La Chambre bleue

De Cinéann.

La Chambre bleue , film français de Mathieu Amalric, sorti en 2014

Analyse critique

Incarcéré et interrogé par le juge Diem, Antoine dit « Tony » Falcone fait, au fur et à mesure qu'il répond de manière apathique aux questions de la justice, une analyse calme et rétrospective sur sa courte liaison adultère avec Andrée Despierre, une camarade d'école que le hasard a remis sur son chemin quelques mois auparavant. Tony, un vendeur et réparateur de machines agricoles à Saint-Justin-du-Loup dans la région de Poitiers, vit auprès de son épouse, Gisèle, et leur fille de six ans, Marianne, une relation simple d'une famille modeste d'une campagne de province. Issu lui-même d'une famille d'émigrés italiens du Piémont, dont la mère est morte violemment alors que ses fils étaient encore de jeunes enfants, Tony et son frère ont grandi auprès de leur père, le vieux maçon Angelo. Après dix ans loin de son village natal, Tony est revenu avec sa jeune femme fonder son foyer près des siens. Cependant, bel homme et toujours prêt aux rencontres amoureuses sans autre engagement que celui d'assouvir son désir sexuel, il mène également sa vie parallèle avec la complicité de son frère qui tient un hôtel-restaurant dans le village voisin de Triant.

Depuis quelques mois, Tony couche avec Andrée, la triste et en apparence « froide » femme de l'épicier de son village, mariée par raison, qui fascinée depuis toujours par lui s'est offerte un soir sur le bord d'une route et peut depuis assouvir pleinement ses désirs et son amour nourri depuis son enfance. Profondément amoureuse et amante libérée, elle lui demande, lors de leur huitième rencontre clandestine dans la « chambre bleue » de l'hôtel fraternel, s'il l'« aime » et « pourrait vivre avec elle » si elle et lui se « rendaient libres ». Tony, ne prêtant aucune attention sérieuse à ces questions répond évasivement plus ou moins par l'affirmative à la première question, en se rhabillant, mais sur le point d'être surpris par Nicolas, le mari d'Andrée, s'enfuit discrètement. Instinctivement il décide dès lors de ne plus revoir Andrée, bien que sa relation sexuelle avec elle ait été la plus intense et satisfaisante qu'il ait connue. Deux mois plus tard, alors que des lettres de son amante lui indiquent que tout va bien, Nicolas, de santé fragile, meurt dans des conditions qui éveillent des soupçons dans le village et inquiètent Tony. Depuis leur dernière rencontre, il la fuit et trouve refuge dans son foyer — plus tendre que d'habitude pour Giselle et Marianne avec lesquelles il part en vacances, pour la première fois, aux Sables-d'Olonne —, pressentant indistinctement qu'un drame se met en place.

Durant l'hiver, alors qu'ils ne se sont toujours pas revus, Andrée se fait plus insistante et lui écrit un ultime message « À toi! » paradoxalement aussi explicite, sur son attente, qu'ambigu, sur la signification et les moyens. Le malaise de Tony est à son comble jusqu'à la funeste journée du 17 février où, absent tout le jour de la région pour son travail, il est arrêté par les gendarmes à son retour le soir pour le meurtre de sa femme. Dès lors, sidéré, il répond aux diverses questions des juges et expertises, et est inculpé pour empoisonnement de son épouse par de la strychnine mise en quantité létale dans un pot de confiture qu'il avait le matin rapporté de l'épicerie Despierre où Gisèle avait passé commande. Deux exhumations et analyses du corps de Nicolas évoqueraient également un empoisonnement, incertain cependant : Andrée est arrêtée. Les « amants frénétiques », comme le titre la presse, accablés par les témoignages des villageois et celui de la mère Despierre, qui affirme que les étiquettes scellant le pot étaient intactes le matin dans son épicerie, sont reconnus coupables du meurtre de leurs conjoints respectifs et condamnés à la peine de mort commuée en travaux forcés à perpétuité.

Très élaboré, le récit est un puzzle. Chaque séquence, courte et captivante, crée le suspense et suggère l’enfermement. Une passion a tourné à l’obsession dévorante. On ne cesse de « cuisiner » Julien, mais lui-même semble s’interroger en permanence. La force de cette Chambre bleue est de rendre contagieuse cette passion entre Julien et Esther. On a souvent l’impression que tout le monde est interdit, hagard. Il y a de la stupeur dans chacune des scènes : face au caractère indéchiffrable des événements, mais aussi face au mystère du sexe, insert audacieux que ce pubis en gros plan ! À la fin de l’enquête, bien malin qui peut désigner le coupable. Esther tient autant de l’amoureuse illuminée à la voix douce que de la manipulatrice. Julien, à la fois spectateur et acteur, apparaît tour à tour comme une victime consentante et un faux innocent parfait. Dans tous les cas, un homme que le sexe a mis hors de lui.

Distribution

  • Léa Drucker : Delphine Gahyde
  • Mathieu Amalric : Julien Gahyde
  • Stéphanie Cléau : Esther Despierre
  • Laurent Poitrenaux : le juge Diem
  • Serge Bozon : Le gendarme
  • Blutch : Le psychologue

Fiche technique

  • Réalisation : Mathieu Amalric
  • Scénario : Mathieu Amalric et Stéphanie Cléau adapté de La Chambre bleue de Georges Simenon, publié en 1964
  • Directeur de la photographie : Christophe Beaucarne
  • Musique : Grégoire Hetzel
  • Montage : François Gédigier
  • Producteur : Paulo Branco
  • Société de production : Alfama Films, Arte France Cinéma
  • Durée : 75 minutes
  • Date de sortie : 16 mai 2014; Festival de Cannes, section « Un certain regard » et sortie en salles le même jour


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