Gemini (Sôseiji)

De Cinéann.

Gemini (Sōseiji) film japonais réalisé par Shinya Tsukamoto, sorti en 1999.

Analyse critique

Le film se situe à Tōkyō, vers 1920, à la fin l'ère Meiji: Yukio, jeune médecin aimé et respecté est un un homme à l'éducation bourgeoise, civique, soumis et dévoué à son métier.Yukio vit heureux avec sa femme, Rin, malgré cette amnésie qui l'a frappée il y a plusieurs années à la suite d'un incendie inexpliqué. Ce traumatisme ne plaît pas vraiment aux parents de Yukio, qui n'ont jamais vu la jeune femme d'un bon œil. Des drames vont alors survenir dans la maison familiale. La mort rode, et elle va frapper, sans raison apparente. Yukio avouera alors sentir une présence, comme une ombre, l'épiant sans cesse et l'auscultant, curieusement.

Gemini est l’adaptation d’une histoire du grand Edogawa Ranpo, écrivain japonais dont les histoires policières sont toujours teintées de fantastique, de perversité, d’horreur et d’érotisme. Ce romancier est souvent adapté à l’écran, au cinéma comme à la télévision. Gemini n’est donc pas un film complétement personnel, il s’agit d’une commande. Malgré tout il y a des codes à respecter quand on adapte Edogawa Rampo, et Tsukamoto devait s'y plier. Le résultat est donc surprenant, le réalisateur s’attardant longuement sur des longs plans contemplatifs et poétiques, dévoilant un Japon superbe et naturel, adoptant des couleurs souvent différentes pour illustrer un lieu ou une émotion.

Le film traite de la gémellité, Yukio retrouvant en son frère jumeau son coté noir et mauvais. Ce jumeau maléfique, Setsuki, fait partie de la racaille des bas-fonds et va faire subir à son frère, un horrible châtiment, prendre sa place auprès de sa femme qui est, en fait, l'ancienne compagne de Setsuki qui séparée de lui s'était éprise de Yukio, à cause de sa forte ressemblance avec son ancien amant. Tsukamoto fait le pari osé et ambitieux d’éclater en mille morceaux sa narration, passant sans prévenir d’un jumeau à l’autre, ou du présent au passé. Ce parti pris demande une attention constante du début à la fin. La suite révèle qu’à la naissance de Yukio, un autre bébé partageait son berceau, son jumeau Sutekichi. Or, ce bébé possédait une marque à la cuisse droite ressemblant à un serpent, ce qui lui valut d’être abandonné par des parents peu scrupuleux. Récupéré par un homme vivant dans un bidonville entourant sa ville natale, il fut élevé dans la violence et la crasse. Il fit la connaissance de Rin et devint son mari.

Ce scénario est l’occasion de démontrer que l’on est toujours à égalité à la naissance, mais que c’est l'environnement social et l’éducation qui forme ou déforme l’Homme. Un thème secondaire intéressant est le rapport du Japon à la science occidentale dans le Japon de l'ère Meiji au travers des méthodes médicales importées par le héros et la dénonciation d'une médecine socialement sélective. Mais pour tomber dans un scénario trop classique le cinéaste complique un peu son propos sur la fin en montrant la duplicité comme pleinement assumée par l'individu.

Le style de Tsukamoto évoque à la fois le coté déjanté et violent de ses premiers films comme Tetsuo (1989) mais aussi un coté plus calme, presque romantique, avec les superbes éclairages et les lumières du crépuscule pour asseoir un climat curieux, entre sérénité formelle et horreur fondamentale. Les premières images, des rats et des larves filmés en gros plan dans une couleur feu, frappent comme un coup de poing.

Grace à ses indéniables qualités plastiques, et d'intéressantes notations sur les traditions de l'ère Meiji, le film décrit efficacement l'affrontement entre l'honnête homme et son double monstrueux, que l'on peut bien sûr voir comme l'autre moitié de lui-même. Mais surtout la gémellité permet au personnage féminin de réfléchir sur ce qui l'attire ou la repousse dans les différentes facettes d'un homme.

Distribution

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  • Masahiro Motoki : Yukio / Sutekichi
  • Ryō : Rin
  • Shiho Fujimura : La mère de Yukio
  • Tadanobu Asano : L'homme au sabre
  • Renji Ishibashi : Le mendiant
  • Naoto Takenaka : L'homme riche

Fiche technique

  • Titre : Gemini
  • Titre original : Sōseiji
  • Réalisation : Shinya Tsukamoto
  • Scénario : Shinya Tsukamoto, d'après le roman de Edogawa Ranpo
  • Production : Futoshi Nishimura et Toshiaki Nakazawa
  • Musique : Chu Ishikawa
  • Photographie : Shinya Tsukamoto
  • Montage : Shinya Tsukamoto
  • Durée : 83 minutes
  • Dates de sortie :
    • 3 septembre 1999 (mostra de Venise)
    • 15 septembre 1999 (Japon)
    • 1er novembre 2000 (France)

Récompenses

  • PSB Audience Award lors du Festival international du film de Pusan 1999.
  • Nomination au prix du meilleur acteur (Masahiro Motoki), lors des Awards of the Japanese Academy 2000.
  • Prix de la meilleure musique et nomination au prix du meilleur film, lors du Festival international du film de Catalogne 2000.
  • Prix du meilleur film international, lors du Festival international du film fantastique de Neuchâtel 2000.


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