L'Arbre

De Cinéann.

L'Arbre film français (aussi italien et australien) réalisé par Julie Bertuccelli, sorti en 2010.

Analyse critique

Peter quitte Dawn, sa femme tendrement aimée, ses quatre jeunes enfants, sa maison sous le gigantesque figuier qui la protège de l'ardent soleil australien, et part convoyer une maison déménagée d'un seul tenant à l'autre bout du pays. A son retour, à peine a-t-il le temps de confier sa montre à sa fille, Simone, qui la lui réclame avec insistance, qu'il est terrassé par un infarctus au volant de sa camionnette, laquelle vient buter contre le figuier. Dawn est effondrée. Tandis qu'elle reste prostrée sur son lit, ses enfants organisent leur survie : l'aîné prend en charge la conduite des affaires, le petit dernier refuse de parler et Simone se persuade que son père lui parle à travers le vent dans les branches du figuier. Elle se réfugie dans les branches. Et refuse que l'on touche à la moindre feuille, même quand les racines menacent de détruire la maison.

Comme dans Depuis qu'Otar est parti..., Julie Bertuccelli traite de déracinement et de deuil. Chacun réagit à sa façon, essaie de trouver les ressources pour continuer à vivre. Le déracinement est à prendre au sens propre, puisque le personnage central du film est un figuier majestueux qui domine la maison de cette famille. Simone, la fille cadette de huit ans, est persuadée que l’âme de son père s’est implantée dans cet arbre gigantesque. C’est sa façon à elle de supporter l’idée de la mort, de la rendre supportable en imaginant que l’esprit du défunt est toujours présente, sous une autre forme.

Sa mère, complètement ébranlée par la brusque disparition de son mari, se laisse séduire par cette idée poétique. Elle reprend peu à peu goût à la vie, et commence à aller de l’avant. Elle démarre un nouvel emploi et trouve un réconfort inattendu auprès de son patron, George, qui semble s’être entiché d’elle.

Mais, alors qu’elle semble accepter l’idée de pouvoir démarrer une nouvelle vie, de reconstruire sa vie avec quelqu’un d’autre, l’arbre devient de plus en plus envahissant. Des branches tombent sur la maison, les racines bouchent les canalisations et leur croissance va jusqu’à menacer les fondations. les animaux qu’il hébergeait, grenouilles ou chauves-souris, viennent squatter auprès des habitants des lieux. Il lui en coûte, mais Dawn n’a pas le choix. Elle doit faire abattre l’arbre.

Le film de Julie Bertuccelli évolue constamment à la lisière du merveilleux et du surnaturel, tout en restant ancrée dans un certain réalisme. Elle laisse ainsi à chaque spectateur le soin de se forger sa propre vision de l’oeuvre. Ainsi, on peut très bien prendre le récit au premier degré, comme une fable fantastique, considérer que l’âme du père s’est effectivement projetée dans l’arbre, tentant ainsi de rester proche des siens et de veiller à ce que rien ne change.

On peut aussi prendre ce récit comme une allégorie du travail du deuil, et la façon dont l’esprit humain tente de surmonter cette douleur, d’organiser des sentiments violents et contradictoires : envie de mourir immédiatement pour rejoindre l’être cher disparu et envie de continuer à vivre, malgré tout ; besoin de se rattacher fortement au passé, aux souvenirs, afin de ne jamais oublier l’être cher, et nécessité de lâcher prise, de prendre un peu de distance pour atténuer la douleur de l’absence et continuer à avancer ; nécessité de garder intact ce lien exclusif qui vous unissait au défunt et besoin de trouver du réconfort auprès d’autres, forcément différents.

L’arbre porte en lui ces contradictions. Il est emblématique d’une nature bienveillante, protectrice, un abri contre les éléments extérieurs, un refuge, mais il est aussi emblématique d’une nature envahissante, destructrice, une force supérieure qui tend à faire disparaître l’homme ou du moins lui rappeler son côté éphémère et dérisoire. Il faut noter un clin d'œil au Baron perché d'Italo Calvino, que Julie Bertucelli n'a pas pu adapter, faute de droits : Tim, le frère aîné, demande à sa sœur cadette de descendre de l'arbre qu'elle ne veut pas quitter, en l'appelant « baronne ».

En regardant cet arbre majestueux, témoin de siècles d’histoire, et en se laissant plus ou moins convaincre par Simone qu’il renferme l’esprit de Peter, Dawn se trouve apaisée. Elle est rassurée par l’idée que le souvenir de son mari est profondément enraciné en elle, qu’il ne s’effacera pas. Mais dans le même temps, cette conviction l’empêche d’avancer. Elle est contrainte au même immobilisme que le figuier, piégée par ses propres souvenirs.

Distribution

  • Charlotte Gainsbourg : Dawn O'Neil
  • Aden Young : Peter O'Neil
  • Morgana Davies : Simone O'Neil, fille de Dawn, 8 ans
  • Marton Csokas : George, plombier
  • Christian Byers : Tim, le fils aîné de Dawn
  • Tom Russell : Lou
  • Gillian Jones : Vonnie
  • Penne Hackforth-Jones : Mme Johnson
  • Gabriel Gotting : Charlie
  • Zoe Boe : Megan Lu

Fiche technique

  • Titre : L'Arbre
  • Réalisation : Julie Bertuccelli
  • Scénario : Julie Bertuccelli & Elizabeth J. Mars d'après le roman de Judy Pascoe Our Father Who Art in the Tree
  • Musique originale : Grégoire Hetzel
  • Photographie : Nigel Bluck
  • Montage : François Gédigier
  • Pays d'origine : France, Australie, Italie
  • Production : Les Films du Poisson, Screen Australia, Canal+, Arte France Cinéma, The Jim Henson Company
  • Producteurs : Yaël Fogiel, Laetitia Gonzalez, Sue Taylor
  • Date de sortie : 11 août 2010
  • Sélectionné hors compétition au Festival de Cannes 2010, il est projeté en clôture du Festival.
  • Aux César 2011, le film a été nommé à trois reprises dans la catégorie meilleure actrice (Charlotte Gainsbourg), meilleure adaptation (Julie Bertucelli) et meilleure musique (Grégoire Hetzel).


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