Yuki et Nina

De Cinéann.

Yuki et Nina film co-réalisé par Nobuhiro Suwa et Hippolyte Girardot, sorti en 2009.

Analyse critique

À l'approche des grandes vacances, Yuki ne sait pas encore ce que ses parents hésitent à lui annoncer. Insouciante, elle passe la plupart de son temps avec Nina, sa meilleure amie.

Un jour, Yuki surprend sa mère dans d'incompréhensibles préparatifs. La petite fille découvre que ses parents se séparent. Elle devra suivre sa mère au Japon et tout laisser ici, à commencer par Nina ...

Angoisse, doutes, incompréhension, l'enfant apprend la souffrance. Avec son amie, elles élaborent des stratagèmes destinés à provoquer une réconciliation. Finalement la fugue semble la seule issue.

Elles décident de fuir la réalité de ce conflit d'adultes pour se réfugier dans le monde irréel et mystérieux de la forêt. Elles marchent, elles ont soif, Yuki part seule chercher de l'eau. Elle se dirige vers une lumière au fond de la forêt, une lumière qui la conduit vers le Japon.

À l'issue de ce périple, les parents découvriront une petite fille désormais plus forte, plus sûre d'elle-même.

Bien loin des clichés sur un des plus rebattu des sujets, «cinéma et enfance», Yuki et Nina est une merveille d'abandon et de douceur, et pour Nobuhiro Suwa un nouveau traité sur son thème favori : la division. Du titre jusqu’au contenu, Yuki et Nina est un dialogue : les deux héroïnes, l’Europe et l’Asie, les deux parents aux caractères antithétiques… Surprenant et gracile, Yuki et Nina oscille entre une peinture de l’enfance, juste mais sans réelle surprise, et un discours sur l’illusion, le faux-semblant d’une remarquable subtilité et à la poésie visuelle d’une rare intelligence.

Les petites filles sont unies, pas totalement contre, mais au moins face aux adultes qu'elles ne comprennent pas. Il est inassimilable tant pour Yuki que pour Nina que l'amour entre le père et la mère cesse un jour, irra-tionnellement et définitivement. La logique d'un tel évènement appartient à un ordre de valeur auquel elles ne peuvent accéder, les explications des adultes, pourtant calmes et objectives, ne peuvent parvenir à entrer dans le systême de valeurs des enfants.

Les cinéastes ont choisi de raconter le divorce du point de vue de l'enfant, ce qui lait dire à Nobuhiro Suwa que Yuki et Nina est comme le contrechamp de son précédent film, Un Couple parfait, qui épousait le point de vue d'adultes qui se déchirent. C'est depuis le calme regard de Yuki qu'est racontée la crise du père et de la mère, et qu'en ressort la violence en dépit du caractère policé et décontracté de leur mode de vie. Les échanges sont cyniques, pleins de sous-entendus, des cris de colère résonnent en hors champs. Dans un très long plan-séquence, les cinéastes laissent la mère, qui n'en finit pas de pleurer, aller au bout de sa douleur, sous le regard de sa fille qui ne réagit pas. Il résulte de la longueur d'autres plans fixes semblables un sentiment d'asphyxie qui dérange.

L'une des richesses de Yuki et Nina est de faire cohabiter la pesanteur qui entoure l'histoire orageuse des parents avec une fluidité qui insuffle au film un rythme tout en douceur. Après avoir longuement mûri leur projet, Suwa et Girardot ont écrit un scénario qu'ils ont laissé ouvert, avec peu de dialogues, désirant rester à l'écoute de ce qui allait naître de l'interaction entre les deux fillettes, en fonction de laquelle ils ont affiné leur histoire et choisi la façon de la filmer. Cette écoute attentive des personnes se ressent, tantôt dans la façon dont se déplace la caméra qui, parfois, se déplace en suivant ce qui est humainement le plus intéressant plutôt que de centrer les personnages dans le cadre. Des plans fixes laissent aux émotions un vaste champ où se déployer.

Dans un second temps, radicalement différent, le caractère japonais du film prend toute son ampleur. Les fillettes fugueuses se retrouvent dans une grande forêt qui, à l'image de la double appartenance culturelle de Yuki, communique tant avec la France qu'avec le Japon. La forêt est très souvent un lieu magique dan sla culture japonaise. Ce lieu est surtout celui où les repères disparaissent, pour les personnages, les acteurs, les cinéastes et les spectateurs, l'onirisme et la magie se substituant à la logique de la raison. C'est dans cet univers, qui peut rappeler celui de Miyazaki, que les personnages finalement se retrouvent, et que peut-être Yuki accepte le divorce de ses parents.

La binarité concerne aussi l'écriture, à quatre mains, ceIle d'un cinéaste japonais confirmé et celle d'un acteur français dont c'est la première expérience de réalisation. Suwa et Girardot ne parlent pas la même langue et ont dû travailler à distance, tant pour l'écriture que pour le montage. Si cela a rendu leur tâche difficile, le film tire profit de la différence de distance que chaque cinéaste a entretenu avec le film. Hippolyte Girardot, jouant et tournant dans son pays, a dirigé les acteurs de l'intérieur, à proximité, le japonais Suwa faisant la même chose de plus loin, avec un regard plus distancié. Yuki et Nina, les enfants et les adultes, l'homme et la femme, la pesanteur et la grâce, l'Orient et l'Occident, le réalisme et l'onirisme. Nobuhiro Suwa et Hippolyte Girardot signent là un film léger mais densifié par les oppositions qui le constituent.

Pour le réalisateur japonais Suwa, ce film est la quatrième incursion en France, après H Story (2001), Un couple parfait (2005) et un segment de Paris, je t'aime (2006)

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Distribution

  • Noë Sampy :Yuki
  • Arielle Moutel : Nina
  • Marilyne Canto
  • Hippolyte Girardot
  • Tsuyu Shimizu

Fiche technique

  • Réalisation : Hippolyte Girardot , Nobuhiro Suwa
  • Scénario : Hippolyte Girardot , Nobuhiro Suwa
  • Production : Kristina Larsen .Masa Sawada
  • Image : Josée Deshaies
  • Montage : Laurence Briaud  ; Hisako Suwa
  • Assistants réalisateurs : Inès de la Bévière , Yu Koreyasu, Akira Osaki, Benjamin Rataud
  • Durée : 92 minutes
  • Date de sortie: 15 mai 2009 (Quinzaine des réalisateurs, Festival de Cannes 2009


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