Deux jours, une nuit

De Cinéann.

Deux jours, une nuit film franco-belge des frères Jean-Pierre et Luc Dardenne, sorti en 2014.

Analyse critique

Sandra, modeste employée d'une entreprise de panneaux solaires, arrive au terme d'un long arrêt de maladie pour dépression. Son patron, qui a réorganisé l'usine en distribuant le travail de Sandra aux autres employés, soumet ceux-ci à un dilemme : ils devront choisir entre conserver leur prime de 1000 € ou permettre le maintien de l'emploi de Sandra en perdant la prime. Un premier vote défavorable à Sandra, sous influence supposée du contremaître Jean-Marc, est contesté par une employée, Juliette, qui obtient de son patron le vendredi soir qu'il organise un autre vote dès le lundi matin.

Juliette réussit à convaincre Sandra de se mettre en marche, pendant les deux jours et la nuit du week-end, pour aller convaincre une majorité de ses seize collègues de voter en sa faveur en changeant d'avis. Commence alors un porte à porte en apparence répétitif, mais qui apporte à chaque fois un point de vue nouveau. Tour à tour frappée de doutes, de honte misérabiliste et de désespoir, Sandra rencontre un à un ses collègues au destin aussi fragile que le sien et se heurte à leur refus souvent, à leur hésitation toujours, à la violence de certains, ou bénéficie de leur revirement parfois. Si les mots se ressemblent, le décor diffère, et les regards, les silences, la distance entre les corps. Il y a cette femme dont Sandra se croyait proche, mais qui lui fait répondre, par sa fille, à l'interphone, qu'elle est absente. Le petit jeune, déjà usé, qui l'insulte avant de s'en prendre à son propre père. Une femme résignée qui, devant la violence soudaine de son pauvre type de mari, prend la décision inattendue de le quitter. Sans oublier l'entraîneur des « poussins » d'un petit club de foot : lui regarde longuement Sandra de ses yeux sombres. Et puis, les digues se rompent et son désespoir brutal le métamorphose, soudain, en personnage à la grandeur insoupçonnée.

Finalement perdante de justesse au vote, elle retrouve vigueur et espoir de vie de s'être battue de la sorte et d'avoir réveillé chez certains le sens de la solidarité, enfoui sous l'égoïsme matérialiste. Sur le point de trouver une issue positive à son inquiétant destin, elle sera amenée à assumer à son tour avec une fierté retrouvée son propre choix de solidarité.

À travers cette quête les cinéastes inspectent le petit monde de l’entreprise pour en révéler les pires mécanismes sociaux, les négociations mesquines, les atteintes à la solidarité de classe, la violence psychologique infligée à ceux qui sont jugés “improductifs”. Ils ne montrent pas du doigt, ne traitent personne de salaud, il poussent même l’élégance jusqu’à ne juger personne et surtout pas le patron, ni le contremaître. Ils semblent, au contraire, éprouver une infinie commisération pour ceux qui se retrouvent devant Sandra, à la défendre ou la rejeter. Tous ont leurs raisons, la vie ne leur a pas fait de cadeaux, pourquoi en feraient-ils aux autres ? Ils n'en sont pas très fiers, au demeurant, et c'est leur mépris vis-à-vis d'eux-mêmes qui suscite leur agressivité envers autrui. La peur est si forte, aujourd'hui, les contraintes sont si rudes que le meilleur de l'homme s'évapore.

Le film échappe à l’écueil de l’exposé dialectique ou du panel sociologique  par le raffinement des dialogues, la précision de la mise en scène, la performance de Marion Cotillard, nommée pour un Oscar et dont le jeu en rétention tient le pathos à distance. Mais il y a surtout cette force supérieure qui anime les frères Dardenne, une forme d’empathie dans le regard, une expérience du monde qui fait qu’aucune scène, même la plus mélodramatique, ne paraîtra jamais fabriquée ou artificielle.

Distribution

  • Marion Cotillard : Sandra
  • Fabrizio Rongione: Manu, le mari
  • Catherine Salée : Juliette
  • Christelle Cornil : Anne
  • Timur Magomedgadzhiev : Timur, l'entraîneur de football
  • Serge Koto : Alphonse, l'employé sous contrat
  • Batiste Sornin : M. Dumont, le patron
  • Olivier Gourmet : Jean-Marc, le contremaître
  • Hicham Slaoui : Hicham
  • Hassaba Halibi : la femme de Hicham

Fiche technique

  • Réalisation : Jean-Pierre et Luc Dardenne
  • Scénario : Jean-Pierre et Luc Dardenne
  • Photographie : Alain Marcoen
  • Montage : Marie-Hélène Dozo
  • Production : Denis Freyd, Jean-Pierre et Luc Dardenne
  • Sociétés de production : Les Films du Fleuve, Archipel 35, BIM Distribuzione, Eyeworks, France 2 Cinéma, RTBF, Belgacom
  • Pays d'origine : Belgique, Italie, France
  • Durée : 95 minutes
  • Date de sortie : 20 mai 2014 (Festival de Cannes 2014)

Distinctions

  • Festival de Cannes 2014 : Prix spécial du jury œcuménique pour les Frères Dardenne (sélection officielle)
  • Nomination aux Oscars du cinéma 2015 : meilleure actrice pour Marion Cotillard
  • Césars 2015 : Nominations pour Meilleure actrice pour Marion Cotillard et Meilleur film étranger


Retrouvez tous les détails techniques sur la fiche IMDB


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