Café Lumière

De Cinéann.

Café Lumière , film japonais de Hou Hsiao-Hsien, sorti en 2003

Analyse critique

Yoko revient d'un séjour à Taïwan. La jeune femme visite une librairie à Jimbocho, le quartier des bouquinistes de Tokyo. C'est son ami Hajime qui dirige la boutique. Ce garçon silencieux enregistre le bruit des trains qui traversent la ville. Après le divorce de ses parents, Yoko avait été élevée par son oncle devenu aveugle, à Yubari, dans l'île d'Hokkaido, au nord du pays. Aujourd'hui, elle reprend contact avec son vrai père et sa nouvelle épouse.

Yoko fait une recherche sur le compositeur taïwanais Jiang Ewn-Ye, qui travailla longtemps au Japon. Hajime aide Yoko dans ses travaux. Ils s'entendent bien et fréquentent ensemble les nombreux cafés de Tokyo. C'est la fête d’Obon, Yoko est de retour chez son père. Elle lui annonce qu'elle est enceinte d'un Taïwanais et qu'elle souhaite garder l'enfant pour l'élever seule. Son père et sa belle-mère semblent inquiets, mais le père ne souhaite pas influencer sa fille. L'hommage formel aux films d'Ozu se trouve dans les plans au ras du tatami à l'intérieur de la maison des parents de Yoko. Ceux-ci vivent à la campagne, elle ne va pas souvent les voir.

Papa et belle-maman finiront par faire le voyage à Tokyo. Mais ils ne sont au fond pour elle qu'un des pôles qui aimantent encore sa vie indécise, en attente. Un autre est le père du bébé à naître, de plus en plus distant, cloué à Taïwan par sa famille et son travail.

Hou s'est déjà attaché, par le passé, au destin flottant de jeunes anti-héroïnes. Yoko est plus concrète, obstinée, elle avance. Elle assume son indépendance, quitte à la payer de solitude. En butte à la société, elle l'est d'une manière douce, patiente, presque passive. A travers elle, Hou déplace une thématique à la Ozu, la modernise et se l'approprie. Là où dans certaines de ses chroniques antérieures, le Taïwanais se permettait d'être sinueux ou même opaque, c'est ici la simplicité, la linéarité qui déconcertent. On y perd peut-être en fulgurance, mais le cap est gardé pour ce qui reste l'essentiel de son cinéma : une extraordinaire attention à l'ordinaire.

Prosaïque dans ses moindres détails, Café Lumière ne cesse de gagner, au fil du temps et des trajets de Yoko, en poésie irradiante. Rien ne sera résolu. Pourtant, croisant Yoko, parlant avec elle, lui prêtant un CD, recevant d'elle une montre, un autre personnage prend son importance et ouvre une piste. C'est Hajime, le jeune libraire à queue-de-cheval et barbiche de moine taoïste, aventurier postmoderne qui parfois quitte son îlot de vieux bouquins pour enregistrer les bruits des trains, métros et trams - « ils ne sont jamais pareils », dit-il. Trains, métros, trams deviennent la métaphore des vies urbaines. On les voit traverser, impassibles, l'écheveau triste et beau des rails, des ponts, des buildings autour. On croit qu'ils passent et nous oublient, une fois encore.

« Conçu comme un hommage à Yasujiro Ozu, Café Lumière est un exercice de mise en scène où l’auteur ne reprend pas à son compte les célèbres plans “au ras du tatami” mais essaie d’en transmettre à sa façon, la musique délicate. Café Lumière est un film sophistiqué, à l’esthétique souveraine, où l’humanité semble presque un accident. Mais pour être sensible aux frémissements du film, il faut percevoir la mélancolie souterraine des êtres à travers le passage régulier des rames de métro entre les immeubles, les silences qui s’installent, le temps qui file ou qui pèse. »

Distribution

  • Yo Hitoto ... Yôko
  • Tadanobu Asano ... Hajime Takeuchi
  • Masato Hagiwara ... Seiji
  • Kimiko Yo ... Belle-mère de Yôko
  • Nenji Kobayashi ... Père de Yôko

Fiche technique

  • Titre original: 珈琲時光, Kôhî Jikô
  • Réalisation : Hou Hsiao-Hsien
  • Scénario : Chu Tien-wen et Hou Hsiao-hsien
  • Directeur de la photographie: Mark Lee Ping-bin
  • Musique : Yosui Inoue
  • Monteur : Liao Ching-sung
  • Pays d'origine : Japon ( Shochiku )/ Taïwan
  • Durée : 109 minutes (1h49)
  • Dates de sortie : 10 décembre 2003 / (Centenaire de Yasujirô Ozu, né le 12 décembre 1903 )
    • France : 8 décembre 2004

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