Bellissima

De Cinéann.

Bellissima , film italien de Luchino Visconti, sorti en 1951

Analyse critique

Maddalena, qui vit dans un quartier pauvre de Rome, inscrit sa très jeune fille à une audition organisée par le metteur en scène Blasetti aux studios Cinecittà. Toutes les mères qui ont eu connaissance de l'annonce affluent à Cinecittà avec leurs filles dans le plus grand désordre. Mais la fille de Maddalena se perd dans les jardins, sa mère utilise cet incident pour se faire plaindre et passer devant les autres.

Maddalena est très déterminée à ce que ce soit la sienne qui soit choisie; elle a investi toutes ses économies dans ce but, pour que sa fille soit la plus jolie, la mieux habillée. Elle a placé en elle tous ses espoirs. Dans les studios, elle croise un homme qui cherche à exploiter sa naïveté et à l'escroquer en lui proposant un piston inventé de toutes pièces.

La projection du bout d'essai tourné par Maria entraîne l'hilarité dans la salle. Maddalena ne laissera personne se moquer de sa fille qu'elle ramène aussitôt à la maison, refusant ensuite le mirifique contrat. Elle préférera mettre les bouchées doubles dans son métier d'infirmière pour combler le déficit occasionné par cette aventure dans le monde du cinéma.

Visconti déclare : « Il m'intéressait de faire une expérience avec un personnage authentique, avec lequel je pourrais dire certaines choses plus intérieures et plus significatives »

Bellissima est un magistral essai de réalisme exubérant dans l'évocation de deux mondes opposés, celui, artificiel, de Cinecittà, et celui, humble, et souvent sincère, de certains grands immeubles populaires , apparaît, comme l'élargissement du sens qu'avait pris son travail lors du tournage de La terre tremble demeuré sans son accomplissement final.

Bellissima est plus qu'un portrait de femme car, à travers la prise de conscience de la femme, insérée dans la chronique la plus vivace, Visconti arrive à donner un jugement historique sur notre temps, élargissant la compréhension à laquelle il était arrivé avec le film précédent. Il évoque non seulement un problème de justice, de spoliation du travail, mais plus largement une destruction des valeurs individuelles, présente en Sicile comme à Rome, face à laquelle le repli de Maddalena en elle-même, pour qu'au moins l'unité de sa famille ne soit pas détruite, est une défaite, l'unique défense qui lui reste.

Bellissima est aussi une dénonciation des milieux du cinéma, et du caractère illusoire de ce monde d'évasion, mais sur un mode paradoxal, car ce monde qui est dénoncé, c'est aussi celui de Visconti ; pour tourner Bellissima, il a du réaliser un casting d'enfants et ensuite "diriger" son interprète de sept ans. Visconti lui-même, s'adressant à Blasetti, interprète de son propre personnage : « C'est nous qui mettons des illusions dans la tête des mères et des jeunes filles. Nous prenons des gens dans la rue et nous avons tort. Nous vendons un élixir d'amour qui n'est pas un élixir. Comme dans l'opéra, c'est du vin de Bordeaux. Le thème du charlatan, je ne l'ai pas mis pour toi, mais pour moi. »

C'est le monde du cinéma dans son ensemble, comme miroir aux alouettes et industrie de l'évasion, qui est dénoncé au travers de ses cinéastes mais aussi des coiffeurs, modistes, photographes, donneuses de cours d'art dramatique, de tous les parasites qui s'affairent et bombinent autour de la grande ruche aux rêves. Visconti introduit également des personnages réels comme Iris, Liliana Mancini dans la réalité, monteuse aux studios Cinecittà, qui raconte son histoire vraie : Un jour, le cinéaste Renato Castellani, l'arrête et lui propose le rôle principal du film, Sous le soleil de Rome. On m'a prise une ou deux fois comme ça, parce que j'étais le type qui leur servait. (...) En vérité, je m'étais un peu monté la tête et j'y ai laissé mon emploi et mon fiancé. (...) Ces illusions de cinéma ont fait tellement de malheureux ! , confie-t-elle.

« Ce que nous trouvons de profondément original, c’est d’abord l’amour du spectacle, le goût du jeu pour le jeu, loin de tout documentarisme. Pour jouer la comédie, nous dit Visconti, ayez le cœur bien accroché, soyez prêt à affronter cet univers de fous. La Magnani comme Tina, qui joue la fillette, possèdent ce don de tout transformer. Et puis il y a la mise en scène : la caméra s’attarde sur une épaisse ménagère qui souffle en grimpant l’escalier, sur un cours de danse ; chaque fois la vie frémit sous nos yeux. » Louis Marcorelles, France Observateur, avril 1961

Distribution

  • Anna Magnani : Maddalena Cecconi
  • Walter Chiari : Alberto Annovazzi
  • Tina Apicella : Maria Cecconi
  • Gastone Renzelli : Spartaco Cecconi
  • Tecla Scarano : Tilde Spernanzoni
  • Lola Braccini : La femme du photographe
  • Arturo Bragaglia : Le photographe
  • Nora Ricci : L'employée de la blanchisserie

Fiche technique

  • Réalisateur: Luchino Visconti
  • Scénario : Cesare Zavattini
  • Adaptation et dialogues : Suso Cecchi d'Amico, Francesco Rosi, Luchino Visconti
  • Assistants à la réalisation : Francesco Rosi, Franco Zeffirelli
  • Production : Salvo d'Angelo, Production Film Bellissima
  • Musique : Franco Mannino, d'après des thèmes de L'Élixir d'amour de Donizetti
  • Photographie : Piero Portalupi, Paul Ronald
  • Montage : Mario Serandrei
  • Format : Noir et blanc - 35 mm - 1,37:1 - Son : Mono
  • Durée : 110 minutes
  • Dates de sortie : 27 décembre 1951
    • France : 12 avril 1961
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