L'Avenir

De Cinéann.

L'Avenir, film français réalisé par Mia Hansen-Løve et sorti en 2016

Analyse critique

Nathalie, la soixantaine, est professeur de philosophie dans un lycée parisien. Passionnée par son travail, elle aime par-dessus tout transmettre son goût de la pensée. Mariée, deux enfants, elle partage sa vie entre sa famille, ses anciens élèves et sa mère. Elle arrive cependant à un stade où la vie se complique et dans son cas cela arrive de tous les cotés. Son métier de professeur devient très agité, elle ne comprend plus ses élèves qui font grève, alors qu’elle ne veut qu’une chose, continuer à travailler, se voit placardisée par la maison d’édition de livres où elle dirige une collection, les nouveaux chargés de marketing aimeraient des couvertures «plus vives, plus agressives», sa maman est en pleine crise de sénilité et une de ses filles, par son comportement inquisiteur n'arrange rien.

Un jour, son mari lui annonce calmement qu’il part vivre avec une autre femme. Confrontée à une liberté nouvelle, elle va réinventer sa vie. La douleur de la séparation est tempérée par tout un faisceau d’autres sensations. Le film séduit par sa distanciation pudique, son absence de pathos. Mia Hansen-Løve raconte, dessine plus qu’elle n’explique, en filmant son héroïne comme un personnage à la croisée des chemins. Peu après avoir appris qu’elle allait désormais devoir vivre seule, on voit Nathalie au soleil, sur la pelouse d’un parc parisien. Au chagrin, la réalisatrice joint une douceur suspendue. Des idées circulent, il y a de la passion, des élans.

Le film accorde autant d’importance aux mots qu’aux silences, à la poésie colorée des paysages, de la Bretagne à marée basse au Vercors doré, qu’aux citations de Rousseau ou de Pascal. L’humour s’invite aussi, avec ce gros chat noir capricieux, nommé Pandora. L'héroïne, incarnée par Isabelle Hupert qui se donne totalement corps et âme, trouve une liberté qu'elle n'a jamais connue et c'est au spectateur d'en apprécier le prix à payer. Nathalie va subir plus qu'agir, ses connaissances livresques ne lui seront d'aucun secours.

Son investissement dans une relation vaguement platonique avec un ancien élève devenu écologiste ne débouche sur rien. Elle s’entend dire qu’elle n’a jamais su sacrifier son mode de vie bourgeois pour mettre en pratique ses idées. Le film propose une forme de résolution, finalement déposée par l’écume du temps, un soir, aux pieds de Nathalie, un bébé, son petit-fils. Ce film est infiniment plus proche de la réalité d'aujourd'hui que de la fiction.

Déclarations de Mia Hansen-Love:
J'associe l'idée de la gaieté, de l'enfance, de l'innocence, à une forme de mélancolie. En même temps, j'ai le sentiment que L'Avenir est mon film le moins mélancolique. Ça tient beaucoup au personnage et à Isabelle Huppert. Jusque-là, c'étaient plutôt les pères qui étaient en avant et qui incarnaient les figures mélancoliques. Cette fois, c'est une figure féminine, qui a plus de vitalité, qui est davantage pragmatique et résistante.

Mes parents étaient étaient eux-mêmes enseignants de philosophie. Mon père était plutôt kantien, ma mère rousseauiste. Ce trait a été accentué dans l'écriture du scénario. Mon pauvre père se retrouve du coup comme quelqu'un de conservateur et de raide, il l'est moins que ça en vérité, c'est plus nuancé. Mais c'est vrai que ses références durant toute mon enfance ont reposé sur la rigueur kantienne. La moitié de la bibliothèque chez nous était en allemand, ce que j'ai reproduit dans le film, où j'ai choisi moi-même les livres, quasiment un à un. Rousseau, c'était l'obsession de ma mère, qui aimait aussi Descartes, Platon, Socrate. Les oppositions étaient quelquefois tranchées, ce qui donnait lieu à des scènes cocasses à la maison.

Je suis très humble sur le terrain de la philosophie. Je peux juste transmettre ce qu'est un prof de philo. Ce lien étroit avec la nature, je l'ai partagé avec mes parents, surtout lors des grandes vacances en Ardèche, où l'on avait une maison, dans un coin très sauvage. Depuis, il y a un bonheur enfantin et naïf de vivre l'été, de le filmer. D'y mettre mes acteurs, d'y être en tournage, c'est la quintessence de mon identité de cinéaste. Dans tous mes films, un moment donné, il y a l'été.

Après la rupture avec son mari, on voit l'héroïne soudain couchée, assoupie, elle qui est toujours en mouvement. C'est un signal sombre ; dans le même temps, il y a ce plaisir de l'été. Je voulais faire un portrait de femme avec de la force, mais sans savoir exactement d'où elle pouvait la tirer. En avançant dans le scénario, j'ai pu constater qu'il n'y avait pas une issue, une solution de scénario, mais que ça se jouait de façon beaucoup plus impressionniste dans le rapport à l'instant, à la lumière, au présent.

Distribution

  • Isabelle Huppert : Nathalie
  • Edith Scob : Yvette
  • Roman Kolinka : Fabien
  • André Marcon : Heinz
  • Sarah Le Picard : la fille de Nathalie
  • Yves Heck : Daniel

Fiche technique

  • Scénario et réalisation : Mia Hansen-Løve
  • Photographie : Denis Lenoir
  • Montage : Marion Monnier
  • Dates de sortie : 13 février 2016 (Berlinale)
    • France: 6 avril 2016
  • Récompense : Ours d'argent du meilleur réalisateur


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