La Cour de Babel

De Cinéann.

La Cour de Babel film documentaire français réalisé par Julie Bertuccelli, sorti en 2014

Propos

Venus des quatre coins du monde, les élèves de la classe d'accueil du collège de La Grange aux Belles à Paris apprennent à maîtriser parfaitement le français. C'est la condition indispensable pour devenir des collégiens comme les autres, dans une classe normale. Un chemin difficile, qu'ils empruntent sous la conduite d'une professeure exceptionnelle.

Déclarations de Julie Bertucelli

J’étais jurée dans un festival de films scolaires et Brigitte Cervoni et sa classe y participaient. Des adolescents venus des 4 coins du monde sont arrivés avec leurs visages, leurs accents chacun différents, et une énergie hors du commun. J’ai eu très envie d’aller voir comment ça se passait dans une classe d’accueil. J’avais prévu une année de repérage dans plusieurs collèges pour faire une sorte de casting et écrire un dossier. Mais à la rentrée scolaire, j’ai vu la nouvelle classe de Brigitte, et j’en suis tombée amoureuse. C’est rare de voir autant de pays représentés dans une même classe. Ils avaient des caractères et des talents très différents, très marquants. J’ai eu envie de commencer tout de suite à tourner et la productrice m’a suivie, sans financement. Arte et Pyramide nous ont rejoints en cours de montage.

Je n’ai pas eu envie d’entrer dans l’intimité des familles, ni de filmer leur vie quotidienne. Ce n’était pas le sujet. Je voulais filmer une classe, comme un microcosme, et découvrir comment ces adolescents vivaient, parlaient, grandissaient ensemble. Ce qui se passe dans le cocon de cette petite communauté me semblait un révélateur suffisant de leurs personnalités et de leurs parcours. Par ailleurs, les familles respectives existent dans le film, mais toujours dans le huis clos du collège, puisque j’ai filmé les parents quand ils rencontrent la professeur avec leurs enfants. Dans ces rencontres s’entrouvre leur intimité, en laissant libre notre imaginaire et en rendant plus fort le hors-champ.

J’ai suivi la classe sur une année scolaire. J’y allais en moyenne deux fois par semaine. Brigitte me prévenait des thèmes qu’elle allait aborder et je sentais si quelque chose pourrait se passer. J’ai filmé une quantité de choses que je n’ai pas gardées, des sorties, les conseils de classe... Et puis il y avait les cours de grammaire, d’orthographe, de pur français. Je les ai filmés un peu mais je ne voulais pas faire un film sur l’apprentissage du français. Il y a eu aussi des frustrations terribles. J’arrive et on me dit : « Hier, c’était génial! »... On ne peut pas tout anticiper. Par exemple, je n’étais pas présente le matin où Kadhafi a été assassiné. Maryam, la jeune Libyenne, est arrivée avec le journal et la photo, toute émue et heureuse, une discussion politique houleuse a spontanément suivi, je l’ai ratée !

Une caméra, ce n’est pas du tout anodin. Au tout début, il y avait deux, trois élèves qui étaient très cabotins. Je ne voulais pas que la caméra fasse désordre dans la classe parce que cela pouvait les inciter à faire les marioles... Il faut arriver à dire « Stop ! Ne faites pas ça, ce n’est pas ça qui m’intéresse, faut pas le faire pour moi ». Tout le monde a un rapport à l’image : mon meilleur profil, mes beaux habits, ma coiffure... Ce n’est pas rien d’accepter d’être filmé et d’avoir confiance dans ce que l’autre va attraper, parfois à son insu, et puis garder. C’est sur la durée qu’ils m’ont acceptée, et m’ont laissée faire partie de leur classe. J’étais face à eux, à côté de la prof, avec ma petite chaise à roulettes, ils me voyaient bien, ils ne m’oubliaient pas. Mais il n’y a aucun regard caméra dans le film. Simplement j’étais parmi eux, avec eux. Ils parlaient à la prof, ils regardaient la prof. J’essayais d’être discrète mais pas cachée.

