Les Voleurs

De Cinéann.

Les Voleurs est un film français réalisé par André Téchiné sorti en 1996.

Sommaire

Synopsis

Le petit Justin a du mal à dormir, il entend des bruits en bas. On a apporté le corps de son père, Ivan, mortellement blessé.

Tout commence lorsque une jeune fille, Juliette, est emmenée au commissariat pour un vol de parfums. Elle est interrogée par Alex, qui se révèle être le frère policier d'Ivan. Alex est vu comme un traitre par sa famille de gangsters. Attiré par Juliette, il entame cependant une liaison avec elle.

Or, celle-ci entretient également une liaison avec Marie, un professeur de philosophie divorcée. Juliette connaît aussi le frère d'Alex, Ivan, qui veut qu'elle rejoigne son groupe de voleurs de voitures.

Juliette disparaît mystérieusement la nuit où Ivan a été tué. Alex et Marie vont se rencontrer et décider de partager les nouvelles qu'ils pourraient avoir de Juliette.

En fait, Ivan est mort tué par un vigile lors d'un vol de voitures qui a mal tourné. Juliette a été vue par le vigile, et pour la protéger, son frère Jimmy lui a fait quitter la ville. Alex s'attache à Marie, mais celle-ci se suicide de manière inattendue.

Justin comprend peu à peu ce qu'on lui cache, et devient plus proche de Jimmy, qui prend la place de son ancien patron comme chef du gang et auprès de sa veuve MariAnn.

Critique

Le film interroge la sexualité à travers le personnage d'Alex. Celui-ci prend d'abord Juliette pour un garçon, et pratique avec elle la sodomie. Cette relation hétérosexuelle parvient à suggérer la bisexualité du personnage, motif que l'on retrouve dans Les Égarés.

Le film adopte une construction novatrice chez Téchiné, éclatée chronologiquement, et suivant le point de vue de plusieurs personnages différents. Elle rappelle la construction du film Rashōmon, et surtout celle des romans de William Faulkner, auteur cité par des personnages des Roseaux sauvages (ce film de Téchiné mettait déjà à égalité plusieurs personnages).

Ce qu'il y a d'émouvant chez les héros d'André Téchiné, c'est qu'ils croient dur comme fer être ce qu'ils ne sont pas. Ils semblent si sûrs de ce qu'ils disent et de ce qu'ils font qu'on en arriverait presque à les croire. Ce sont des fétus de paille, mais des fétus têtus. Ainsi Alex, le flic, se voit-il réfléchi, logique, raisonnable. Dans des hôtels chaque fois différents, il étreint, avec une brutalité volontaire, le corps de Juliette. Une petite voleuse, elle aussi.

Mais, surtout, l'ex-copine de son frère, qu'il déteste. Dirait-on à Alex qu'il est le contraire de ce qu'il prétend ­ un être tourmenté, névrosé, tremblant de se découvrir faible, et moche, et lâche ­, il éclaterait de rire. Ce serait aussi fou, à ses yeux, que si l'on voyait en Juliette une fille équilibrée, elle qui va de dérives en suicides, dans une hystérie où se mêlent la révolte contre les autres et le dégoût de soi.

A l'image de ses personnages, Téchiné lui aussi trompe son monde. Ses intrigues et ses personnages pourraient sombrer dans du mauvais mélo. Dans Les Voleurs, on a tout de même droit à deux frères : l'un, flic, et l'autre, voyou et aussi un homme et une femme, amoureux d'une même personne, mi-fille mi-garçon. Là encore, tout n'est qu'apparence. Ces stéréotypes ne sont que superficiellement superficiels.

Dans les quatre films que Téchiné a tournés avec elle, la démarche de Deneuve est la même : alors que les autres tournent en rond, le plus souvent sur eux-mêmes, elle, elle avance. Elle fait mal et se fait mal, c'est sûr. Elle ralentit peut être, elle zigzague, d'accord. Mais elle ne fait qu'avancer. Dans Le Lieu du crime (1986), totalement sous-estimé à sa sortie, le seul film où Téchiné évoque l'idée possible d'un absolu improbable, Deneuve affronte des épreuves qui l'isolent des autres. Mais qui lui permettent en même temps de « traverser le miroir ». A la fin du film, elle entre dans une « zone interdite », à mi-chemin entre la spiritualité et la folie pure, dans laquelle elle se perd. A moins qu'elle ne se sauve, au contraire...

Dans Les Voleurs, Deneuve est encore une extrémiste. Ce qui est beau, dans le personnage de Marie, c'est qu'elle ne calcule pas, qu'elle ne mégote jamais. Les hommes, toujours un peu ballots chez Téchiné, ont si peur du sentiment qu'ils tentent de le confondre avec le sexe. C'est le cas de Daniel Auteuil, ici. Marie, elle, a eu un mari, des enfants. Elle est prof de philo ­ ce qui devrait lui apporter un minimum de sagesse. Les femmes, chez Téchiné, sont folles, puisque ­ elles obéissent au sentiment. Et donc, Marie s'est enfiévrée pour Juliette. Peu importe qui elle est, peu importe ce qu'elle fait. La passion, ça blesse, surtout si on la devine sans espoir : dès qu'elle sait Juliette en danger, Marie se foule la cheville. Ce n'est pas pour rien que l'on parle de maux d'amour !

Téchiné en a peint, depuis des années, de beaux personnages de femme. Marie est probablement le plus beau. Et Deneuve y est magnifique. A côté de Marie, qui avance, Téchiné filme des soubresauts : ceux de Juliette, que Laurence Côte interprète avec une fièvre et une ferveur splendides. Il filme, aussi, des reculades : celles d'Alex, traître à ses principes, à sa famille, à lui-même (Daniel Auteuil est le plus grand comédien français actuel, on le sait depuis Ma saison préférée). Il filme, enfin, le regard déjà blessé, déjà solitaire, d'un gamin (Julien Rivière), dont la voix, presque blanche, ouvre et clôt le film.

Ce film est le plus audacieux, le plus ambigu de Téchiné. Un film cadré au millimètre, avec de brusques bouffées de temps apparemment perdu : ainsi, l'étonnante séquence où un petit marlou flirteur demande à Marie, tout à trac, dans une voiture, de lui donner un cours de philosophie. Un film gigogne, où des scènes droit sorties de polars à la Jacques Becker (Didier Bezace n'aime pas qu'on l'appelle « boss », parce que ça fait vulgaire !) côtoient des moments d'émo- tion burlesques : Deneuve, à l'Opéra, écoute, les larmes aux yeux, en compagnie de l'amant de sa copine, un extrait de La Flûte enchantée...

Téchiné observe ses personnages au plus près. Contrairement à son habitude, il les laisse, chacun son tour, conduire l'histoire. D'où cette construction éclatée où voleurs de voitures et voleurs de sentiments, par instants, se rencontrent... C'est que la vérité n'existe pas. Il n'y a que des approches contradictoires et dérisoires pour la débusquer. Mais, alors même qu'ils semblent n'avoir plus rien à cacher, les êtres humains demeurent au-delà ou à côté. Désespérément opaques. C'est leur mystère que Téchiné et sa caméra, violente et tendre, font semblant de résoudre. Pour mieux, en fait, le préserver.

Distribution

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Fiche technique

Récompenses


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