Illusions perdues

De Cinéann.

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Version actuelle en date du 13 mai 2022 à 07:44

Illusions perdues , film français de Xavier Giannoli, sorti en 2021

Analyse critique

Le film évite la rigidité du « film en costumes », à coups de choix radicaux. Le réalisateur supprime des pans entiers de l’histoire (les livres 1 et 3), et opte pour le côté sombre de l’œuvre. Il supprime les personnages secondaires comme l’ami de Lucien, David Séchard, ou les membres du Cénacle, cercle d’artistes vertueux et ascétiques du microcosme parisien.

Xavier Giannoli met en scène, avec jubilation, la corruption exercée par la capitale sur l’idéalisme naïf de Lucien. Propulsé dans le quartier des grisettes , ces femmes légères, le jeune homme découvre le monde crapoteux d’une presse prompte, elle, à vendre son âme, et devient, à son tour, « marchand de phrases et trafiquant de mots », jusqu’à y perdre, non seulement son intégrité, mais aussi son avenir.

D’un classicisme élégant, la réalisation tranche avec l’outrance délibérées du propos. Une voix off guide le spectateur dans les méandres d’un petit théâtre cruel et cynique, où les réputations et les critiques s’achètent, où le plus grand éditeur parisien est un ex-épicier analphabète qui ne publie « que des gens déjà célèbres », où, au spectacle, la claque, plus sûrement qu’une arme, peut littéralement tuer… Dans son dernier rôle, Jean-François Stévenin (disparu en juillet 2021) incarne, à lui seul, l’essence de cette dépravation mafieuse : marionnettiste de l’ombre, son personnage, Singali, traîne de théâtre en théâtre sa cohorte de figurants impitoyables, ces siffleurs professionnels qui se vendent au plus offrant et qui, à coups d’applaudissements ou de huées, font et défont les destins.

Tout autant que le parcours de Lucien , Xavier Giannoli évoque, dans un ample mouvement, les fondements du capitalisme moderne sous la Restauration, époque où la culture devient un bien marchand, où la politique s’allie au monde des affaires, où la presse, désormais guidée par le profit et les pressions de l’actionnariat, commence à fabriquer l’opinion. Le cinéaste tend, de manière un peu artificielle, un miroir à notre époque, en remontant aux origines des fake news, de la société de communication, du buzz et de la polémique.

Xavier Giannoli, à la façon d’un caricaturiste inspiré, insuffle une vitalité réjouissante, à travers des tableaux vifs et entraînants. Conçu pour le grand public mais exigeant, le film doit beaucoup à son impressionnante troupe d’acteurs, de Cécile de France, sensible et ambiguë en madame de Bargeton, à Xavier Dolan, écrivain à succès faussement fat, ou Jeanne Balibar, mondaine persifleuse et manipulatrice, digne d’une marquise de Merteuil.

Distribution

Fiche technique

  • Réalisation : Xavier Giannoli
  • Scénario : Jacques Fieschi et Xavier Giannoli, d'après le roman Illusions perdues d'Honoré de Balzac , paru vers 1840
  • Photographie : Christophe Beaucarne
  • Montage : Cyril Nakache
  • Musique : Hippolyte et Aricie de Jean-Philippe Rameau
  • Production : Olivier Delbosc et Sidonie Dumas
  • Sociétés de production : Curiosa Films et Gaumont
  • Durée : 149 minutes
  • Dates de sortie : 7 septembre 2021 (Mostra de Venise)
    • France : 20 octobre 2021
  • Distinctions : 7 César , dont César du meilleur film, meilleur espoir masculin pour Benjamin Voisin, r du meilleur acteur dans un second rôle pour Vincent Lacoste, meilleure adaptatio, meilleure photographie
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