Senses

De Cinéann.

Senses (Happy Hours) film japonais de Ryûsuke Hamaguchi, sorti en 2015

Analyse critique

Jun, Akari, Fumi et Sakurako habitent Kôbe et sont amies, un groupe soudé par les virées qu’elles font dans la nature, les rires qui s’échappent et les paroles qu’elles échangent ouvertement sur les hommes qui partagent leur vie, ou qui en ont auparavant fait partie.

Infirmière, mère, curatrice d’art, mariées ou solitaires, émancipées ou dévouées, alliées ou esseulées, chacune s’épanche sur sa façon d’être. Elles accomplissent par leurs paroles un pas de côté, en avant ou en arrière, toujours en prenant le temps de regarder, de se regarder, de se laisser regarder, et de se demander ce qu’il y aurait de mieux à faire.

Jun, la plus émancipée, est à l’origine du quatuor. C’est elle qui ­menace de le faire éclater. Après avoir révélé à une seule de ses confidentes qu’elle voulait divorcer, lors d’une excursion, elle disparait. On la voit, en transit, visage éclairé de rouge dans un tunnel, ensevelie dans un fondu au noir. Les trois femmes qui restent s’en trouvent profondément perturbées, conduites à repenser brutalement, et par la force de ce revirement, les contours de leurs vies.

Quatre actrices non professionnelles interprètent ces quatre amies de Kobé. Dans les premières minutes du film, les quatre femmes participent à un étrange stage de développement personnel pour trouver des manières non conventionnelles de communiquer avec les autres. La séquence, quasi documentaire, dure près de quarante minutes. Elle pourrait être fastidieuse mais elle fascine car le travail sur la durée permet d’interroger la vérité des apparences, de faire comprendre la fragilité des liens entre les quatre amies.

Le cinéaste filme délicatement les déplacements, les émotions qui traversent un regard, les gestes qui accompagnent une attention. Dans le film, la capacité d’écoute de l’un s’accompagne souvent d’une faculté à savoir s’entendre et se comprendre aussi soi-même. Parfois, cette même caméra fait face, frontalement, aux visages de deux âmes qui, en champ/contrechamp, s’affrontent alors d’un aveu ou d’un regard.

Senses est à l'évidence une histoire de femmes qui s’aiment, se lient ou se séparent, mais c’est aussi un récit qui, de par sa construction, sa temporalité et sa finesse, invite à respirer de concert avec ces existences qu’il porte à bout de bras. On s'imprègne du mouvement de ces femmes, on comprend la difficulté de savoir «endosser son corps», l’envie d’être remarqué, compris. Mais le monde évolue, il file avec le temps qui passe, n'offrant pas le loisir de pouvoir tout saisir des innombrables substances d’une existence, ses moindres pulsations fugaces, ses possibilités, ses chemins à emprunter. «Les choses ne font que passer devant nos yeux.» entend-on de la part d’une poétesse, avant de conclure : «Nos yeux n’essaient pas assez de saisir ces événements fugitifs.»

Distribution

Actrices non-professionnelles

  • Sachie Tanaka : Akari
  • Hazuki Kikuchi : Sakurako
  • Maiko Mihara : Fumi
  • Rira Kawamura : Jun

Fiche technique

  • Titre original :ハッピーアワー Happy Hour (titre anglais)
  • Réalisation : Ryûsuke Hamaguchi
  • Scénario : Ryûsuke Hamaguchi, Tadashi Nohara et Tomoyuki Takahashi
  • Photographie : Yoshio Kitagawa
  • Musique : Umitarô Abe
  • Durée : 317 minutes (5 parties, 3 film en France)
  • Dates de sortie : 14 août 2015 (Festival international du film de Locarno)
    • Japon : 12 décembre 2015
    • France : 2 mai 2018 (parties 1 et 2), 9 mai 2018 (parties 3 et 4), 16 mai 2018 (partie 5)
  • Festival international du film de Locarno 2015 : prix d'interprétation féminine pour les comédiennes et mention spéciale pour le scénario
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