Lumières d'été

De Cinéann.

Lumières d'été , film français et japonais de Jean-Gabriel Périot, sorti en 2016

Analyse critique

Le film débute sur le tournage d’un documentaire télévisé. En ouvrant son long métrage par une audacieuse interview de vingt-cinq minutes en plan séquence, le réalisateur français explore les souvenirs d’une survivante ayant connu le bombardement atomique d’Hiroshima lorsqu’elle était une jeune fille. Cette hibakusha confronte alors Akihiro, l’intervieweur, et les spectateurs au récit asphyxiant et pesant des moments de terreur et d’incompréhension qui régnaient sur Hiroshima le 6 août 1945 et les jours suivants.

Mme Takeda, une survivante d’Hiroshima, relate ses souvenirs. Elle raconte la courte vie et la mort prématurée de sa sœur, élève infirmière, qui a soigné les bléssés d'Hiroshima, avant de succomber aux effets de radiations. C’est en faisant appel à une actrice que Jean-Gabriel Périot a pu mettre en scène cette bouleversante ouverture. Souhaitant initialement recueillir le témoignage d’une vraie hibakusha et y inclure une légère modification pour nourrir le travail de fiction qui allait suivre, le réalisateur français s’est confronté à l’impossibilité des survivants de modifier leur récit par respect pour les diverses personnes impliquées, blessées ou décédées. Dès lors, il a fait le choix avec sa co-scénariste Yoko Harano, elle-même petite fille de hibakusha, de réunir différents témoignages pour en construire un nouveau qui permettrait à la fois d’embrasser le travail de fiction que constitue Lumières d’été et de retracer le plus fidèlement possible les événements.

Quittant le plateau, très touché, il marche dans le Parc de la Paix et rencontre Michiko une femme native d’Hiroshima, qui a toujours vécue là. Elle est jeune, mais parle (seul les spectateurs japonais peuvent reconnaitre le parler d'Hiroshima des années 1950) et s’habille comme une « vieille ». Elle lui parle de sa ville, ils continuent à marcher. Leurs sourires, leurs hésitations, et leur gêne drôlement contenue annoncent bien plus qu’un amour à venir.

Avec un entrain communicatif, ils parlent aux passants, et rencontrent un vieil homme qui a vécu le bombardement. La jeune Japonaise en est très émue, elle qui parle d’histoire doctement, évoquant de nombreux détails troublants. Elle parle de ses études d'infirmière interrompues. Le japonais, parisien qu’il est devenu, réapprend à sourire, à parler aux inconnus dans la rue. Ils rencontrent un grand-père qui apprend à pêcher à son petit-fils. Il les invite à venir partager un repas du soir.

Akihiro se retrouve, au bout de la nuit, sur le lieu d’une étrange cérémonie. C'est un Bon Odori, danse de la fête des morts, traditionnellement célébrée dans le Kansai autour du 15 août, date très proche du 6 août, anniversaire du bombardement. Cette fête très particulière, il en saisit le sens, alors qu’il redécouvre seulement les traditions du Japon. Se laissant emporter, il commence à percevoir ce qui advînt ici. « Ce qui, jusque-là, était resté invisible ». Ce que, maintenant, il vit, découvrant au matin que Michiko à disparu et que son rêve d'amour avec un fantôme était impossible.

Pour autant, cette figure ne ressemble en rien aux fantômes occidentaux et adopte des traits plus poétiques pour affirmer un lien irrémédiable avec le passé. Bien que ce fantôme ait recours au dialecte usité à Hiroshima en 1945, il rompt avec la représentation habituelle de ces êtres dans la culture japonaise. Loin de formes particulières pouvant l’apparenter à un ectoplasme, cette figure fantomatique trouve son unicité dans son absence de but concret. Bien qu’il symbolise le passé indissociable de la ville d’Hiroshima, ce fantôme n’a pour raison d’exister que la volonté de marquer une étape de transition dans la vie des différents individus qu’il croise et accompagne.

C’est après avoir lu un livre sur Hiroshima que Jean-Gabriel Périot avait pris conscience qu’il existait un manque de connaissance globale des événements ayant mis fin à la Seconde Guerre Mondiale. De cette réflexion était né en 2007 son court métrage 200 000 Fantômes. Ce film explorait l’histoire du Dôme de Genbaku, l’un des rares bâtiments à être resté debout malgré sa proximité avec l’hypocentre de l’explosion, au travers de 650 images d’archive mises bout à bout s’étalant sur une période comprise entre 1914 et 2006.

Dix ans plus tard, il n’est donc pas anodin que Jean-Gabriel PÉRIOT traite à nouveau de l’histoire d’Hiroshima dans Lumières d’été. Cette réflexion autour du manque de connaissances est par ailleurs énoncée à voix haute par le personnage de Akihiro, quand celui-ci déclare que les Français ne se soucieront pas de son documentaire puisqu’ils n’ont que très peu d’intérêt pour un événement vieux de 70 ans qui a eu lieu à l’autre bout du monde.

Le bombardement de 1945

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Les faits

En mai 1945, la capitulation allemande signée, aucun doute n'était possible sur l'issue de la guerre. Mais la question du prix humain est posée. Peu de temps auparavant, 12 500 alliés et plus de 200 000 japonais avaient laissé la vie pour la seule conquête d'Okinawa. On estimait que les pertes s'élèveraient au minimum à 500 000 tués, là où la victoire sur l'Allemagne avait entraîné 200 000 morts.

