Film documentaire

De Cinéann.

Version du 2 février 2009 à 09:14 par MariAnn (discuter | contributions)
(diff) ← Version précédente | Voir la version courante (diff) | Version suivante → (diff)

Dans le domaine cinématographique, le film documentaire est un genre qui se fixe pour but théorique de faire état d'une réalité, sans intervenir sur son déroulement. Il s'oppose donc à la fiction, qui veut recréer une narration pouvant donner l'illusion de la réalité à partir d'une histoire ou d'un scénario et d'une mise en scène. Par analogie avec la littérature, le documentaire pourrait être à la fiction ce que l'essai est au roman.

Sommaire

Origines

Le cinéma d'avant 1900 était dominé par les "actualités" : les premiers films étaient par définition de courts documentaires, des moments de la vie courante capturés sur film, comme un train entrant en gare ou des travailleurs sortant d'une usine (voir notamment la Sortie de l'usine Lumière à Lyon, 1895). Les contraintes techniques faisaient que chaque film ne dépassait pas la minute. Mais l'idée de "scène documentaire" est attestée dès 1906, et celle de "film documentaire" substantivée en "documentaire" dès 1915.

D'une façon générale, cette antériorité française est encore sensible, dans les années trente, plusieurs textes allemands et américains de l'époque citant le mot français plutôt que son équivalent local. Très peu d'histoires étaient encore racontées à cette époque par le biais du nouveau medium, principalement à cause des limitations techniques. La tradition de l'actualité est une tradition importante pour le documentaire ; ces histoires étaient parfois des mises en scène d'événements ayant eu lieu réellement (comme par exemple pour les scènes de bataille, où le cameraman arrivait après les combats).

Dans la terminologie photographique, le terme documentaire apparaît dès la fin des années vingt. Sa première occurrence comme définition d'un genre est difficile à repérer, mais la légende - née également à la fin des années trente - veut que le terme soit d'abord apparu en 1926, dans un article de John Grierson sur le film de Robert Flaherty, Moana.

Dès 1934, lorsqu'il veut réaliser des films pour vraiment faire découvrir au grand public la sensation du skieur et de l'alpiniste qu'il est, le futur maître du cinéma de montagne Marcel Ichac achète ainsi l'une de ses caméras aux puces. Marcel Ichac est ainsi l'un des premiers à utiliser une caméra mobile, qu'il accroche notamment à des skis dans le film "36 chandelles" (1936).

Déclin et regain

Quand Robert Flaherty tournait Nanouk l'Esquimau en 1922, le film documentaire se voulait romantique ; Flaherty faisait jouer ses protagonistes en faisant semblant de documenter. Il a interdit aux chasseurs de morses d'utiliser des fusils, ils durent se servir de harpons qu'ils n'utilisaient plus depuis longtemps, se mettant du coup en danger. D'autre part, la scène de chasse au phoque est une pure fiction. En effet, Nanouk tire sur une corde au bout de laquelle, il y a un phoque déjà mort. Cette petite scène et bien d'autres éléments, nous démontre la limite de la captation du réel voulue par l'esprit documentaire. De telles manipulations, effectuées sans aviser le public, furent par la suite considérées comme malhonnêtes.

Pendant les années 1930, le documentariste et critique John Grierson argumenta dans son essai First Principles of Documentary que le film Moana de Robert Flaherty avait une valeur documentaire, énumérant un certain nombre de principes propres selon lui au film documentaire. D'après lui, le potentiel du cinéma d'observer la vie pouvait être exploité dans une nouvelle forme d'art, l'acteur original et la scène originale étant de meilleurs guides que leurs contreparties fictionnelles pour interpréter le monde moderne ; le matériel brut étant par essence également "plus réel" que la scène jouée. Dans cette perspective, les vues de Grierson n'étaient pas très loin de celles de Dziga Vertov, qui travaillait pour les actualités soviétiques (Kino-Pravda, littéralement « ciné-vérité ») et manifestait son mépris pour la "fiction bourgeoise". La définition de Grierson du documentaire comme « traitement créatif de l'actualité » eut quelque succès bien que la mise en scène a posteriori pose certains problèmes éthiques en matière de réécriture de l'histoire. On peut cependant noter que Grierson, en plus de son travail de documentariste a aussi mis en place une des institutions du genre, l'Office national du film du Canada.

Après avoir connu des années de désaffection avant et dans l'immédiat après-guerre, le genre reçut un regain de reconnaissance avec Le Monde du silence de Jacques-Yves Cousteau et Louis Malle, sacré Palme d'or à Cannes en 1956. L'évolution technique et le bouillonnement critique de l'après-guerre permirent entre les années 1950 et les années 1960 de sortir le sujet documentaire des studios de cinéma : Les Raquetteurs, documentaire québécois tourné en 1958 est un bon exemple de cette nouvelle distanciation par immersion dans le sujet filmé.

Le genre connaît un regain de reconnaissance en France depuis la fin des années 1990, figurant en bonne place des sorties hebdomadaires, allant jusqu'à des succès populaires exceptionnels avec Être et avoir de Nicolas Philibert. Le genre animalier s'est renouvelé sous l'impulsion de Jacques Perrin (Microcosmos, Le Peuple migrateur).

Aux États-Unis, Michael Moore est le seul à connaître un succès commercial, avec ses films Fahrenheit 9/11 et Bowling for Columbine, même si récemment le film Super Size Me de Morgan Spurlock a connu une certaine affluence.

