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Une Auberge à Tokyo (東京の宿, Tokyo no Yado) film japonais de Yasujirô Ozu

Analyse critique

Kihachi cherche un emploi dans la banlieue industrielle de Tokyo, accompagné de ses deux jeunes enfants, sa femme étant partie. Les gardiens des usines le rembarrent à chaque fois et tous les trois finissent par loger dans une auberge grâce aux 40 sens qu'ils se sont procurés en attrapant un chien errant dans le cadre d'un programme contre la rage.

Dans l'auberge, les enfants convoitent la casquette d'un gamin tout juste un peu plus riche qu'eux. Lorsque, le lendemain, l'ainé réussit de nouveau à capturer un chien, les 40 sens sont consacrés à l'achat de la casquette. L'aîné ayant peur de se faire disputer, il en coiffe son cadet pour annoncer ce gaspillage à son père et la lui reprend dès que celui-ci ne se montre pas aussi fâché qu'il le croyait. Le soir, ils dépensent leur dernier sous à l'auberge et y croisent une mère avec sa fille qui amuse les enfants en leur tirant la langue.

Le lendemain nouvel échec dans la recherche d'un emploi. Le père plaisante toutefois avec l'ainé en se faisant livrer de succulents plats imaginaires. Cette tonalité enfantine imprègne de fait le récit et les personnages jusqu'à désamorcer les tensions du drame et à transcender la violence des situations par des accents burlesques. Arrive alors Otaka et sa fille. Le père et la jeune femme discutent pendant que les enfants se lient d'amitié puis se séparent.

Pendant que le père cherche du travail les enfants se disputent et abandonnent sur la route leurs dernières affaires qu'aucun des deux ne veut porter et qui leur sont finalement volés. Ils doivent choisir avec le peu d'argent qui leur reste s'ils mangeront ou dormiront au chaud dans une auberge. Ils optent finalement pour le repas. Mais, au moment de partir, l'orage gronde et ils regrettent bien de n'avoir pas choisi l'option auberge.

Alors qu'ils s'abritent dehors dans le froid et la nuit, une femme les croise et Kihachi reconnaît Otsune, une ancienne amie. Celle-ci se révèle être la patronne de l'auberge où ils viennent de déjeuner et elle accepte de les héberger et de donner un travail à Kihachi. Tout semble donc sourire à Kihachi qui voit qu'Otsune n'est pas insensible à son charme. Mieux encore, il retrouve par hasard Otaka. Il la conduit chez Otsune qui, bonne fille, accepte de la nourrir elle et sa fille pour la journée. Elle lui laisse espérer un travail pour dans quelques temps. Les enfants décident eux de jouer tous les jours et tous les trois ensemble.

Mais les jours passent et Otaka n'a toujours pas de travail. Sa fille fait une grave dysenterie. Les enfants de Kihachi apprennent à leur père que la fillette n'est pas venue jouer avec eux et qu'elle et sa mère sont sans doute parties. Kihachi se laisse conduire par Otsune dans une auberge où saoul il lui jette le cadeau qu'il avait préparé pour Otaka. Lorsque, dépitée, Otsune s'en va, Kihachi appelle une geisha et est stupéfait de voir surgir Otaka. Celle-ci lui explique la maladie de sa file et cette seule solution de la prostitution qu'elle s'apprête à suivre pour financer les soins de son enfant. Il se voit toutefois opposer un refus de prêt par Otsune et, après avoir hésité commet un cambriolage. Certain d'être découvert, il laisse ses enfants porter l'argent à Otaka et les confie à Otsune. Il se livre à la police. Un carton précise toutefois que "grâce à son action, une âme a été sauvée".

Une auberge à Tokyo appartient au genre des films sociaux décrivant la crise économique mondiale qui touche le Japon à partir de 1929. Les enfants sont un peu moins égoïstes qu'ils le seront plus tard chez Ozu car conscients des difficultés de leurs parents souvent obligés d'en arriver à des solutions extrêmes, vol ou travail humiliant, pour subvenir à leurs besoins.

Le film annonce ce que sera plus tard le néoréalisme italien. On y trouve la précision du contexte économique mais surtout l'inadéquation entre les actions du personnage principal et les résultats. Le travail est obtenu finalement par hasard et peut disparaitre à tout moment. Le désespoir peut alors s'incarner dans des détails insignifiants du quotidien dont sont privés cette famille : un bol de riz, un porte-monnaie rempli, une casquette, un cadeau, un maigre baluchon.

Dans ce film, Ozu manifeste une extrême attention au cadre très composé avec un premier plan bien visible et une grande profondeur de champ. La fin est cependant très moderne par l'ellipse qu'elle propose. Errant dans le noir alors qu'explose un feu d'artifice, le père se saoule pour commettre un acte dont il sait qu'il le conduira en prison. Alors que ce cheminement moral est longuement filmé, l'acte lui-même est à peine visible et plein de pudeur.

Distribution

  • Takeshi Sakamoto : Kihachi
  • Yoshiko Okada : Otaka
  • Chouko Iida : Otsune
  • Tomio Aoki : Zenko
  • Kazuko Ojima : Kuniko
  • Chishu Ryu : Le Policier
  • Takayuki Suematsu : Masako

Fiche technique

  • Titre original : 東京の宿 Tokyo no yado
  • Réalisation : Yasujirô Ozu
  • Scénario : Masao Arata et Tadao Ikeda
  • Photographie : Hideo Shigehara
  • Montage : Hideo Shigehara
  • Pays d'origine : Japon
  • Format : Noir et blanc - Film muet
  • Durée : 80 mn
  • Date de sortie : 21 novembre 1935
Reproduction possible des textes sans altération, ni usage commercial avec mention de l'origine. .88x31.png Credit auteur : Ann.Ledoux