Le 12 mai 1945, une délibération importante étudie le choix des villes et les impacts du lancement. Le 1er juin des propositions sont faites au président Harry Truman, successeur de Roosevelt. Parmi ces propositions, on y retrouvait celle d'utiliser la bombe nucléaire contre le Japon, le plus tôt possible, sans avertissement, sur une cible peuplée et d'importance militaire. Cinq villes sont alors désignées: Kyoto (industries diverses), Hiroshima (grand port militaire et ville industrielle), Yokohama (grand port), Kokura (le principal arsenal), Niigata (port, aciéries et raffineries). Kyoto, bien que présentant techniquement un site idéal, est rejetée par quelques conseillers dont l'orientaliste français Serge Elisseeff (1889-1975) qui connaissent la richesse culturelle de la ville et pensent que cette destruction serait un obstacle grave à une réconciliation ultérieure avec le Japon.
La liste devient Hiroshima, Kokura, Niigata et Nagasaki ( port et base militaire) Ces villes avaient été relativement épargnées par les bombardements classiques et le furent plus encore après le choix, afin de bien mesurer les effets de la Bombe. Les cibles définitives allaient dépendre des conditions météorologiques.

Le 17 juillet 1945 la conférence de Potsdam s'ouvre : il s'agit de définir les conditions de survie de l'Allemagne vaincue. Le jour même Truman reçoit un message codé l'informant du succès de l'essai Trinity, bombe nucléaire dans le Nevada. Le succès de l'expérience atomique exige une décision immédiate. Truman rédige une demande de reddition inconditionnelle du japon intégrant la menace de l'utilisation d'armes terribles. Elle sera signée également par Churchill. Le 26 juillet, un ultimatum est adressé au Japon.
Le 28 juillet, l'ultimatum est rejeté et l'ordre d'utiliser la bombe est aussitôt lancé.

Le colonel Tibbets reçoit l'ordre d'utiliser une de ses "armes spéciales" dès que la météo le permettra, à partir du 3août, sur l'une de ces quatre cibles: Hiroshima, Kokura, Niigata ou Nagasaki. La cible devait être clairement visible et le bombardement s'effectuerait à une altitude proche de 9000 m.
Le 6 août 1945, à 1h 37, trois B-29 décollent de Tinian pour une reconnaissance météo au-dessus d'Hiroshima, Nagasaki et Kokura. Les équipages de ces appareils avaient également pour mission d'observer les effets de la bombe.

À 2h45, le colonel Tibbets décolle à bord de l'Enola Gay. Il a donné à son appareil les prénoms de sa mère. Son appareil modifié (qui ne comportait pas de tourelle de mitrailleuse, hormis à la queue) emporte "Little Boy". Au passage au-dessus d'Iwo Jima, le capitaine Parsons se glisse dans la soute pour amorcer la bombe. L'Enola Gay grimpe alors pour atteindre son altitude de bombardement.

Le temps était très clair sur Hiroshima. La ville avait été épargnée par les raids américains et c'était à peine si une douzaine de bombes étaient tombées sur la ville en trois ans. Les habitants s'étaient accoutumés à voir leur cité survolée par les B-29 qui allaient bombarder d'autres villes du Japon. À 7h09, les sirènes retentissent: un avion isolé a été repéré. Il s'agissait du B-29 "Straight Flush" qui venait faire des observations météorologiques. Au même moment, deux autres appareils survolaient Kokura et Nagasaki pour une mission de reconnaissance identique.

Compte tenu des observations, l'Enola Gay se dirige vers Hiroshima. À 7h30, les habitants d'Hiroshima pouvaient entendre le signal de fin d'alerte. Pendant ce temps, dans l'Enola Gay, le colonel Tibbets cède sa place au commandant Ferebee, le bombardier de l'équipage.

À 8h 14, "Little Boy" est larguée et l'Enola Gay fait un rapide virage sur l'aile pour éviter le souffle de l'explosion. Cinquante-trois secondes plus tard, la bombe atomique explose à 580 m au-dessus d'Hiroshima.

Dans les appareils qui survolent Hiroshima et s'en éloignent, les mitrailleurs de queue sont éberlués par le spectacle. Tibbets fit demi-tour. Il voit monter au-dessus d'Hiroshima un énorme nuage qu'il décrira comme un énorme baril de goudron en ébullition qui s'élevait en altitude.

Distribution

  • Hiroto Ogi : Akihiro
  • Akane Tatsukawa : Michiko
  • Yuzu Horie
  • Keiji Izumi
  • Mamako Yoneyama

Fiche technique

  • Titre japonais : Natsu no Hikari
  • Réalisateur : Jean-Gabriel Périot
  • Scénario : Jean-Gabriel Périot et Yoko Harano
  • Photographie : Denis Gravouil
  • Musique : Xavier Thibault
  • Montage : Mona Lanfant et Jean-Gabriel Périot
  • Société de production : Local Films
  • Durée : 82 minutes
  • Dates de sortie : 20 Septembre 2016 (San Sebastian Film Festival)
    • France : 16 août 2017
  • Bande annonce : vidéo sur Youtube
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