Dans un jardin qu'on dirait éternel

De Cinéann.

Dans un jardin qu'on dirait éternel (日日是好日, Nichinichi kore kôjitsu) film japonais de Tatsushi Ômori, sorti en 2018

Analyse critique

Noriko a 20 ans et habite Yokohama, elle ne sait pas à quoi elle pourrait se consacrer. Entraînée par sa cousine Michiko, elle décide d’apprendre l’art du thé. D'abord concentrée sur sa carrière dans l'édition, Noriko se laisse finalement séduire par les gestes ancestraux de Madame Takeda, son exigeante professeure. Au début elles pouffent devant la méticulosité de Mme Takeda et l’incroyable précision de son enseignement. « Il faut que la tranche de vos petits doigts touche le tatami en posant la jarre d’eau. » Verdict des élèves : c’est très marrant, le thé.

Au fil du temps, elle découvre la saveur de l'instant présent, prend conscience du rythme des saisons, qui sont plus nombreuses et au noms plus poétiques que nos quatre saisons occidentales, et change peu à peu son regard sur l'existence. Michiko, elle, décide de suivre un tout autre chemin, fondant une famille, à la suite d'un mariage arrangé, mais heureux, avec un mari médecin.

En entrant pas à pas dans une vénérable tradition nippone, le réalisateur n’hésite pas à rendre instructive cette adaptation d’un roman de Noriko Morishita. Mais il n’y met aucun cérémonial. Il est du côté de ces jeunes filles, qui se confrontent avec insouciance à la sagesse de leur vieille enseignante. Elles ignorent ce qui comptera dans leur existence. Une cérémonie de la première bouilloire de l’année chasse l’autre, une décennie s’envole, et Noriko reste fidèle à son rendez-vous du samedi chez Mme Takeda. Sans pouvoir dire vraiment ce qu’elle en retire

Madame Takeda est de celles qui ré-enchante le monde et sait écouter aussi bien les murmures du thé qui frémit que ceux du cœur des hommes. Tandis que le retour des beaux jours portent les habitants sur les plages de Yokohama ou dans les bars karaoké, elle fait le choix de la constance. « Chaque jour est un bon jour », la traduction littérale du titre japonais donne le ton de la philosophie qui habite le film. Son enseignement de l'art du thé lui a déjà beaucoup dit des soifs intérieures et de la manière de s'emplir, sans débordements, de cette matière chaude et savoureuse qu'on nomme aussi la vie. Son enseignement, captivant et hypnotique, gorge d'importance tout ce qui pourrait ne pas en avoir. Ou en avoir trop, au point que l'analyse peut parfois prendre le dessus sur le lâcher-prise. La fluidité des gestes de Madame Takeda, du pliage d'une simple serviette à la finesse de ses pâtisseries, n'a ainsi pas d'équivalent.

Qu’est-ce que l’art du thé ? Un passe-temps ou un rituel sacré ? Cette interrogation court à travers le récit, qui montre à la fois le caractère précieux du breuvage et la fantaisie des réunions féminines auxquelles il donne lieu ici. Ce mélange raconte la vie, pareillement banale et précieuse à la fois. Le bonheur est de refaire les mêmes choses, apprend Noriko. Répéter les mêmes gestes pour faire infuser du thé ouvre, dès lors, de belles perspectives.

La cérémonie du thé n'est qu'un prétexte ou presque, lorsque le film rejoint la quête de la jeune Noriko pour chercher à comprendre le sens profond de sa vie. 24 ans plus tard ( soit deux cycles de 12 ans du calendrier japonais), à l'heure du bilan, Noriko s'est vue capable de faire les mêmes choses, chaque année, de la même manière, petit à petit détachée de l'angoisse du quotidien.

Plus qu'un récit initiatique de transmission entre générations, ce film apprend à mettre des suppléments d'âme dans les actes quotidiens, pour atteindre une plus grande liberté. Sa force est de rester aussi humble que l'enseignement de Madame Takeda. Les mouvements de la caméra, aériens, rejoignent ceux de la vieille dame dans une osmose douce et sensible. Au beau milieu de ce jardin, hors du temps, l'image de Kirin Kiki, aux yeux rieurs, disparue peu après le tournage, semble immuable. le film l'honore une dernière fois.

Distribution

  • Haru Kuroki : Noriko
  • Kirin Kiki : Professeur Takeda
  • Mikako Tabe : Michiko, la cousine de Noriko
  • Mayu Harada : Tadoroko
  • Saya Kawamura : Sanae
  • Shingo Tsurumi : le père de Noriko

Fiche technique

  • Titre original : 日日是好日, Nichinichi kore kôjitsu, littéralement Chaque jour est un bon jour
  • Réalisation : Tatsushi Ômori
  • Scénario : Tatsushi Ômori d'après l'autobiographie de Noriko Morishita
  • Photographie : Kenji Maki
  • Montage : Ryō Hayano
  • Musique : Hiroko Sebu
  • Société de production : Yoake Pictures
  • Durée : 100 minutes (1h40)
  • Dates de sortie : 13 octobre 2018
    • France : 26 août 2020
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