Gloria Mundi

De Cinéann.

Gloria Mundi , film français de Robert Guédiguian, sorti en 2019

Analyse critique

Gloria Mundi s’ouvre sur une naissance, à Marseille. Celle de Gloria, dans les bras de sa maman, Mathilda , à la maternité, où les proches défilent. Il y a son mari, sa mère, Sylvie, son beau-père Richard, sa demi-sœur cadette Aurore et le copain de celle-ci. Il manque Daniel, le père de Mathilda, qu’elle n'a connu que bébé, et qu'elle n'a aucune envie de revoir.

Daniel sort de prison où il était incarcéré depuis de longues années et retourne à Marseille. Sylvie, son ex-femme, l’a prévenu qu’il était grand-père. En venant à la rencontre du bébé, Daniel découvre une famille recomposée qui lutte par tous les moyens pour rester debout.

Son ex-femme et Richard, chauffeur de bus, n’hésitent pas à l’héberger. Du côté des jeunes générations, c’est plus compliqué. Sa fille, qui lui bat froid, est à cran, énervée par tout, son bébé, son boulot de vendeuse, son mari. Daniel constate que les temps sont difficiles. À part pour le jeune couple formé par Bruno et Aurore , profiteurs cyniques maquillés en néo-entrepreneurs, employant des ouvriers au noir et touchant à la drogue.

Le film se passe très loin de l’Estaque, chère au réalisateur, et la seule mer visible est celle du port. Il se déroule dans les nouveaux quartiers d’affaires, la Joliette, ou les secteurs de passage, Plombières, dans un Marseille en chantier, qui mute, glacial. Ce manque de chaleur correspond avec la dégénérescence sociale décrite, la disparition de la solidarité, de l’entraide. En pleine guerre économique, les habitants sont prêts à tout pour survivre individuellement.

Le trio historique Ariane Ascaride, Gerard Meylan et Jean-Pierre Darroussin est est relégué au second plan, au profit des nouveaux de la troupe. C’est la jeunesse, porteuse d’énergie, que Guédiguian filme en priorité. Il la montre multiple, arriviste ou compatissante, mais surtout, précarisée, atomisée. Il constate la disparition du combat collectif d’antan. Il ne reste que des individus sous pression, qui se font du mal et se trahissent pour satisfaire des pulsions.

Le film est pessimiste mais jamais d’une manière écrasante ou moralisatrice. Guédiguian semble y avoir concentré toute son inquiétude et sa rage, notamment dans sa façon de décrire la cruauté spontanée des plus jeunes.
Il déclare «Je ne voulais pas que ça apparaisse comme un jugement de valeur sur la jeunesse mais, à travers eux, un jugement de la société actuelle, qui n’offre aux jeunes aucun moyen d’avoir des projets collectifs tout en glorifiant la réussite individuelle. Quand on veut paraître humaniste, on dit que la réussite individuelle va tirer les autres. On sait tous que quand on est arrivé en haut, la corde est coupée depuis un moment et qu’il a fallu marcher sur les autres pour en arriver là.»
Et aussi : «Il n’y a plus d’espace, ni de parti, ni de syndicat où les gens ont envie de se rencontrer avec la conscience d’appartenir à une même communauté d’intérêt. Il en découle une absence de solidarité. La chose la plus tragique est d’avoir perdu le pouvoir que tout cela donne. Non pas le pouvoir que l’on prend sur les autres, mais un pouvoir de résistance, qui peut produire une contre-culture. Certes, il reste des actions par-ci par-là, des associations, des microprojets, des lieux alternatifs, mais ce sont des exceptions.  »

Distribution

• Ariane Ascaride : Sylvie
• Jean-Pierre Darroussin : Richard
• Gérard Meylan : Daniel
• Anaïs Demoustier : Mathilda
• Robinson Stévenin : Nicolas
• Lola Naymark : Aurore
• Grégoire Leprince-Ringuet : Bruno

Fiche technique

• Réalisation : Robert Guédiguian
• Scénario : Robert Guédiguian et Serge Valletti
• Photographie : Pierre Milon
• Musique : Michel Petrossian
• Montage : Bernard Sasia
• Production : Agat Films & Cie / Ex Nihilo
• Durée : 106 minutes
• Dates de sortie : 5 septembre 2019 (Mostra de Venise)
  • France : 27 novembre 2019