Fedora

De Cinéann.

Fedora, film franco-allemand de Billy Wilder, sorti en 1978. c'est l'avant-dernier film de Wilder.

Analyse critique

Fedora, star hollywoodienne légendaire désormais retirée en Europe, met fin à sa vie en se jetant sous un train. Lors de ses funérailles, le producteur Barry Detweiler se remémore sa dernière rencontre avec elle deux semaines auparavant à Corfou. Il s’était alors rendu sur l’île dans l’espoir de convaincre la célèbre actrice de revenir sur le devant de la scène, en la faisant jouer dans une adaptation d’Anna Karénine. Mais Fedora s’avère difficile à atteindre : elle vit recluse auprès de la vieille comtesse Sobryanski, du docteur Vando et de ses domestiques, lesquels la surveillent sans cesse.

Alors qu'il l'appelle à sa résidence, il se heurte à Miss Balfour qui refuse catégoriquement de transmettre son message. Aussi Barry Detweiler loue une barque afin de se rendre sur place. Il assiste à une violente altercation entre Fedora et la Comtesse Sobryanski et se voit renvoyé par le garde du corps, Kritos. Cependant Barry persiste et utilise Vando comme messager en glissant son script dans la poche de son manteau, après s'être présenté comme fervent admirateur de ses travaux de chirurgie esthétique.

Au grand étonnement du producteur, le lendemain Kritos vient pour l'emmener à la villa. Là, il est reçu par la comtesse qui s'en prend violemment à son script à cause de la conclusion : l'héroïne meurt en se jetant sous le train. C'est alors que Fedora apparaît, déclarant que le rôle lui convient mais à condition d'avoir pour partenaire Michael York. De là, la comtesse proteste en lui rappelant son état fébrile.

Le producteur, certain d'avoir échoué, retourne à son hôtel où à sa grande stupeur se trouve la star. Mais Kritos et Vando apparaissent et emmènent de force Fedora. De retour à Paris, Barry se retrouve face à Vando, le Comte, la Comtesse et Miss Balfour. Ils lui avouent qu'en réalité la Comtesse est la véritable Fedora. Ayant perdu sa beauté, elle se servait de sa fille Antonia afin de cacher sa vieillesse au public. La jeune Antonia est morte comme dans le scénario en se jetant sous le train.

Vingt-huit ans après Sunset Boulevard , Billy Wilder propose une version modernisée du vampirisme dont Hollywood fait preuve vis à vis de ceux qui l'approchent. Au travers de l'échec de son héros producteur, de nouveau interprété par William Holden, à monter son projet Les Neiges d'antan, adaptation d'Anna Karenine, le cinéaste prend aussi acte que les temps ont changé et que la légende d'Hollywood doit faire place au nouvel Hollywood incarnée par une nouvelle génération de réalisateurs et producteurs américains. Le sentiment que les temps ont changé s'incarne dans le personnage de William Holden, un producteur ayant connu le Hollywood faste des années 1950, qui parcourt désormais l’Europe en quête de financements (comme Wilder lui-même qui réalisa Fedora dans une coproduction franco-allemande). Le résultat montré à l’écran s’avère être l’un des films les plus européens du cinéaste, dans lequel l’Amérique n’est finalement montrée qu’à travers des flash-backs liés à l’univers du cinéma.

La figure de Fedora est influencée par celle de l’actrice mythique Greta Garbo, l’une des stars hollywoodiennes les plus adulées des années 1920 et 1930. Billy Wilder, qui l'a côtoyé à la fin des années 1930, a utilisé certains de ses éléments filmographiques pour le personnage de Fedora : elles ont par exemple toutes deux fait carrière à la MGM et ont eu à l’écran pour partenaire l’acteur Robert Taylor. Enfin, le rôle d’Anna Karénine – écrit pour Fedora dans le film – a été interprété à deux reprises par la star d’origine suédoise. Mais c’est surtout la retraite « anticipée » de Garbo au début des années 1940 qui permet de faire le rapprochement entre les deux femmes. Malgré leur exil elles ont continué à faire rêver Hollywood et ses spectateurs, et ont brillé par leur sens du secret et du mystère jusqu’à leur disparition.

