Buongiorno, Notte

De Cinéann.

Buongiorno, Notte, film italien de Marco Bellocchio, sorti en 2003

Analyse critique

En 1978, Aldo Moro, président de la Démocratie Chrétienne en Italie, est enlevé, séquestré pendant 55 jours, et finalement assassiné par un petit commando des Brigades rouges. Cet évènement marqua profondément la vie politique italienne.

Deux terroristes du commando qui prépare l'enlèvement d'Aldo Moro, visitent un appartement tranquille et prennent des mesures pour un mystérieux bricolage. Une bibliothèque cachera l'entrée de la pièce où Moro restera enfermé sous la garde de Mariano, Ernesto, Primo et Chiara. Cette dernière a gardé son travail de bibliothécaire faisant ainsi, seule, le lien avec l'extérieur. Les négociations trainent en longueur, mais l'État est inflexible : libération de Moro sans conditions. Ses geôliers eux-mêmes désirent jusqu'au bout le compromis , mais ils sont prisonniers de leur idéologie.

Bellocchio, par de petits détails, montre les failles de la carapace de chacun. Ernesto fait une sortie pour aller voir sa femme ; Primo, le dur, est tout remué… par la disparition de ses deux canaris.

Mais Bellocchio s'est surtout attaché au personnage de la femme : Chiara. Fille de partisan fusillé par les fascistes, elle ne peut s'empêcher de faire un rapprochement entre son père et le prisonnier. Ses rêves la ramènent aux parades communistes russes, mais aussi aux fusillades des partisans. Tiraillée entre son idéologie et ses sentiments, elle est contre la condamnation à mort et rêve que Moro se sauve.

Bellocchio donne toute épaisseur à ses personnages en les filmant souvent séparément : Moro, au fond de sa cache, dans une solitude totale ; Chiara, les larmes aux yeux à l'écoute d'une lettre de Moro à sa femme ; Mariano, en sueur, à l'idée d'aller jusqu'au bout : c'est à dire, la mort .

Bellocchio a bâti son film à partir du livre " Le Prisonnier " d'Anna Laura Braghettit (la terroriste du groupe, ici nommée Chiara)

Ni film politique, ni film sur le terrorisme, "Buongiorno, notte" est un film sur le huis clos qu'ont représenté la longue séquestration. Bellochio, en mélangeant fiction et réalité, a donné à la chose une dimension hors du temps. C'est la confrontation des terroristes et du séquestré. Les premiers sont aveuglés pas leur idéologie : prêts à mourir, mais aussi prêts à tuer au nom de la justice du peuple. "Prêt à mourir comme les martyrs chrétiens" répond Aldo Moro.

Le cinéaste s'est penché sur les sentiments de ces êtres en présence les uns des autres pendant presque deux mois. Moro est un être profondément humain, qui ne se révolte pas, essaie de convaincre ses ravisseurs, écrit lettres sur lettres pour obtenir le compromis qui permettrait sa libération contre celle des prisonniers politiques, mais qui sera victime du cynisme de son parti et de la lâcheté du pape.

« Loin de s’adonner à une lecture fidèle ou à une relecture des évènements, Bellocchio nous convie à une plongée dans l’inconscient de son personnage principal. Ce qui l’intéresse, c’est Chiara, sa façon de vivre, de voir la politique et le monde, son incapacité à faire coïncider ce qu’elle pense et ce qu’elle fait. En cela, Bellocchio reste fidèle à lui-même. Son cinéma est hanté par la liberté et les moyens d’y parvenir : comment agir et penser librement, avoir une conscience et une vision libre et juste du monde et de la société sans se défaire au préalable des chaines dont on hérite. À son habitude, Bellocchio se livre donc à l’analyse d’un cas : un cas unique qui pourrait aussi bien être collectif, celui de l’Italie, d’hier et d’aujourd’hui. »
Jean-Baptiste Morain, Les Inrockuptibles

Distribution

  • Luigi Lo Cascio : Mariano
  • Maya Sansa : Chiara
  • Roberto Herlitzka : Aldo Moro
  • Pier Giorgio Bellocchio : Ernesto
  • Giovanni Calcagno : Primo
  • Paolo Briguglia : Enzo

Fiche technique

  • Réalisation : Marco Bellocchio
  • Scénario : Marco Bellocchio avec la participation de Daniela Ceselli, d'après le livre de la terroriste repentie Anna Laura Braghetti et Paola Tavella
  • Production : Marco Bellocchio et Sergio Pelone pour Filmalbatros
  • Musique : Riccardo Giagni, Pink Floyd, Franz Schubert
  • Photographie : Pasquale Mari
  • Durée : 106 minutes
  • Dates de sortie : 5 septembre 2003 (compétition officielle, Mostra de Venise)
    • 4 février 2004 ( France )
  • Prix de la meilleure contribution individuelle (Marco Bellocchio) et Prix CinemAvvenire du meilleur film - Mostra de Venise 2003.

buongiorno06.jpg

Outils personnels

Le cinéma de Nezumi; les artistes contemporains / Randonnées dans les Pyrénées

Les merveilles du Japon; mystérieux Viêt Nam; les temples et des montagnes du Népal ; l'Afrique