Fais de beaux rêves

De Cinéann.

Fais de beaux rêves (Fai bei sogni) film italien de Marco Bellocchio, sorti en 2016

Analyse critique

Massimo, un garçon de 9 ans, a une relation très tendre et complice avec sa mère. On est en 1969, à Turin. Dans la première séquence, on les voit danser un rock dans le salon. L'attachement est manifeste, même si une part d'ombre caresse déjà ce chromo assumé, où l'on pressent le drame. Cette mère meurt une nuit, dans des circonstances obscures. Du moins pour l'enfant, Massimo, auquel on cache la vérité, de plusieurs manières. On lui dit d'abord qu'elle est à l'hôpital, puis qu'elle est partie au Paradis, où elle a été appelée par Dieu. Massimo n'accepte pas vraiment toutes ces versions, il questionne, se rebelle.

La perte de cette mère est montrée comme une hantise. Devenu journaliste sportif puis reporter de guerre une fois adulte, Massimo est toujours poursuivi par le sourire de sa mère. L'appartement familial où il a continué de vivre avec son père doit être vendu, alors les souvenirs remontent. Heureux ou malheureux, avec toujours cette dimension irréelle contenue dans les moments forts d'une vie. Que ce soit une sortie, décisive quant à sa future vocation, au stade du Torino le rival historique de la Juventus, avec son père ou une soirée devant la télévision qui diffuse la série Belphégor et le fantôme du Louvre (avec Juliette Gréco), Bellocchio donne à ces souvenirs fugitifs beaucoup d'intensité.

Le film ne cesse de faire des allers-retours entre 1969, le début des années 70, où Massimo est adolescent, et la fin des années 90. C'est depuis ce présent là que le récit se construit, autour de doutes et de peurs. dans une scène très forte, Massimo, assailli par une crise d'angoisse, appelle l'hôpital et reprend peu à peu sa respiration grâce aux consignes données par une femme médecin. Bellocchio ne croit pas en Dieu, il dénonce une fois encore les méfaits et les mystifications de la religion, tout en épargnant un homme d'église savant, au moins croit-il dans la cure, l'amélioration de soi et du monde.

Depuis son premier long métrage, Les Poings dans les poches, Marco Bellocchio n’a cessé d’explorer les méandres de familles décomposées. Ce film, adapté d’un roman autobiographique de Massimo Gramellini, grand succès de librairie en Italie, n’échappe pas à la règle et confirme la vitalité créative d’un cinéaste que la vieillesse semble fortifier. Bellocchio conte avec finesse la souffrance affective d’un homme hanté par une douleur originelle et restée longtemps innommée, et qui subira les effets dévastateurs d’un secret de famille dévoilé au dénouement. Le réalisateur construitavec rigueur le film sur trois niveaux narratifs temporels. La linéarité de la chronologie, le drame initial de Massimo, le bref récit de son adolescence, puis son existence de quadragénaire, est nuancée par de brefs retours en arrière introspectifs, ce qui situe le film à mi-chemin du classicisme romanesque et d’une structure plus éclatée.

Le film emprunte dans la seconde heure une dimension politique inattendue, Massimo étant amené à exercer sa profession de journaliste dans un Sarajevo meurtri par la guerre des Balkans. La tragédie collective rejoint ici le drame individuel mais le cinéaste ne perd pour autant le fil conducteur de son récit de surcroît enrichi par des références savoureuses au fantastique. Des séquences de Belphégor, série télévisée culte de Claude Barma, avec Juliette Gréco, ou de La Féline de Jacques Tourneur, viennent ainsi faire écho aux démons intérieurs du personnage principal.

« Intelligence du cœur et de l’esprit, fluidité et rigueur de la mise en scène, Fais de beaux rêves est d’une simplicité limpide, autour d’une tragédie intime. »
Jacques Morice, Télérama, 12 mai 2016

Distribution

  • Bérénice Bejo ... Elisa
  • Valerio Mastandrea ... Massimo
  • Fabrizio Gifuni
  • Guido Caprino ... père de Massimo
  • Barbara Ronchi ... mère de Massimo

Fiche technique

  • Titre original : Fai bei sogni
  • Réalisation : Marco Bellocchio
  • Scénario : Valia Santella, Edoardo Albinati et Marco Bellocchio, inspiré du roman de Massimo Gramellini
  • Photographie : Daniele Ciprì
  • Montage : Francesca Calvelli
  • Musique : Carlo Crivelli
  • Production : Beppe Caschetto et Simone Gattoni
  • Durée : 134 minutes (2 h 14)
  • Dates de sortie : 12 mai 2016 (Festival de Cannes 2016 (quinzaine des réalisateurs)
    • France : 28 décembre 2016


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