Stalag 17

De Cinéann.

Stalag 17 film américain réalisé par Billy Wilder, sorti en 1953.

Analyse critique

L'histoire se déroule durant la bataille des Ardennes, en décembre 1944. C'est ce que l'on apprend lorsque les prisonniers écoutent leur radio clandestine avant que les Allemands ne leur enlève. Les soldats américains prisonniers dans le Stalag 17 s’aperçoivent qu’il y a parmi eux un mouchard qui renseigne les Allemands sur leurs moindres faits et gestes. Leurs soupçons se portent alors sur Sefton, un prisonnier cynique et magouilleur qui n’hésite pas à pactiser avec les Allemands pour pouvoir mener à bien des trafics en tous genres. Sefton joue cavalier seul, parvenant sans manquer d’audace à soutirer le moindre des biens à ses camarades. Il parie même sur les échecs répétés de chaque tentative d’évasion. Une nuit, où plus que jamais, il apparaît comme le coupable idéal, ses compagnons le tabassent. Humilié et pressé de reprendre paisiblement son activité lucrative, il décide de mener lui-même l’enquête. Sefton ne tarde pas à démasquer le traître, Price, le chef du baraquement. Par un interrogatoire habile sur la vie aux États-Unis, il parvient à le confondre devant ses camarades : Price est un Nazi, l'honneur des soldats américains est donc sauf, puisque traître n'est pas un des leurs. Les hommes l'expulsent du baraquement pendant la nuit et le font tuer par les sentinelles. Sefton et Dunbar profitent de l'incident pour s'évader du stalag.

Donald Bevan et Edmund Trzcinski, tous deux prisonniers de guerre au Stalag 17B situé en Autriche, ont écrit la pièce pour Broadway en 1951 avant que le réalisateur Billy Wilder et le scénariste Edwin Blum ne l'adaptent à l'écran. Billy Wilder va modifier considérablement la pièce. Ses changements se révéleront payants puisque Stalag 17 sera son plus gros succès à la Paramount.

Wilder donne la voix du narrateur non au héros ou au protagoniste principal mais à son seul ami : Cookie, un être effacé et timoré. Avec une certaine ironie, Wilder espère que le spectateur pourra s’identifier à un personnage aussi peu charismatique et effacé. L’idée principale est de se sentir un peu éloigné du héros jugé coupable par ses camarades de baraquement, dont les combines perpétuelles frôlent en permanence la trahison. Le spectateur doit lui-même être confronté à ses propres préjugés pour mieux appréhender le sens profond de l’œuvre.

Sefton donne l’image de celui qui n’a pas besoin d’autrui même dans l’adversité la plus totale. L’image de sa réussite génère la frustration et bientôt l’hystérie. L’hystérie gangrène la baraque 4. L’individu n’est désormais plus en mesure de se défaire de ses opinions dans un contexte où la présence de l’autre apparaît plus que jamais salvatrice. Sefton refuse même de participer à la comédie jouée par ses camarades, qui se griment en Hitler et agitent mécaniquement le bras, pour se moquer de l’endoctrinement nazi et refuser la lecture qu’on leur impose de Mein Kampf.

Wilder se montre à la fois cynique et misanthrope. Le faux héros de ce huis clos, et le seul à s’en sortir, est un parfait opportuniste, un individualiste, un combinard, un débrouillard sans morale. S’il n’est pas un traître au point de vendre la vie de ses camarades, il commerce avec les allemands pour s’enrichir et s’offrir du bon temps avec les prisonnières soviétiques. Sefton démasque le coupable non par patriotisme mais pour ne plus être tabassé et pour continuer son manège sans être embarrassé. S’il risque sa vie en s’évadant avec le Lieutenant Dunbar, c’est parce que Dunbar est riche. Sefton pourra tirer de son évasion un bon prix et même changer de statut social.

Le scénario de Wilder est un modèle de précision et de cohésion. Il réussit à conjuguer la description quasi documentaire de la vie dans un camp de prisonniers avec un film policier en huis clos. Mais Stalag 17 est aussi une formidable étude de caractère traitée à la manière d’une comédie. Le duo comique formé de l’inénarrable Robert Strauss et de Richard Erdman permet au film de ne jamais sombrer dans le strict psychodrame guerrier. L’un et l’autre animent grâce à leur bonne humeur la vie du baraquement. Ils inventent des stratagèmes audacieux pour égayer leur camarade, tromper les officiers allemands et approcher les prisonnières russes.

Stalag 17 est aujourd’hui un peu oublié, c’est pourtant un film trépidant, amusant et au final très émouvant. Wilder réussit à intégrer différentes données pour permettre au spectateur de connaître peu à peu des informations que les personnages ignorent. Plus le dénouement approche, plus le spectateur s’identifie à un héros jusqu’alors antipathique. Ce procédé scénaristique, très caractéristique de son écriture, lui permet de réaliser des scènes magnifiques.

« Wilder nous donne ici, en s’attaquant à nos préjugés, une leçon de tolérance bien dans sa manière, c’est-à-dire originale, brillante, amère et un tant soit peu déplaisante. Tolérance à l’égard des surdoués, des petits et gros malins de tout poil dont l’intelligence, la supériorité peuvent, dans certaines circonstances favorables, engendrer l’antipathie, l’envie, la haine. Cette leçon est donnée par Wilder sans la moindre complaisance. Il s’arrange en effet pour qu’il soit aussi difficile de s’identifier au héros qu’à ceux qui, injustement, le persécutent. »
Jacques Lourcelles, 1992

Distribution

  • William Holden : Sgt. J.J. Sefton
  • Don Taylor : Lt. James Dunbar
  • Otto Preminger : Col. von Scherbach
  • Robert Strauss : Stanislas Kasava
  • Harvey Lembeck : Harry Shapiro
  • Richard Erdman : Sgt. 'Hoffy' Hoffman
  • Peter Graves : Price
  • Neville Brand : Duke
  • Sig Ruman : Sgt. Johann Schulz
  • Michael Moore : Manfredi
  • Peter Baldwin : Johnson
  • Robinson Stone : Joey
  • Robert Shawley : 'Blondie' Peterson
  • William Pierson : Marko le postier
  • Gil Stratton : Clarence Harvey 'Cookie' Cook (alias Gil Stratton Jr.)
  • Jay Lawrence : Bagradian
  • Erwin Kalser : Geneva man
  • Edmund Trzcinski : 'Triz' Trzcinski

Fiche technique

  • Titre original : Stalag 17
  • Réalisation : Billy Wilder
  • Scénario : Billy Wilder, et Edwin Blum, adapté de la pièce de Donald Bevan et Edmund Trzcinski
  • Musique : Leonid Rabb
  • Producteur : Billy Wilder
  • Société de production : Paramount Pictures
  • Format : Noir et blanc Son : Mono
  • Durée : 120 minutes
  • Dates de sortie : Royaume-Uni : 29 mai 1953
    • France : 7 octobre 1953
  • Distinctions:
    • William Holden a remporté l'Oscar du meilleur acteur
    • Robert Strauss et Billy Wilder ont respectivement été nommé pour l'Oscar du meilleur second rôle et celui du meilleur réalisateur


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