Hospitalité

De Cinéann.

(Différences entre les versions)

Version du 28 mai 2021 à 16:22

Hospitalité , film japonais de Kôji Fukada, sorti en 2010

Analyse critique

Mikio Kobayashi mène une vie paisible dans sa maison familiale de Tokyo aux côtés de sa jeune femme Natsuki, de sa fille Eriko issue d'un premier mariage et de sa sœur Seiko. Épaulé par sa femme à la comptabilité et d'un unique employé, Mikio gère une petite imprimerie qui occupe le rez-de-chaussée. La famille Kobayashi, bien sous tous rapports, participe, de temps à autre, au comité de surveillance du quartier, où l'on fustige les sans-abri quand ils s'installent dans le parc. Le quotidien rythmé par le travail est à peine troublé par la perte de la perruche d'Eriko et la pose d'affiches pour la retrouver. Mais on comprend vite que cette perruche joue le rôle du MacGuffin des films d'Hitchcock

Lorsqu'un inconnu fait son apparition pour signaler qu'il a aperçu l'oiseau, Mikio ne le reconnait pas, il se présente comme étant Hanataro Kagawa, le fils d'un ami de son défunt père. À partir de ce jour, Hanataro vient quotidiennement à l'imprimerie donner un coup de main, et c'est tout naturellement que Mikio l'embauche lorsque son employé tombe malade, allant même jusqu'à accepter de l'héberger dans une chambre à l'étage lorsque Hanataro lui fait part de certaines difficultés. L'irruption de l'envahissant hôte chamboule les habitudes bien ancrées de la maisonnée d'autant que bientôt, une étrangère peu farouche du nom d'Annabelle, tantôt brésilienne, tantôt bosniaque, et qui se présente comme la femme de Hanataro vient s'installer avec lui à l'étage.

Ce film est une préfiguration burlesque des affres familiales d’Harmonium (2016). Ce qui relie la plupart des films de Fukada, enchaînés à un rythme soutenu, c’est leur goût pour la déliquescence intime, façon de gratter la bonne conscience japonaise. Hospitalité se présente comme un récit typique d’infiltration, au cours duquel un agent extérieur s’invite au cœur d’une famille pour mettre progressivement à mal sa fiction unitaire comme son image de respectabilité, Hanataro établit très habilement son emprise sur toutes les failles repérées au sein du clan Kobayashi : le père, Mikio , bonne pâte, remarié avec une femme beaucoup plus jeune, la sœur divorcée, qui disparait régulièrement. Natsuki subvient en cachette aux besoins de son demi-frère, délinquant.

La cellule familiale se révèle le résultat de ruptures et de recompositions plutôt que le fruit d’une harmonie préétablie. Chacun y est amené à dissimuler une existence parallèle ou des désirs inexprimables au sein du foyer comme la libido en berne du couple de propriétaires. Hanataro et Annabelle l’ont bien compris, en fondant leur prise de pouvoir sur une sexualité explicite : ébats bruyants, nudité assumée et incartades extraconjugales sèment bientôt la pagaille parmi les Kobayashi.

Mais, plus encore que le noyau familial, que le film vise à faire voler en éclats, c’est l’identité japonaise, du moins son exclusivisme et son impensé nationaliste qui sont remis en question. Fukada joue habilement de l’intérieur des Kobayashi, où le local commercial, envahi de machines, déborde sur les lieux de vie : une étroitesse spatiale redoublée par l’étroitesse d’esprit, mais contrecarrée par les opérations d’Hanataro, qui y convoque une foule bigarrée d’amis, une multitude de visages et de nationalités. Cette infiltration du foyer japonais par ceux qu’il refoule d’ordinaire est mise en scène modestement, mais avec précision, comme une suite de dérèglements et de chassés-croisés prenant des proportions insolites.

Distribution

  • Kenji Yamauchi  : Mikio Kobayashi
  • Kiki Sugino  : Natsuki, la seconde femme de Mikio
  • Kanji Furutachi  : Hanataro Kagawa
  • Bryerly Long : Annabelle, la supposée femme de Hanataro
  • Kumi Hyōdō : Seiko Kobayashi, la sœur de Mikio

Fiche technique

  • Titre original : 歓待 (Kantai)
  • Réalisation et scénario : Kôji Fukada
  • Photographie : Ken'ichi Negishi
  • Montage : Kôji Fukada
  • Musique : Yusuke Kataoka et Kumiko Yabu
  • Sociétés de production : Kinokuniya, Letre, Wa Entertainment, Atom-X, S-D-P, Seinendan
  • Durée : 96 minutes
  • Dates de sortie : 24 octobre 2010 (festival international du film de Tokyo)
    • France : 26 mai 2021
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