Bergman Island

De Cinéann.

Version du 17 septembre 2021 à 10:31 par MariAnn (discuter | contributions)
(diff) ← Version précédente | Voir la version courante (diff) | Version suivante → (diff)

Bergman Island , film français de Mia Hansen-Love, sorti en 2021

Analyse critique

Tony et Chris, tous deux cinéastes, passent quelques jours en sur l’île de Fårö où vécut leur mentor Ingmar Bergman. Farö est tellement identifiée à Bergman (il en avait fait son refuge) qu’elle en est devenue une sorte de parc d’attractions à la gloire du cinéaste, avec même ce bus d’excursion baptisé "Bergman Safari" qui visite les lieux de tournage où a opéré Bergman. Cette fierté locale, et le flux de touristes qui va avec, sont montrés finement, drôlement, sur fond de paysages magnifiques. D’où un charme immédiat, une ironie séduisante.

Le couple qui débarque, elle très jeune et lui, moins, vient y chercher l’inspiration. Chris et son mari Chris sont tous deux auteurs-réalisateurs et entendent écrire, chacun de son côté, un scénario de film. Sous les auspices d’un immense artiste qu’il vénèrent, et sous la menace diffuse, d’abord sujet de plaisanterie entre eux, du mauvais sort que le génie du septième art jetterait, post mortem, aux époux de passage.

Le climat se détraque légèrement au sein du couple d’auteurs. Chris envie douloureusement la capacité de travail de son époux, qui avance dans son propre projet à toute vitesse. Il lui conseille de renoncer quand elle se plaint de trop souffrir de la page blanche. Elle jalouse sa notoriété, après une projection, il donne une master-class sur l’île. Mais elle semble aussi se détacher de lui, ne plus guère éprouver de désir ni même d’amour. Elle va jusqu’à flirter en cachette avec un étudiant scandinave.

L’imagination de Chris, enfin concentrée sur son travail donne naissance à un duo de fiction, mais en partie autobiographique. Ce duo idéalement romantique en apparence a vécu une passion partagée autrefois et se reforme le temps d’un week-end, un mariage d’amis communs, sur la même île, Farö. On perçoit l’intensité de leurs sentiments, l’érotisme entre eux, mais aussi une part de regrets, de tristesse, d’impossible.

Leur histoire s’impose, prend toute la lumière, c’est dans cette fiction dans la fiction que Mia Hansen-Løve atteint une incarnation, une incandescence irrésistibles, une habile mise en abyme. De l’alternance entre les deux récits naît tout un système d’échos. Des anecdotes, émotions et idées qui semblaient auparavant éparses trouvent leur place dans une construction subtile.

D’une réalité à l’autre, le sujet Bergman revient, lancinant, controversé, s’invite même dans le banquet de mariage. Surhomme ou monstre d’égoïsme ? Le grand homme, entend-on, a laissé ses femmes successives élever ses neuf enfants pour mieux se vouer, lui, à son œuvre. Avant tout il s’est montré cruel, plus encore à travers ses films que dans sa vie, comme si la cruauté était gage de vérité, ou d’intensité. Mia Hansen-Løve s’aventure loin dans cette réflexion-là, parvient à la faire endosser par ses personnages, dans leur chair, et en tire toutes les conséquences pour son cinéma, elle signe elle-même un film aussi beau que cruel.

Distribution

  • Tim Roth : Tony
  • Mia Wasikowska : Amy
  • Vicky Krieps : Chris
  • Anders Danielsen Lie : Joseph
  • Joel Spira : Jonas

Fiche technique

  • Réalisation et scénario : Mia Hansen-Love
  • Photographie : Denis Lenoir
  • Montage : Marion Monnier
  • Musique : Raphaël Hamburger
  • Société de production : CG Cinéma
  • Pays de production : France - Belgique - Allemagne - Suède
  • Langue de tournage : anglais
  • Durée : 1 h 52 min
  • Dates de sortie : 12 juillet 2021 , Festival de Cannes 2021, compétition officielle
    • 14 juillet 2021 (sortie nationale)
bergmani.jpg
Outils personnels

Le cinéma de Nezumi; les artistes contemporains / Randonnées dans les Pyrénées

Les merveilles du Japon; mystérieux Viêt Nam; les temples et des montagnes du Népal ; l'Afrique