain. C’est donc Donissan qui est pour lui-même son propre serpent. En ce sens, la tentation est aussi intérieure et représente une difficulté plus grande à rester dans la ligne du Bien, et par-là constitue une occasion de mérite. L’homme, à partir de sa mort, a développé le sacré de l’au-delà, qu’il s’agisse d’une compensation, d’une sublimation ou d’une délivrance.

Pour Maurice Pialat, le sacré engendre le doute chez Donissan face au pouvoir absolu de Dieu. L’auteur jubile donc à mettre en scène des créatures foudroyées par l’Esprit qui travaillent en eux. La perversité de Pialat est de nous montrer des êtres qui, au lieu de transmuer leur incertitude en croyance, font l’inverse. Et c’est justement contre cela que lutte Donissan qui garde espoir jusqu’au bout. Pour montrer cette espérance, l’auteur fait évoluer son personnage dans un espace où tout est possible : le Diable se montre à Donissan, un enfant est ressuscité. Pourtant, ces deux scènes peuvent être interprétées différemment, puisque l’homme qui relève Donissan n’a vu qu’un maquignon là où l’abbé a vu le Diable.

La scène de résurrection n’existe, que parce que Donissan y croit et l’espère plus que tout. L’enfant lui semble lourd à porter, puisqu’il offre sa vie à l’enfant, en échange de son salut. A travers l’enfant, c’est donc lui qu’il porte à Dieu. Le sacré s'enracine donc dans le sacrifice, la mise à mort. Et c’est parce qu’il croit en ce miracle que Donissan est sauvé.

Sous le soleil de Satan est un film qui hante, non pas uniquement parce que l’on assiste à l’effondrement d’une âme tourmentée qui se décompose sous l’envahissement mortel du doute, mais également par la fascination qu’éprouve Pialat pour l’inexplicable, comme si le fait d’avoir réalisé ce film, avait réussi à faire vaciller en lui son athéisme. Comme si l’auteur, en cherchant à prouver que le sacré n’était atteint qu’à travers le Mal, s’était rendu à la même évidence que Kant : à savoir qu’il est impossible de démontrer que Dieu existe, ou qu’il n’existe pas.

Mais la portée du film est bien plus grande, puisque le sacré mis en jeu dans le film dépasse l’existence de Dieu, et la grâce est au-delà de la pratique du Mal. En effet Donissan condamne sans appel Mouchette, la poussant ainsi au suicide. L’essence du sacré ne se laisse donc appréhender dans ce film, qu’à partir de la vérité de l’être. Il faut que le sacré demeure caché pour que persiste le besoin d’accéder à l’inaccessible. La force du film de Pialat est donc de réussir à interroger le cinéma sur sa capacité à visualiser l’indicible. Vouloir montrer l’immatériel, l’invisible représente véritablement le grand défi du septième art. Pialat l’a compris, le seul moyen de donner corps à l’invisible est de filmer les effets qu’il a sur le visible. Et c’est précisément cet aspect du film qui à la fois attire et terrifie.

Distribution

  • Gérard Depardieu?: Donissan
  • Sandrine Bonnaire?:Mouchette
  • Alain Artur:Cadignan
  • Yann Dedet:Gallet
  • Maurice Pialat: Menou-Segrais
  • Brigitte Legendre:La mère de Mouchette
  • Jean-Claude Bourlat: Malorthy

Fiche technique

  • Réalisateur: Maurice Pialat
  • Scénariste:Sylvie Danton et Maurice Pialat, d'après l'oeuvre de Georges Bernanos
  • Production: Erato Films, Films A2
  • Musique originale: Henri Dutilleux
  • Directeur de la photographie: Willy Kurant
  • Durée: 103 min
  • Date de sortie: 2 Septembre 1987
  • Récompense: Palme d'or du Festival de Cannes en 1987
Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux