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Tout sur ma mère (Todo sobre mi madre) est un film espagnol, réalisé par Pedro Almodóvar et sorti en 1999?.

Analyse

Coordinatrice à l'Organisation nationale des transplantations, Manuela vit seule avec son fils de dix-sept ans, Esteban. Celui-ci veut devenir écrivain. Un soir, alors qu'ils regardent ensemble à la télévision All about Eve de Joseph L. Mankiewicz, il a l'idée d'un roman qui s'intitulerait " Tout sur ma mère".

Le soir du dix-huitième anniversaire d'Esteban , celui-ci va avec sa mère au théâtre voir Un tramway nommé Désir où une actrice qu'ils adorent, Huma Rojo, tient le rôle de Blanche DuBois. À la sortie, alors qu'ils attendent sous la pluie pour demander un autographe, Huma monte dans un taxi : Esteban se précipite mais est renversé par une voiture. Il meurt peu après à l'hôpital.

Manuela, effondrée, décide de quitter Madrid pour Barcelone dont elle est partie dix-sept ans plus tôt, enceinte, et d'y retrouver la trace du père du garçon. Elle y retrouve Agrado, une de ses anciennes amies, prostituée transsexuelle au grand cœur. Pour lui procurer un emploi, Agrado lui fait rencontrer Sœur Rosa, une jeune religieuse qui s'occupe des prostituées et des travestis.

Une affiche lui signalant que Un tramway nommé Désir est en tournée à Barcelone, Manuela décide de s'y rendre. À l'issue de la représentation, elle se rend alors dans la loge de Huma. Celle-ci est désespérée de la fuite de sa maîtresse et partenaire, Nina, et les deux femmes se mettent à sa recherche : elles la retrouvent en compagnie d'un dealer. Manuela la convainc de rejoindre Huma. Le lendemain, celle-ci demande à Manuela de devenir son assistante pour l'aider et surveiller Nina.

Autre changement dans sa vie : Sœur Rosa vient lui demander de l'héberger car elle est enceinte et le père de son futur bébé est un travesti, Lola. Cette nouvelle bouleverse Manuela. Lola est en effet le père d'Esteban. Lorsqu'elle accompagne Rosa à un examen prénatal, celle-ci se révèle séropositive.

Et puis, un soir, Manuele doit remplacer au pied levé Nina - droguée et incapable de jouer - dans le rôle de Stella qu'elle connaît par cœur. Elle triomphe, puis raconte sa vie à Nina et Huma : celle d'une jeune femme mariée à un homme parti deux ans à Paris et revenu avec des seins... Rosa meurt lors de l'accouchement en faisant promettre à Manuela de tout dire à son fils, qu'elle a baptisé Esteban.

Lors de l'enterrement, Lola apprend à Manuela qu'il est malade et qu'il va mourir. Il veut voir son fils. Manuela accepte et lui révèle qu'il avait un autre fils, Esteban qui vient de mourir. Puis, sans un adieu, Manuela quitte Barcelone emmenant pour un nouveau départ le nouvel Esteban.

Deux ans plus tard, à Huma et Agrado, elle apprend qu'Esteban est miraculeusement devenu séronégatif en une nuit.

Dans Tout sur ma mère, rien ne meurt complètement, tout se transmet. Les Esteban de la vie de Manuela (son mari, puis son fils, puis son fils adoptif) meurent mais reviennent sous d'autres formes et les relais passent de mains en mains : Manuela confie sa place d'ange gardien de Huma à Agrado lorsqu'elle doit elle-même remplacer la jeune Rosa dans sa famille après sa mort. De la même façon, tous les messages parviennent tôt ou tard à leurs destinataires. Huma finit par rédiger l'autographe que lui réclamait le fils de Manuela et qui lui coûta la vie. Le journal intime que rédigeait le jeune homme, comme autant de paroles adressées à son père absent, finira par être remis à celui-ci. Rien ne reste lettre morte.

Des rails de trains aux tunnels, en passant par le gros plan de perfusion qui ouvre le film, on pourrait énumérer tous les objets qui font lien. Le monde est fait de coutures, qui trop souvent s'effilochent, et c'est à la charge de Manuela, de repriser ce qui de la réalité se défait. Dans la première séquence du film, la jeune femme montre à son fils une photo de jeunesse. L'image est déchirée et on devine que sur l'autre moitié figurait le père inconnu. Le travail du film est de faire revenir ce sujet absent, de combler le manque à l'image. Almodovar ne se satisfait effectivement que d'une image pleine.

Dans son rêve de plénitude, le film semble aussi vouloir fondre en un tous les récits déjà racontés. Il embrasse à la fois Un tramway nommé désir, Opening night (l'accident mortel du fan à la sortie du théâtre), Europe 51 (la mort du fils dans la première demi-heure qui entraîne la quête d'Ingrid Bergman), le mythe d'Œdipe (le père aveugle errant dans les rues un bâton à la main)… mais c'est surtout sa façon de retravailler Eve qui intrigue puisqu'il en subvertit totalement le sens. L'Eve de Mankiewicz est une sorte de vampire qui vide de sa substance l'actrice qu'elle fait mine de servir. Bref, un monstre d 'arrivisme et d'égoïsme.

Rien de plus étranger au cinéma d'Almodovar que cette idée de vol et de propriété. Rien n'est exclusif à personne et surtout pas l'énergie créatrice, faite pour être partagée. Les dons doivent être à nouveau donnés, les œuvres sont là pour être dévalisées. Le texte d'Un Tramway nommé désir circule donc librement de corps en corps et plusieurs beaux plans montrent Manuela, puis Agrado, réciter le texte à mi-voix pendant que Nina le dit et le joue sur scène. L'imitation n'est pas un déficit de créativité mais un temps d'éveil et de construction.

C'est en effet en allant voir la représentation théâtrale qu'Esteban est fauché par une voiture. Juste avant, il attendait sous la pluie la sortie de la star pour lui faire signer un autographe. On reconnaît là le début de Opening night (John Cassavetes, 1978) dont Almodovar disait en 1993, six ans avant de faire le film :

"Hier j'ai vu Opening Night et j'ai reçu ce film comme la confidence de quelqu'un, et à laquelle je participe pleinement, c'est une émotion active. C'était le moment le plus intense de ma vie depuis des mois. Je serais tellement fier si je pouvais faire un film comme celui là. Il y a tous les éléments que j'aime dans les histoires et au cinéma : une actrice, une pièce de théâtre, le rapport avec le metteur en scène, l'amant qui est un acteur et un incommensurable océan de douleur !

Les points communs entre les deux séquences de l'accident sous la pluie sont renforcés par le fait que Nancy, la jeune fan de Myrtle et le fils de Manuela ont tous les deux dix-sept ans et attendaient le lendemain comme un des plus beaux jours de leur vie : la rencontre avec la star pour l'une, l'histoire de son père pour l'autre. Néanmoins Almodovar ne cite pas explicitement un plan de Opening night et surtout il introduit une distinction de taille : Myrtle a vu l'accident de la jeune fille morte et elle sera ensuite hantée par celle-ci comme un double potentiel d'elle-même. Huma s'est retournée vers le fils de Manuela dans la voiture mais, elle, n'a pas vu l'accident. Almodovar va tirer partie de cette ignorance en réussissant une séquence bouleversante où il fait référence à la fois à Eve et à Opening night.

Dans un film qui fait autant appel au passé, Almodovar va en effet introduire un unique flash-back, structure récurrente du cinéma de Mankiewicz qui n'en utilise pas moins de sept pour Eve, et ce flash back va retrouver la séquence tirée de Opening night. Manuela, après avoir triomphé dans le rôle de Stella du Tramway, est sommée par Huma, alertée par son amie, de s'expliquer sur ses possibles menées d'arriviste. Dans sa loge où les glaces et les lampes rappellent la loge de Margot Shaning entraperçue dans la première séquence de Eve vue à la télévision au début du film, Manuela demande à Huma si elle se souvient de ce soir fatal où un admirateur lui demanda un autographe à la portière de sa voiture sous la pluie. Le visage de Huma se fige alors que, off, se fait entendre le bruit de la pluie. Un unique plan de flash-back suffit alors pour confirmer la remémoration : celui d'Esteban sous la pluie regardé du point de vue de Huma. Le plan suivant reprend son visage en gros plan avec, off toujours, le bruit de la pluie qui s'interrompt lorsqu'elle confirme son souvenir à Manuela. L'incommensurable océan de douleur, violent et triste comme la pluie, a balayé le soupçon d'arrivisme.

Distribution

  • Cecilia Roth : Manuela
  • Marisa Paredes : Huma Rojo
  • Candela Peña : Nina
  • Antonia San Juan : Agrado
  • Penélope Cruz : Sœur Maria Rosa Sanz (VF : Barbara Delsol)
  • Rosa Maria Sarda : La mère de Rosa
  • Fernando Fernan Gomez : Le père de Rosa
  • Toni Canto : Lola
  • Eloy Azorín : Esteban
  • Fernando Guillen Cuervo : Docteur un tramway nommé désir

Fiche technique

  • Titre original : Todo sobre mi madre
  • Réalisateur : Pedro Almodóvar
  • Scénariste : Pedro Almodóvar
  • Production : Agustín Almodóvar, Michel Ruben
  • Musique : Alberto Iglesias
  • Montage : José Salcedo
  • Décors : Enrique García
  • Durée: 101 minutes
  • Dates de sorties: 8 avril 1999 (Espagne);15 mai 1999 (Festival de Cannes) ; 19 mai 1999 (France)
Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux