Recherchez sur ce site

Sommaire (edit)

Le cinéma

Liens

Développé grâce à: pmwiki.org

Changements Récents Version imprimable Edition

The House that Jack Built film danois (aussi français et allemand) écrit et réalisé par Lars von Trier, sorti en 2018

Analyse critique

Dès son dialogue d’introduction, accompagné à l’image d’un vide profond, Lars von Trier prévient, en même temps que «Verge» met en garde Jack le tueur compulsif : «Je doute que tu puisses me raconter quelque chose que je n’aie pas déjà entendu avant.» Ainsi le film annonce la possibilité d'une double lecture, un film de tueur en série pervers et profond comme personne n’en avait jamais réalisé avant, et une autofiction en creux de Lars von Trier sur Lars von Trier le cinéaste, le patient d’analyse, ses démons et, sa maman et la maison d’architecte plantée au fond des bois qui la faisait rêver quand le petit Lars était enfant, et dans laquelle le cinéaste vit actuellement.

Un tueur en série solitaire atteint de TOC, Jack, sévit dans l'état de Washington dans les années 1970 et 1980. Ingénieur perfectionniste, surnommé « Monsieur Sophistication » en raison de sa maniaquerie et de sa passion pour la mise en scène de ses assassinats, il cherche à commettre le crime parfait tout en considérant chaque meurtre en soi comme une œuvre d'art. Alors que la police s'apprête à l'arrêter dans la chambre froide où il stocke ses victimes, Verge lui apparaît, alors qu'il n'était qu'une voix dans les deux premières heures du film, et le guide vers les enfers. Le personnage de Verge est un mélange de Hermès et de Virgile guidant Dante à travers les Enfers de la Divine Comédie.

Initialement prévu comme une série télévisée, Lars von Trier annonce finalement, en février 2016, que son nouveau projet sera un film, une co-production entre la France, l'Allemagne, la Suède et le Danemark. Lars von Trier espère présenter ce film au Festival de Cannes 2018, malgré le fait qu'il soit persona non grata, après avoir tenu des propos scandaleux sur Hitler en 2011 lors de la conférence de presse de Melancholia. Le film est finalement présenté hors-compétition mais il n'y a pas de conférence de presse organisée pour le film.

Le film se place en miroir de son prédécesseur, Nymphomaniac en 2013, et articule son intrigue en une série de chapitres thématiques (titrés «incidents»), canalisés par un dialogue façon roman encyclopédique entre Jack et le poète alors qu’ils s’acheminent vers les Enfers. Le film se propose de faire pour le mâle dominant et assassin ce que Nymphomaniac déployait autour d’une nymphomane rongée par la culpabilité. Mais heureusement, Lars von Trier prend le contrepied systématique de Nymphomaniac. L’audace du film tient au mauvais esprit qu’il oppose systématiquement à l’esprit de sérieux qu’on a pu reprocher au film précédent, comme cette vidéo de Glenn Gould jouant Bach à tue-tête dans son cottage canadien que le montage assène à chaque fois que Jack annonce une de ses théories, et que Virgile soupire de l’entendre ainsi pérorer.

The House That Jack Built est bien trop systématique et attendu dans ses provocations, misogynie, infanticide, consentement, mais présente de vrais moments de drôlerie, façon humour noir. La métaphore très lourde, moquée par le film lui-même, du meurtre comme art supérieur prend une épaisseur inattendue au fur et à mesure que Jack et Lars réalisent la tragédie au cœur de leur comédie réfractaire. La conclusion tient dans l’impunité du tueur, qui échappe à la justice des hommes pour glisser, par orgueil, dans les entrailles de l’enfer

Pour Jean-François Rauger : « Après sa trilogie "féminine", le cinéaste continue de s’affirmer comme un alchimiste médiéval, un artiste scrutant les abymes d’un monde originaire pour y retrouver l’élan pulsionnel, la formule secrète, entre kitsch et sublime, entre humour et romantisme noir, qui donnerait la clé tout à la fois d’une explication de l’Univers et de ses lois mystérieuses, ainsi que de la possibilité de sa transposition symbolique. »

Distribution

  • Matt Dillon : Jack
  • Bruno Ganz : Verge
  • Uma Thurman : dame 1
  • Siobhan Fallon Hogan : dame 2 (Claire Miller)
  • Sofie Gråbøl : dame 3
  • Riley Keough : Simple (Jacqueline)

Fiche technique

  • Réalisation et scénario : Lars von Trier
  • Montage : Jacob Secher Schulsinger
  • Musique : Victor Reyes
  • Photographie : Manuel Alberto Claro
  • Production : Louise Vesth, Jonas Bagger, Piv Bernth, Peter Aalbæk Jensen et Marianne Slot pour Zentropa et Film i Väst
  • Durée : 155 minutes
  • Dates de sortie : mai 2018 (festival de Cannes 2018) ; 17 octobre 2018 (sortie nationale)
Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux