Le Faussaire

De Cinéann.

(Redirigé depuis Le Faussaire (film))

Le Faussaire, (Die Fälschung) film allemand de Volker Schlöndorff sorti en 1981

Analyse critique

Après une nouvelle dispute avec sa femme, le reporter Georg Laschen part, pour Beyrouth cette fois, en compagnie du photographe Hoffmann. A l'ambassade, il revoit Ariane, qui fut sa maîtresse, une Allemande veuve d'un Palestinien, qui ne veut pas quitter la ville sans avoir adopté un de ces enfants aujourd'hui orphelins. Georg fait également la connaissance d'un Français, Rudnik, une fripouille, qui vend des photos «choc» aux journalistes. Il loge dans un palace occupé par ses seuls confrères de la presse internationale. Dehors, la nuit, les mitrailleuses crépitent, les bombes explosent. Le jour, la vie continue, on se baigne, on mange, on fait son métier. Certains trafiquent, avec l'un et l'autre camp. Au milieu des carcasses calcinées, des ruines, des cadavres, les enfants se sont accoutumés au jeu de la guerre. Laschen erre dans cette ville mutilée, observant les combats qui y font rage, ne sachant s'il doit rester ou repartir.

Il mène son enquête dans la ville en ruine, rencontre les Libanais chrétiens responsables du massacre du camp palestinien de la Quarantaine, assiste à une expédition punitive montée par les Palestiniens. Il s'interroge au passage sur son propre avenir, notamment sur son couple, qui bat de l'aile. Auprès d'Arianne, il croit redécouvrir l'amour et fasciné par cet Orient ravagé par la guerre il décide de rester alors que les autres s'en vont. Mais son aventure avec Arianne ne peut avoir de suite. Elle en aime un autre et ne rêve que d'avoir un enfant adopté. Sans avoir pu écrire la lettre de rupture qu'il envisageait, Georg rentre chez lui.

En 1980, Volker Schlöndorff est le premier cinéaste à réaliser un film sur les conflits israélo-palestiniens qui suivent les quatre grandes guerres historiques et débutent par la guerre civile libanaise de 1975. Schlöndorff ne semble toutefois pas pressentir que ces drames vont continuer au Liban. Au lieu de situer l'action dans le Beyrouth dévasté de 1980, il reconstitue ce qui lui semble être l'atmosphère de 1976 telle que la décrit Nicolas Born, auteur, décédé en 1979, du roman dont il s'inspire.

La psychologie, sans doute reprise du roman, triture la mauvaise conscience allemande. "Pourquoi ne supportons-nous pas la paix chez nous alors que nous vivons dans des conditions idéales pour tout nous dire ?" s'interroge Laschen lorsque sa femme soudainement lui manque au Liban. A cette interrogation bourgeoise répond le drame plus collectif de la culture complice des crimes. En photographiant les phalangistes, Hoffmann, le collègue de Laschen, les incite involontairement à abattre un musulman pour faire une belle photo. Le chef des phalangistes a fait des études de musique en Allemagne, ce qui sert de prétexte à installer un piano dans le QG des phalangistes. Hoffman ne manque alors pas de photographier une arme posée sur un piano comme un symbole d'une culture impuissante à empêcher la sauvagerie. Et Laschen ne contredit pas le chef des phalangistes lorsqu'il dit qu'il y a une sorte d'équivalence entre la défense des valeurs de la civilisation occidentale telle que l'entendait Hitler et sa propre pratique d'éradication des musulmans.

Au sein de cette confusion, Laschen est tenté par une position radicale : la tentation de devenir amoureux d'Arianne et de devenir arabe comme sa maitresse s'y est essayé en étant fiancée à un musulman. Cette tentation est fort bien exprimée par Schlöndorff dans le choix de la maison d'Arianne, seule à se distinguer par son architecture et sa lumière de la rue noire striée des tirs de snipers. Mais Laschen rentre piteusement chez lui sans avoir éclairci quoi que ce soit de sa vie .

Déclarations

«Le héros du film, disait Schlöndorff, constate avec une secrète satisfaction que le monde extérieur est ici le reflet de ses propres désarrois, de son conflit avec lui-même. » On touche là les ­limites du projet : n'évoquer le conflit libanais que pour mieux conter une dérive existentielle typique du ­cinéma allemand des années 70 et 80. La façon dont Schlöndorff utilise les vraies images du conflit en les confrontant à des images mises en scène, une caméra laissée plein champ indique qu'il s'agit d'une ­reconstitution, peut même choquer. Le cinéaste est, comme son héros, « un faussaire ». Mais son film présente l'avantage de démêler les origines du conflit et montre brillamment le quotidien de la guerre, cet état étrange de vie hors la vie, où l'amour même prend un goût différent.

« Le Faussaire, c’est d’abord le portrait d’une ville martyrisée. Une ville innocente, longtemps paisible, que la nuit transforme en fournaise, en brasiers, en bûchers et qui, le jour venu, s’obstine à retrouver, au milieu de ses ruines - et malgré les coups de feu des tireurs isolés – sa douceur orientale. Car on vit à Beyrouth, on y travaille, on y boit encore l’arak aux terrasses des cafés, on y joue, on y prie, on y rêve à I’amour. Heures de répit pendant lesquelles les frontières s’abolissent tandis que ceux qui vont tuer et ceux qui vont mourir fourbissent leurs armes. » Jean de Baroncelli, Le Monde, 31 octobre 1981

Distribution

Fiche technique

  • Titre original : Die Fälschung
  • Titre français : Le Faussaire
  • Réalisation : Volker Schlöndorff assisté par Régis Wargnier
  • Scénario : Nicolas Born, d'après son roman, Jean-Claude Carrière, Kai Hermann, Volker Schlöndorff et Margarethe von Trotta
  • Musique originale : Maurice Jarre
  • Photographie : Igor Luther
  • Montage : Suzanne Baron
  • Pays de production : Allemagne; France
  • Durée : 108 min
  • Date de sortie : 28 octobre 1981
  • Nomination au César du meilleur film étranger (1982)

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