La nature complexe de Fedora tient en partie dans son origine littéraire, le roman Crowned Heads, de l’ancien acteur américain Tom Tryon était lui-même composé de plusieurs récits plus ou moins indépendants, liés par quelques personnages communs mais surtout par un climat nébuleux dans lequel évoluaient des figures de vétérans de l’âge d’or hollywoodien. La jeunesse éternelle de Fedora peut alors se figer et circuler à travers les époques, à tel point qu’il est souvent difficile au spectateur d’associer une temporalité précise aux images qui lui sont soumises. De son bain dans l’immense piscine aux nénuphars à son suicide tolstoien, de cette valse sous les lustres aux photos prises pour la remise de son Oscar d’honneur , il y a parfois des décennies, et l’image de Fedora demeure pourtant toujours la même. Il faut probablement voir ici de la part de Billy Wilder une véritable profession de foi pour le métier de cinéaste, c'est-à-dire de créateur d’images emblématiques.

En entremêlant constamment les chronologies de l’enterrement, de l’enquête à Corfou et des multiples flashbacks concernant Fedora, Wilder et Diamond confèrent au film une structure parfaitement éclatée, anti-linéaire, parfois perturbante, qui aide à amplifier le trouble et parfois même l’inquiétude. Amplifié par sa photographie brumeuse et son récit chaotique, Fedora prend parfois des allures oniriques, voire cauchemardesques. Mais la nature tourmentée de Fedora peut aussi s’expliquer par son contexte de production européenne. Wilder dut s’entourer de collaborateurs de nationalités très différentes et qu'il ne connaissait que très mal. En conséquence, le film possède une esthétique particulière, plutôt incertaine , qui emprunte au classicisme des années 50 autant qu’aux canons en vigueur dans les années 70. La photographie, notamment, due au britannique Gerry Fisher ( Mr. Klein...), oscille selon les séquences entre un réalisme un peu cru et une ambiance plus éthérée dans les séquences à Corfou, ce qui, là encore, renforce finalement la dimension très énigmatique du film.

« Mystère, secret, excès, noirceur. La “Wilder touch” dans toute sa splendeur servie par un sens du cadrage éblouissant, un art de la composition qui se donne un peu comme le chant du cygne d’un cinéma qui s’est voulu flamboyant, qui l’a été parfois outrageusement mais qui n’est plus capable que de fabriquer des “produits” parfaitement ciblés. Jamais le cinéma n’aura été à la fois autant adoré et mis en question. Derrière cette complexité, par laquelle est construit Fedora, on reconnaîtra l’esprit viennois, cette façon nonchalante de se précipiter vers l’abîme, le sourire aux lèvres. » J.-P. S., 1986

Distribution

  • Marthe Keller : Fedora, Antonia
  • William Holden  : Barry Detweiler
  • Hildegard Knef : la comtesse
  • Jose Ferrer : le docteur
  • Henry Fonda  : lui-même, en président de la cérémonie des oscars
  • Michael York  : lui-même
  • Stephen Collins : Barry Detweiler (jeune)

Fiche technique

  • Titre original : Fedora
  • Réalisation : Billy Wilder
  • Producteur : Billy Wilder et I.A.L. Diamond, pour Bavaria Atelier, NF Geria Filmgesellshaft GmbH et Société française de production
  • Scénario : Billy Wilder, I.A.L. Diamond, d'après le roman Crowned Heads de Tom Tryon
  • Photographie : Gerry Fisher
  • Musique : Miklós Rózsa
  • Montage : Stefan Arnsten et Fredric Steinkamp
  • Durée : 114 min.
  • Date de sortie : 29 juin 1978


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