Aline

De Cinéann.

Aline , film français de Valérie Lemercier, sorti en 2021

Analyse critique

Au Québec, à la fin des années 60, Sylvette et Anglomard Dieu accueillent leur 14e enfant : Aline. Dans la famille Dieu, la musique est reine et quand Aline grandit on lui découvre un don, elle a une voix en or. Lorsqu’il entend cette voix, le producteur de musique Guy-Claude n’a plus qu’une idée en tête, faire d’Aline la plus grande chanteuse au monde. Epaulée par sa famille et guidée par l’expérience puis l’amour naissant de Guy-Claude, ils vont ensemble écrire les pages d’un destin hors du commun.

Aline tranche avec les autres biopics musicaux où la trilogie drogue, sexe et dépression domine. Ici, c’est un peu La Petite maison dans la prairie au pays du show-business. Aline est un poisson dans l’eau dans son rôle de star auquel elle semble avoir été destinée très jeune. Une carrière naturelle favorisée par un environnement bienveillant. L’ampleur de la mise en scène sert un récit plein de rebondissements, à l’humour constant sauf quand l’émotion déborde jusqu’aux larmes, comme Céline.

Valérie Lemercier passe de comédies intimistes à un sujet international, Céline Dion, dans une mise en scène flamboyante, comme son héroïne. La comédienne interprète Aline, de ses 8 ans à aujourd’hui. Sa voix de chanteuse est celle de Victoria Sio, mais elle se donne à plein régime sur scène et dans ses multiples transformations.

Le film charme dans la progression du récit, la reconstitution des années 1960-2000, ses interprètes irrésistibles. Histoire d’une star, Aline a tout d’un film intimiste, sa carrière étant gérée en famille, en vase clos. L’histoire d’amour participe quant à elle d’un beau mélodrame, vrai, le genre étant prédestiné à l’héroïne. L’humour et la tendresse habitent le film, la sincérité, l’enthousiasme aussi, qualités que partagent la star et la réalisatrice.

En s’inspirant librement de la vie de Céline Dion, « trésor national » au Canada, Valérie Lemercier réussit à mettre en évidence la bizarrerie extrême de situations bien connues ou familières, mais auxquelles on prête rarement une attention soutenue. La trajectoire fameuse de la chanteuse québécoise, Valérie Lemercier la respecte à la lettre ou presque. En résulte une tragi-comédie fabuleuse, parfois monstrueuse, souvent surréaliste. Quand Aline est encore enfant, le visage de Valérie Lemercier adulte sur un corps qui semble celui d’une fillette, sans aucune volonté de naturel, ajoute une troublante anomalie poétique.

On assiste au rouleau compresseur de l’industrie musicale, on refait la dentition d’Aline, on l’abreuve de cours d’anglais et de danse. Même la spontanéité et l’humilité de la chanteuse, quand elle prend la parole, font l’objet de consignes de l’entourage. Prospérant dans un luxe de plus en plus tapageur, arborant un style de plus en plus sophistiqué, la diva doit aussi se montrer proche, sans chichis : « Je suis une fille bien ordinaire », chante-t-elle. Subtilement, le film suggère que la simplicité fabriquée cache une simplicité bien réelle. Le décalage avec la démesure de son destin rend Aline d’autant plus attachante.

Valérie Lemercier s’approprie avec une jouissance communicative une quantité impressionnante d’images existantes : pochettes de disques, passages télé, photos publiées par la presse. À la façon d’une artiste plasticienne, on pense à la photographe américaine Cindy Sherman, hantée elle aussi par la culture populaire, qu’elle déforme insidieusement dans ses œuvres. La comédienne endosse les apparences successives de Céline Dion, les changements incessants de longueur et de couleur de cheveux, de maquillage, les tenues de scène de plus en plus pailletées et échancrées, les gestes chorégraphiés des innombrables shows à l’américaine, enchaînés à un rythme inhumain.

Le résultat échappe aux catégories, suspend toute réaction automatique. Car ce n’est pas un biopic, encore moins une hagiographie, mais un film de fiction à la fois conceptuel et spectaculaire, en même temps admiratif, tendre et ironique.

Distribution

  • Valérie Lemercier : Aline Dieu
  • Sylvain Marcel : Guy-Claude Kamar, producteur et mari d'Aline
  • Danielle Fichaud : Sylvette, mère d'Aline
  • Roc LaFortune : Anglomard, père d'Aline
  • Antoine Vézina : Jean-Bobin Dieu
  • Pascale Desrochers : Jeannette Dieu
  • Jean-Noël Brouté : Fred
  • Voix chantée d'Aline : Victoria Sio

Fiche technique

  • Réalisation : Valérie Lemercier
  • Scénario et dialogues : Brigitte Buc et Valérie Lemercier
  • Musique originale : Rémy Galichet et Laurent Marimbert
  • Photographie : Laurent Dailland
  • Montage : Jean-François Elie
  • Sociétés de production : Rectangle Productions et Gaumont ; De l'Huile et TF1 Films Production (coproductions) ; Caramel Films et Belga Productions (coproductions étrangères)
  • Durée : 123 minutes
  • Dates de sortie : 4 octobre 2020 (avant-première)
    • 10 novembre 2021 (sortie nationale)
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