À perdre la raison

De Cinéann.

Version du 30 mars 2013 à 21:14 par MariAnn (discuter | contributions)
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À perdre la raison film belge de Joachim Lafosse sorti en 2012

Analyse critique

Le film est librement inspiré de l'affaire Geneviève Lhermitte, du nom de cette mère de famille nivelloise ayant assassiné ses cinq enfants en février 2007.

Murielle et Mounir un couple heureux, ils vont se marier et avoir des enfants sous le toit du bienveillant Docteur Pinget. Petit à petit les relations deviennent complexes, étouffent le couple et la famille, qui ne se doutent pas de la fin tragique vers laquelle ils tendent. Depuis son enfance, Mounir vit chez le docteur Pinget, qui lui assure une vie matérielle aisée. Quand Mounir et Murielle décident de se marier et d’avoir des enfants, la dépendance du couple envers le médecin devient progressivement excessive. Bien qu'il n'y ait aucune intention de domination ni d'intrusion de la part du médecin, sa présence bienveillante est insupportable pour Murielle.

Joachim Lafosse, réalisateur des extrêmes, sonde l'âme humaine pour mettre sur la place publique des sujets profondément personnels. Ses films dénoncent des relations familiales malsaines, génératrices de violence. Dans ce film, Joachim Lafosse raconte l'histoire d'une femme qui va perdre la raison, par amour ou par manque d'amour. Cette raison qui donne la force de passer entre les entrelacs de la vie, celle qui donne un sens à la fatigue, jusqu'à l'épuisement, cette raison qui fait qu'on continue à mettre un pied devant l'autre.

Joachim Lafosse tend à donner des pistes, à rendre rationnel l'inexplicable. La dépression des mères est un mal qu'on a voulu minimiser. L'hystérie propre à la nature féminine fut une explication, la dépendance économique en fut une autre. Quand Murielle enfile la gandoura que sa belle-mère lui offre, c'est une deuxième peau qu'elle tente de se coller, celle qui lui permettra d'aller puiser la force ancestrale que des générations et des générations de femmes se sont créées pour arrêter l'hémorragie du flux vital qui s'échappe de leurs entrailles. Mais elle ne fut pas le rempart qu'elle espérait trouver. L'abnégation n'est possible qu'avec le soutien des autres. Et Murielle, quasiment isolée, s'est laissé écraser par l'incompréhension non pas d'un homme, mais de deux; son mari et son beau-père adoptif.

Encore nourrie d'espoirs, se débattant dans ses contradictions, la jeune mère du film de Joachim Lafosse ne peut se résoudre à perdre la raison de sa vie. C'est dans un sursaut ultime de survie, dans le désir de sortir de son étouffement qu'elle se libère de ses chaînes, quitte à payer son geste pour le restant de ses jours.

Joachim Lafosse atteint la maîtrise dans l'écriture du film. Il entraîne le spectateur dans une histoire connue d'avance. Aucune surprise, l'issue est inéluctable. Une histoire simple, écrite et réalisée avec un doigté ferme mais invisible. L'histoire se tisse à mesure des grossesses qui se suivent, des petits gestes que l'on ne retrouve plus dans le couple, des regards courroucés lancés par-dessus les épaules, ou de statuettes belliqueuses qui ornent les étagères. Le malaise s'installe insidieusement, sans éclats, latent et impalpable, sans jamais tomber dans le cliché ni le pathos.

Gérard Lefort (Libération) déclare« Comment devient-on Médée aujourd’hui quand on s’appelle Murielle, jeune femme issue d’une banlieue moyenne du nord de l’Europe, qu’on se marie très vite et qu’on a, à coup sûr, beaucoup trop d’enfants dont bientôt on ne saura plus que faire? Comment peut-on en faire un film? La réponse de Joachim Lafosse est une tragédie provocante dont le beau classicisme entre en résonance avec la Médée de Corneille. Sobrement philosophe, Joachim Lafosse ne pense pas que la monstruosité est inhumaine. »

Distribution

  • Niels Arestrup : Docteur André Pinget
  • Tahar Rahim : Mounir
  • Émilie Dequenne : Murielle
  • Stéphane Bissot : Francoise
  • Mounia Raoui : Fatima
  • Redouane Behache : Samir
  • Baya Belal : Rachida
  • Nathalie Boutefeu : Docteur Declerck

Fiche technique

  • Réalisation : Joachim Lafosse
  • Scénario : Thomas Bidegain ; Joachim Lafosse; Matthieu Reynaert
  • Produit par Gwenaelle Libert
  • Image : Jean-François Hensgens
  • Montage : Sophie Vercruysse
  • Durée : 111 minutes
  • Dates de sortie : 22 mai 2012 (Festival de Cannes) ; 22 août 2012 (salles)

Récompense:

  • Festival de Cannes 2012 (Sélection « Un certain regard ») : Prix d'interprétation féminine pour Emilie Dequenne
  • Césars 2013 : César du meilleur film étranger


Retrouvez tous les détails techniques sur la fiche IMDB

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