Riz amer

De Cinéann.

Riz amer (Riso amaro) film italien réalisé par Giuseppe De Santis et sorti en 1949.

Analyse critique

Francesca et Walter sont un couple de jeunes délinquants. Ils viennent de dérober un collier de valeur dans un hôtel. Poursuivis par la police, ils se cachent dans un convoi de mondines (les repiqueuses de riz) en partance pour les rizières de la plaine du Pô. Francesca dissimule le collier que lui a confié Walter. Celui-ci, pensant passer ainsi inaperçu danse avec la jeune Silvana mais se fait repérer par les policiers et s'enfuit. Dans le train, Silvana est intriguée par Francesca et, pour l'aider, lui fait obtenir un travail de mondine clandestine (sans contrat).

Dans le dortoir, Silvana découvrant le recel de Francesca s'empare du collier à son tour. Pour éliminer Francesca, elle l'accuse d'être une « jaune ». Francesca est sauvée d'un probable lynchage par le sergent Marco Galli qui pacifie les deux parties opposées. Francesca réussit à entraîner d'autres compagnes irrégulières et à la fin convainc toutes les mondines d'engager une lutte commune pour obtenir d'être toutes embauchées régulièrement.

Silvana se confie finalement à Francesca, lui disant sa fatigue et son écœurement de l'exténuante vie de mondine. Elle lui restitue son butin. Marco a observé la scène. Francesca a fini par tomber amoureuse de lui mais lui s'est maintenant amouraché de Silvana.

L'arrivée de Walter, qui avait attendu au loin que la situation se calme, vient jeter le trouble lors d'une fête. Après avoir « emprunté » à nouveau le collier à Francesca, Silvana danse avec Walter au milieu des mondine et des ouvriers agricoles. Marc, voyant le collier, se dispute avec Silvana et, après avoir arraché le bijou de son cou, en vient aux mains avec Walter.

Walter révèle à Francesca que le collier volé est faux et la laisse là. Il courtise alors Silvana en lui offrant le collier sans lui parler de sa valeur. Éblouie à la perspective de la vie que lui offre Walter, Silvana devient sa maîtresse. La manœuvre de Walter n'est pas innocente : il est de mèche avec trois complices pour dérober la récolte de riz et il s'assure ainsi de l'aide de Silvana. Peu après avoir été couronnée Miss Mondina 1948, Silvana ouvre les vannes et inonde la rizière. Pendant que tous se démènent pour sauver les cultures, Walter peut fuir avec le riz.

Mais Francesca a compris. Réalisant que le vol du riz serait une tragédie pour les mondine, et que cet acte est tout à fait différent que de voler les riches, elle se tourne vers la seule personne susceptible de l'aider, Marco. Marco et Francesca affrontent Silvana et Walter. Les deux hommes se blessent mutuellement et le sort est entre les mains des deux femmes, armées de pistolets : après avoir entendu de la bouche de Francesca que Walter l'a trompée et utilisée, Silvana pointe le pistolet sur lui et fait feu.

En état de choc, vainement retenue par Francesca, Silvana se suicide. Les mondines lui rendent hommage jonchant son corps de riz, pendant que Francesca et Marco partent ensemble dans l'espoir d'un avenir meilleur.

Giuseppe De Santis, sans doute un des réalisateurs les plus engagés du néoréalisme et qui fit partie de la résistance italienne en lutte contre Mussolini et l’Allemagne durant la Deuxième Guerre Mondiale trouve avec ce troisième film l’équilibre parfait entre message politique et social et destins individuels. Dans la plupart des films néoréalistes première période, l’aspect documentaire et l’expression d’une certaine vérité primaient sur la dramaturgie classique. Le focus se faisait donc progressivement sur les personnages après s’être appliqué à dépeindre l’ensemble d’une communauté (ouvrier, paysans…).

Dans Riz amer, c’est exactement l’inverse, au premier plan, une pure intrigue de film noir où l’escroc incarné par Vittorio Gassman est traqué par la police au sein d’une gare pour le vol d’un collier précieux. Sur le point d’être capturé, il confie l’objet à sa petite amie Francesca qui va se mêler pour un temps aux journalières en partance pour la récolte de riz dans la plaine du Pô. La fuite des deux héros aura en effet été entrecoupée d’images du départ massif des mondines. L’arrière plan réaliste s’inscrit ainsi de manière diffuse avant de devenir un élément clé de l’intrigue principale. Pas d’astuce narrative, ce transfert du cadre et des enjeux obéit totalement à la thématique du film qui va voir le comportement de la fille de mauvaise vie Francesca transformé au contact des ouvrières.

