Drunk

De Cinéann.

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Drunk , film danois de Thomas Vinterberg, sorti en 2020

Analyse critique

Le film met en pratique la théorie du psychologue norvégien Finn Skårderud (que, par ailleurs, celui-ci réfute et plaide pour un malentendu lié à la préface d'un livre), selon laquelle l'homme serait né avec un taux d’alcool dans le sang qui présenterait un déficit de 0,5g/L. Quatre amis, professeurs dans un lycée, quinquagénaires un peu dépassés, décident de mettre en pratique la théorie du psychologue. Faisant preuve d'une rigueur prétendument scientifique, ils relèvent ensemble le défi, dans la sphère privée et professionnelle, chacun espérant que sa vie sera meilleure.

Dans un premier temps, les résultats sont encourageants. Le professeur d’histoire gagne en assurance et prend un malin plaisir à mettre en avant les grands hommes portés sur la bouteille (Churchill, Roosevelt, Tchaïkovski, Hemingway) devant des élèves enfin captivés par son cours, auparavant hautement soporifique. Tommy donne confiance à un jeune footballeur à lunettes. Mais la situation dérape rapidement et les quatre amis dépassent la dose précionisée de 0,5g. ; Les effets positifs deviennent rares. Martin se sépare de sa femme, Peter aussi.

Devant ce film, on peut privilégier une lecture politiquement incorrecte et, même, dénoncer les risques de l’abstinence, qui empêche d’atteindre ce degré d’éveil éphémère procuré par l’ivresse. De toute évidence, Thomas Vinterberg choisit ce camp-là, lui qui n’aime rien tant que mettre à nu les vices enfouis sous le vernis de la bonne société. Sans jamais nier les ravages de l’alcoolisme, un des protagonistes finira mal à force de ne pas respecter les doses prescrites, le réalisateur se garde pendant tout le film de succomber au manichéisme et au jugement moral. Il emprunte le rire et le tragique, comme deux faces d’une même pièce, donnant ainsi à son récit autant de profondeur que de légèreté pour parler du drame de l’alcoolisme.

Cette appétence à l’humour grinçant protège le récit contre le mélodrame vaseux et surtout contre le jugement à l’emporte-pièce. Les personnages errent même dans un univers sociétal où les règles sont totalement absentes, les élèves tutoient leurs professeurs, on s’alcoolise au travail, sans que la proviseure soit capable de poser le cadre et de sanctionner les enseignants ivres. Finalement, l’autorité et les limites s’imposent au sein des familles et des couples, où les excès éthyliques poussent les protagonistes à remettre les choses à leur place et à prendre des décisions qui protègent l’équilibre familial.

La force du long-métrage tient à la mise en scène d’une exceptionnelle intelligence. Les mouvements de caméra, les jeux sur l’image, les musiques participent à cette mise en abyme du désarroi avec une rare intensité. Vinterberg évite d’avancer dans son histoire en forçant le récit. Au contraire, il décrit la spirale infernale de l’alcoolisme dont les excès sont interrogés à chaque instant du film. Drunk est savamment mis en scène, porté par quatre comédiens principaux exceptionnels de tendresse et de désespoir. En particulier Mads Mikkelsen. Dès les premières séquences, on perçoit la fracture intérieure de l’homme. Le simple port d’un verre d’eau, alors que ses amis se saoulent sans limite, trahit la fragilité d’un être qui a peut-être déjà connu les ravages de l’alcool. Il termine en beauté dans cette fin remarquable de lâcher-prise où son corps crie autant la souffrance que le désir profond de transformer sa vie. Drunk constitue une expérience humaine et sociale, à travers les personnages, où chacun verra un peu de soi, quand il s’agit de renoncer aux plaisirs dangereux et de réenchanter sa vie.

Distribution

  • Mads Mikkelsen  : Martin, professseur d'histoire
  • Thomas Bo Larsen  : Tommy, professeur d'éducation physique
  • Magnus Millang  : Nikolaj
  • Lars Ranthe  : Peter
  • Maria Bonnevie  : Anika, la femme de Martin

Fiche technique

  • Titre original : Druk; titre alternatif : Another Round
  • Réalisation : Thomas Vinterberg
  • Scénario : Thomas Vinterberg et Tobias Lindholm
  • Photographie : Sturla Brandth Grøvlen
  • Montage : Janus Billeskov Jansen et Anne Østerud
  • Musique : Janus Billeskov Jansen ; chanson What a life : Scarlet Pleasure
  • Durée : 115 minutes
  • Date de sortie : 14 octobre 2020

Récompenses

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