La question de l'objectivité

La pratique révèle que la limite entre objectivité et point de vue du cinéaste est particulièrement ténue : un documentaire répond toujours à une démarche de son auteur, et propose donc une vision particulière. Cette vision résulte principalement de choix, que ce soit au niveau du sujet traité, des moyens, de l'approche ou, surtout, du montage. Un documentaire est donc une véritable œuvre de création, qui ne saurait prétendre à l'objectivité, contrairement à ce dont il se voit souvent implicitement investi.

Dans l'histoire du cinéma, le documentaire a souvent servi une cause ou une propagande : Terre sans pain de Luis Buñuel, La Ligne générale de Sergueï Eisenstein, Le Triomphe de la volonté de Leni Riefenstahl montrent l'ampleur et l'impact que le genre peut prendre. Why We Fight, de Frank Capra, fut une série d'actualités commandée par le gouvernement américain pour convaincre le public qu'il était bien le temps de faire la guerre. Cette démarche militante peut cependant amener le documentariste à influer sur ce qu'il veut filmer, adoptant ainsi une attitude de metteur en scène au sens le plus traditionnel du terme. Ainsi on ne peut séparer l'évolution du documentaire entre 1935 et 1950 de l'histoire de la propagande, le Why we fight des USA, et la fondation de l'ONF par le Canada et Grierson étant une réponse directe par ces États au Triomphe de la volonté et à Joseph Goebbels.

Plus au Nord, dès 1958, au sein de l'ONF sous la conduite de cinéastes comme Michel Brault, Pierre Perrault, Gilles Groulx et Arthur Lamothe, une révolution a lieu avec les Raquetteurs. L'Article sur le cinéma direct rend compte du bouillonnement technique et idéologique de cette période, âge d'or fait d'innovations techniques, d'engagement social, politique, et de questionnements éthiques sur la capacité du cinéma à rendre compte du réel.

Ailleurs aussi, dans les années 1960 et 1970, le documentaire pose de front les questions de son rapport actif au réel et de la vraisemblance. Il fut notamment souvent considéré comme arme politique contre le capitalisme et le néocolonialisme, en particulier en Amérique latine : La hora de los hornos (L’Heure des brasiers, 1968), d'Octavio Getino et Fernando E. Solanas, qui a influencé une génération entière de cinéastes.


Après le regard particulièrement critique posé sur les institutions et nos sociétés entre les années 1960 et 70, une nouvelle approche naît entre les années 1980 et les années 1990, filles du marketing, des relations publiques et pétries de politiquement correct. Le documentaire se présente alors lui-même comme fiction, faisant écho à la guerre des discours qui caractérise nos sociétés contemporaines. Une des principales réalisatrices françaises en la matière, Agnès Varda, intitula même un de ses films Documenteur (1981), soulignant ainsi l'ambiguïté ou l'illusion que l'attitude pouvait entretenir chez le spectateur, donnant aussi son nom à ce nouveau genre hybride, entre documentaire et fiction ; on utilise aussi le terme de faux documentaire.

D'une manière générale, les films documentaires sont de plus en plus utilisés de manière plus subjective et réflective, une approche caractéristique de ce que l'on trouve dans des essais littéraires (comme chez Guy Debord).

Distance au sujet

La prise "sur le vif"

Le documentariste soviétique Dziga Vertov proposa de filmer la vie "telle qu'elle était", c’est-à-dire comme on la surprend ou la provoque.

Différents réalisateurs ont pris différentes positions quant au degré de participation. Kopple et Pennebaker choisirent la non-participation à l'action. Rouch, Pierre Perrault et Kroitor, au contraire, furent souvent directement impliqués ou provoquèrent même l'action filmée.

Les films Harlan County, U.S.A. (par Barbara Kopple), Don't Look Back (Donn Alan Pennebaker), Lonely Boy (Wolf Koenig et Roman Kroitor) et Chronique d'un été (Jean Rouch) sont souvent considérés comme typiques du cinéma-vérité ou cinéma direct. Il reste toujours une certaine incompréhension entre le cinéma-vérité (à la Jean Rouch) et cinéma direct nord-américain, qui compte Michel Brault, Richard Leacock ou Frederick Wiseman parmi ses pionniers.

La compilation

La création des films de compilation n'est pas un développement particulièrement récent dans le champ documentaire. Parmi ses pionniers on trouve notamment Esfir Schub et sa Chute de la maison des Romanov (1927). Parmi les exemples plus récents, on note également Point of Order (1964) d'Émile de Antonio sur les auditions de la commission McCarthy et The Atomic Café, entièrement construit à partir de films d'"information" produits par diverses agences gouvernementales américaines sur l'innocuité des radiations nucléaires (on expliquait aux soldats qu'ils seraient protégés s'ils fermaient les yeux et bouche au moment de l'explosion). The Last Cigarette alterne quant à lui les témoignages des cadres des entreprises de tabac devant le Congrès américain et les vieilles publicités proclamant les prétendus avantages du tabagisme.

La reconstitution

Certaines scènes, non filmées lors des faits, sont parfois reconstituées avec les protagonistes ou avec des acteurs. Ces scènes sont dites d'illustrations, et peuvent se faire accompagner de cartes, de plan, de voix off... Lorsque le document rassemble tellement de telles scènes qu'il ressemble à un film, on parle de docu-fiction, tellement le risque de non ressemblance est grand.

Outils personnels

Le cinéma de Nezumi; les artistes contemporains / Randonnées dans les Pyrénées

Les merveilles du Japon; mystérieux Viêt Nam; les temples et des montagnes du Népal ; l'Afrique