L’idée du film sera d’ailleurs venue à De Santis et son scénariste Carlo Lizzani alors qu’eux mêmes assistaient à un des grands départs estivaux de ses travailleuses. La vision de cette grande procession féminine, unies, chantante et d’une beauté sans égale dans leur vigueur travailleuse les aura durablement marqué. Tous les éléments extérieurs tendent à se mêler à cette inaltérable vision de communion collective des ouvrières. La trame policière devient une tranche vie du quotidien de ces femmes, la grâce du moment est privilégiée au rythme enlevé du début. Plus symboliquement, les rôles s’inversent entre la starlette américaine de série B Doris Dowling et la vraie vedette révélée par Riz amer, Silvana Mangano. L’ouvrière soudainement objet de tous les regards et la « star » gagnée par les vertus de la vie en communauté.

Riz amer, en plus de cet éloge de la collectivité est surtout une belle ode à la féminité. Sans se délester de son aspect documentaire, la caméra de De Santis s’attarde amoureusement sur la beauté de ces femmes au travail. Leur dur labeur semble les magnifier, tant dans leurs formes engoncées dans leurs tenues de travail que la pâleur de leur jambe ou de leur visage radieux et marqué à la fois par l’effort. La photographie d'Otello Martelli est marquée par l’atmosphère estivale de la province de Verceil où fut tourné le film. Cette chaleur palpable intensifie les moments de tensioncomme dans cette scène où ouvrières sous contrat et clandestines s’affrontent dans une joute chantée. C’est également cette même fièvre qui les accompagne lors des instants plus sensuels et apaisés, le languissant repos quand la pluie empêche de se rendre à la rizière ou durant les bains.

Cet aspect charnel trouve sa manifestation concrète à travers Silvana Mangano. C’est le chassé croisé de destin entre son personnage Silvana et Francesca qui constitue le cœur du récit. Silvana fille du cru n’a connu que la misère et rêve de la grande vie tandis que Francesca lasse de suivre les arnaques de son petit ami trouve enfin paix et solidarité parmi les mondines. Le physique plantureux de Silvana Mangano, sa présence torride et la manière dont elle s’impose peu à peu dans le film affirment cette volonté d’émancipation. Bien avant Sophia Loren ou Gina Lollobrigida, elle imposa cette image de la star italienne charismatique aux formes généreuses.

Ce jeu de miroir joue également dans les couples qui se font et se défont tout au long du film. Francesca délaisse peu à peu le manipulateur Gassman pour le soldat au cœur pur joué par Ralf Vallone. Ce dernier au départ sous le charme de Silvana finira avec Francesca touchée par la sincérité et le respect qu’il lui témoigne. Dès lors, la suite inéluctable est prévisible. Celle qui aura avec modestie fait le chemin inverse d’un individualisme vain vers une plénitude et une paix intérieure en communauté s’en sortira. L’ambitieuse qui aura emprunté des chemins de traverse pour échapper à sa condition sera elle victime d’un terrible destin.

Considéré comme le chef d'œuvre néoréaliste de Giuseppe De Santis, Riz amer fut présenté au 3e Festival de Cannes et nommé pour l'Oscar de la meilleure histoire originale en 1951.

Distribution

  • Silvana Mangano : Silvana
  • Maria Capuzzo : Giulia
  • Doris Dowling : Francesca
  • Vittorio Gassman : Walter
  • Raf Vallone : Marco
  • Checco Rissone : Aristide
  • Nico Pepe : Beppe
  • Adriana Sivieri : Celeste
  • Lia Corelli : Amelia
  • Maria Grazia Francia : Gabriella

Fiche technique

  • Titre original : Riso amaro
  • Réalisation : Giuseppe De Santis
  • Scénario : Corrado Alvaro, Giuseppe De Santis, Carlo Lizzani, Carlo Musso, Ivo Perilli, Gianni Puccini
  • Dialogues : Franco Monicelli
  • Production : Dino De Laurentiis
  • Musique : Goffredo Petrassi et Armando Trovajoli
  • Photographie : Otello Martelli
  • Montage : Gabriele Varriale
  • Format : Noir et blanc - 1,37:1 - Mono - 35 mm
  • Durée : 107 minutes
  • Dates de sortie : Italie : 21 septembre 1949
    • France : 7 octobre 1949

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