Documenteur
De Cinéann.
Documenteur film français réalisé par Agnès Varda, sorti en 1981.
Analyse critique
Le sous-titre de ce film est un petit bijou d'auto-dérision : dodo cucu maman vas-tu-te-taire
Émilie est une Française exilée à Los Angeles pour y faire la secrétaire d'une cinéaste ; elle y emmène son fils de 8 ans, Martin; ce voyage brise son histoire d'amour avec le père de celui-ci. Quand elle arrive là-bas, c'est pour se heurter à la solitude : la cinéaste n'est jamais là, et elle passe son temps à taper à la machine devant une plage déserte, à errer dans la ville et à subir les remontrances de son fils, pourtant tout mignon. Le passé ressurgit parfois sous la forme de quelques flashes de sa passion passée mais elle consacre à son fils toute son affection. Émilie est perdue dans un pays étranger, loin de celui qu'elle aime, et en proie à la mélancolie.
La plage sert encore une fois de décor idéal pour faire entendre la petite musique ténue et fragile de Varda, cette fois au service de la mélancolie. Agnès Varda brode une histoire en grande partie autobiographique, autour de l'abandon, de l'exil, de l'absence, et revient sur son passé américain pour en faire un petit poème sur le déracinement.
Comme son titre l'indique, le film est un mélange d'images de fiction et d'images documentaires. Certaines séquences décrivant les Murals de Los Angeles sont communes avec le documentaire Murs, murs, sorti la même année. Les deux acteurs sont sans cesse situés dans un paysage réel et très présent : Agnès Varda filme ainsi le quotidien banal de la ville, les laveries, les cafétérias, les intérieurs impersonnels, mais surtout elle filme les américains des villes, ceux qu'on ne cherche pas à faire ressembler à des stars de cinéma.
Ce film porte en lui les prémices des thèmes futurs d'Agnès Varda comme ces clochards qui fouillent dans les poubelles à l'image des Glaneurs.
Le ton passe de de la légèreté à la gravité avec cette femme qui meurt sur la plage après avoir été filmée longuement par Varda. La caméra laisse les visages exprimer toute leur beauté, des cadres impeccables dessinent toute une cartographie du territoire, et deux travellings grandioses tranchent avec la modestie d'ensemble. Agnès Varda raconte à son rythme, s'attarde sur ce qu'elle veut et livre un objet poignant et visuellement impressionnant. Le soleil est volontairement absent de ce film, pourtant situé en Californie, réputée pour son ensoleillement
Le son est discret et souligne le romantisme de l'ensemble à travers la rare mais belle partition de Georges Delerue.
Agnès Varda déclare en 2008 : « Documenteur est mon film le plus méconnu, le plus triste et celui auquel je suis le plus attachée. J’ai eu grand plaisir à représenter le désarroi, la douleur d’une femme, les affres de la séparation et de l’amour d’un enfant, l’exil des mots de la langue française. Sabine Mamou était Émilie et elle nous manque. Georges Delerue avait fait une musique magnifique, et il nous manque. »
Distribution
Fiche technique
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