Une femme disparaît

De Cinéann.

Une femme disparaît (The Lady Vanishes) film britannique de Alfred Hitchcock, sorti en 1938

Analyse critique

Dans les Balkans, et à cause de la neige, des voyageurs de la ligne de chemin de fer se retrouvent bloqués dans un hôtel isolé de montagne. Iris, une jeune anglaise, passe une nuit agitée à cause d'un musicien bohème , Gilbert, qui organise une soirée à l'étage supérieur. Le lendemain, les voyageurs reprennent le train. Iris est accostée par une vieille dame qui a perdu ses bagages. Elle décide de l'aider, mais elle reçoit un pot de fleurs sur la tête. À son réveil, elle se retrouve dans un wagon en compagnie de la vieille dame nommée Miss Froy, et se lie d'amitié avec elle. À son réveil, elle ne trouve plus de Miss Froy. Elle interroge les autres personnes du compartiment, mais ceux-ci répondent qu'ils n'ont jamais connu, ni vu de vieille dame, ni de Miss Froy dans le train.

Le train est en fait rempli d'espions. Quatre autres Britanniques, qui ont eux aussi leurs raisons de nier la disparition, sont embarqués dans l'histoire : deux amateurs de cricket obsédés par l'idée d'arriver à temps à Londres pour voir un match, et un couple d'amants qui souhaitent rester discrets. La seule personne prête à la croire et à l'aider est Gilbert Redman, le musicien rencontré à l'hôtel. Après enquête, ils vont découvrir que cette disparition mystérieuse est le centre d'un vaste complot.

The Lady Vanishes est l'avant-dernier film de la période anglaise d'Alfred Hitchcock, celui dont l'immense succès lui permettra de négocier en position de force son futur départ à Hollywood après l'échec commercial de ses trois précédents films. Au départ, cette production Gainsborough ne lui est pourtant pas destinée. Un an plus tôt, le réalisateur Roy William Neill devait réaliser le film sous le titre The Lost Lady ; mais partie en repérage en Yougoslavie, l'équipe est prise à partie puis expulsée par la police locale qui a découvert le portrait peu reluisant fait des autorités du pays dans le script. Hitchcock hérite donc du projet après l'éviction de la première équipe, et comme à son habitude remanie considérablement le roman The Wheel Spins d'Ethel Lina White à l'origine du script pour le plier à sa vision.

Ce film de Hitchcock est celui où s'entremêlent le mieux sa causticité et son art du suspense. La première partie est ainsi un régal d'humour où s'illustrent quelques moments savoureux présentant les différents protagonistes coincés dans un hôtel après le retard de leur train. On retiendra la pudibonderie de ces Anglais choqués par le sans-gêne de la femme de chambre locale qui se change en toute décontraction, ou encore l'amusante altercation façon screwball comedy entre le bruyant musicien Michael Redgrave et Margaret Lockwood. Hitchcock multiplie les idées ludiques sollicitant constamment l'attention, tel les divers indices prouvant la véracité des dires de Lockwood mais que ses interlocuteurs ne voient pas ou trop tard.

L'intrigue se noue donc durant le voyage en train, où Margaret Lockwood perd la trace de l'amicale vieille dame Miss Froy. Hitchcock instaure une paranoïa oppressante à travers laquelle la langue inconnue, les personnages doubles, les plus avenants étant toujours les plus fourbes et les idées visuelles nées de la confusion de Margaret Lockwood créent l'empathie en lui faisant progressivement perdre pied. A cela s'ajoute une veine plus critique et décalée entre le couple adultère qui par peur d'être découvert refuse d'appuyer les dires de Lockwood ou encore le duo Charters et Caldicott qui fait de même par peur qu'une enquête retarde le train et leur fasse rater un match de cricket. Les personnages représentent à merveille un motif récurrent du cinéma anglais de l'époque dans lequel les personnages sont souvent punis de leur "anglicité".

« Ce couple rejoint dans notre souvenir tous les couples à la dérive décrits par Hitchcock au long de son œuvre, unions qui n’ont pas résisté au temps, aux événements, ou qui se sont renfermées sur un inavouable secret. Le vertige, obsession majeure de l’œuvre de Hitchcock (vertige de Joan Fontaine dans Rebecca et Soupçons, vertige d’Ingrid Bergman dans Les Amants du Capricorne) est ici tempéré par l’humour. Il n’en demeure pas moins exactement de la même nature que dans les œuvres où il se trouve être le foyer tragique de l’action. Hitchcock contraint ses personnages à ne plus se fier à leur propre sens. La réalité est emportée dans un flot dont l’accélération donne proprement le sentiment de vertige. » Claude-Jean Philippe, Télérama, 1963

Distribution

  • Margaret Lockwood : Iris Mathilda Henderson
  • Michael Redgrave : Gilbert Redman
  • Paul Lukas  : Dr. Egon Hartz
  • Dame May Whitty : Miss Froy
  • Cecil Parker : Eric Todhunter
  • Linden Travers  : Margaret Todhunter
  • Naunton Wayne : Elmer Caldicott
  • Basil Radford : Charters
  • Mary Clare : Baronne Isabel Nisatona

Fiche technique

  • Titre original : The Lady Vanishes
  • Réalisation : Alfred Hitchcock
  • Scénario : Alma Reville, Sidney Gilliat et Frank Launder, d'après le roman The Wheel Spins d'Ethel Lina White, paru en 1936
  • Montage : R.E. Dearing
  • Photographie : Jack E. Cox
  • Musique : Charles Williams et Louis Levy
  • Producteur : Edward Black
  • Société de production : Gainsborough Pictures
  • Format : Noir et blanc – 1.37 : 1 – 35 mm
  • Durée : 96 minutes
  • Date de sortie : Royaume-Uni août 1938
femmedisparait.jpg
Outils personnels

Le cinéma de Nezumi; les artistes contemporains / Randonnées dans les Pyrénées

Les merveilles du Japon; mystérieux Viêt Nam; les temples et des montagnes du Népal ; l'Afrique