Je ne voulais pas faire un film composé de portraits, je voulais un film « choral », un film d’un « ensemble ». Je n’ai d’ailleurs jamais fait d’entretien individuel. Je savais qu’il n’y aurait pas vingt personnages au même niveau. Mais je ne voulais pas faire un choix trop serré dès le départ. J’ai suivi tout le monde et finalement les personnages sont apparus petit à petit. Xin, la jeune Chinoise, par exemple. Mon premier jour de tournage correspondait à son arrivée. Elle était très timide, elle ne prenait jamais la parole, elle était dans son petit coin. J’étais presque déçue. Puis au bout de quelques mois, je l’ai vue s’ouvrir peu à peu... C’était beau de suivre ça et de le retrouver au montage. Ce sont des moments d’éclosion. Les élèves ont tous une certaine timidité au début, la langue est fragile. Petit à petit, mieux ils parlent le français, plus ils sont à l’aise, plus ils bavardent, plus ils rentrent dans un cadre scolaire classique. On les voit s’épanouir d’une manière incroyable.

Je ne crois pas qu’on puisse rester insensible à ce qu’on voit dans le film. Il fera, j’espère, résonner les débats actuels, souvent nauséabonds. J’espère qu’il pourra aider à inverser les a priori, contrecarrer les préjugés, faire réfléchir plus intimement, donner de l’empathie à ceux qui en manquent, et donner du courage et de l’élan à ceux qui luttent pour le respect et l’accueil. Entre l’enfant de diplomate, celui qui vient pour étudier le violoncelle, celle qui arrive pour retrouver sa mère, celle qui est en attente d’un droit d’asile, celui dont la mère est venue pour une histoire d’amour, celle dont le père vient chercher du travail, celui qui a été chassé de son pays par des groupes néo-nazis, tous représentent divers cas d’immigration. Ils portent en eux une culture radicalement différente, qu’ils confrontent à notre propre culture. Les questions de l’exil et de l’intégration, mais aussi leur regard neuf et critique sur notre monde actuel et sur notre société qu’ils découvrent, résonnent dans cette classe parisienne d’une manière singulière et vivante. Tous sont des enfants courageux, matures, qui portent des responsabilités très lourdes et affrontent leur destin. Pour ces jeunes, l’identité, vécue comme une double appartenance au pays d’origine et au pays d’accueil, est désormais et à jamais plurielle. Ce sont des héros de la vie d’aujourd’hui, ils sont une richesse pour notre pays.

Distribution

  • Brigitte Cervoni, la professeure de français de la classe d'accueil du collège de la Grange aux Belles (Paris, 10ème arrondissement)

Les élèves

  • Abir (Tunisie)
  • Agneszka (Pologne)
  • Alassane (Mali)
  • Andrea (Croatie)
  • Andromeda (Roumanie)
  • Daniel (Roumanie)
  • Daniil (Biélorussie)
  • Djenabou (Guinée)
  • Eduardo (Brésil)
  • Felipe (Chili)
  • Kessa (Angleterre)
  • Luca (Irlande du Nord)
  • Marko (Serbie)
  • Mihajlo (Serbie)
  • Maryam (Libye)
  • Miguel (Venezuela)
  • Naminata (États-Unis, Côte d'Ivoire)
  • Netmal (Sri Lanka)
  • Oksana (Ukraine)
  • Ramatoulaye (Mauritanie)
  • Thathsarani (Sri Lanka)
  • Yong (Chine)
  • Youssef (Maroc)
  • Xin (Chine)

Fiche technique

  • Titre : La cour de Babel
  • Réalisation : Julie Bertuccelli
  • Montage : Josiane Zardoya
  • Production : Les Films du Poisson, Sampek Productions
  • Producteurs : Yaël Fogiel, Laetitia Gonzalez
  • Distributeur: Pyramide Distribution
  • Musique originale : Olivier Daviaud
  • Durée : 94 minutes
  • Date de sortie : 12 mars 2014


Retrouvez tous les détails techniques sur la fiche IMDB

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