L'Empire de la passion

De Cinéann.

L'Empire de la passion (愛の亡霊 Ai no borei) film japonais de Nagisa Ôshima, sorti en 1978

Analyse critique

À la fin du XIXe siècle, dans un village au fond d'un Japon demeuré médiéval, Toyoji, jeune paysan pauvre, et Seki, femme d'un rémouleur-colporteur, de vingt ans son aînée, se fréquentent et éprouvent progressivement l'un pour l'autre une passion qui devient dévorante. Ils décident de tuer le mari gênant. Après l'avoir saoulé, ils l'étranglent et le jettent dans un puits abandonné.

Seki annonce au village que son mari est parti travailler à Tokyo, mais Toyoji hanté par le remords va régulièrement jeter des feuilles mortes dans le puits. Un jour, il est surpris par le fils du seigneur du lieu.

Après trois ans, le fantôme du mari revient les hanter et la rumeur publique, qui trouve étrange de n'avoir aucune nouvelle précise du mari, attire un inspecteur de police.

Au cours de son enquête, l'inspecteur se met à soupçonner Seki et Toyoji. Les amants tentent vainement de remonter le corps du puits. Ils sont enfin arrêtés et torturés pour obtenir des aveux. Ils avouent et le cadavre de l'ex-mari est remonté du puits.

Le titre pourrait faire penser à une suite de L’Empire des sens, sorti deux ans plus tôt (1976), énorme succès à scandale du cinéaste et qui était porté par le même acteur masculin Tatsuya Fuji. Il est aussi question d’un couple dévoré par le désir, les entraînant irrémédiablement vers leur perte. Mais le ton et le style sont totalement différents. Ici, pas de provocation ni de scène de sexe explicite, mais une poésie violente et mélancolique.

Nagisa Oshima a obtenu à Cannes le prix de la mise en scène et chaque plan est d’une beauté sublime grâce à une photographie très travaillée, tandis que la musique utilisée avec parcimonie permet de mieux souligner l’étrangeté de nombreuses scènes. Mais ce qui marque le plus le spectateur est cette volonté de basculer doucement dans le fantastique et même dans l’onirisme. Les scènes où le spectre sort de la brume pour emporter sa femme meurtrière vers sa nouvelle demeure sont caractéristiques, de même que celle se déroulant au fond du puits.

Cette imbrication constante entre le monde des morts et celui des vivants, la mise au ban de la société des couples adultères, le poids du remords marquent la profondeur thématique du film. «Sur cette sombre histoire, dont les images sont constamment magnifiques, passe un souffle que l’on pourrait qualifier de shakespearien si l’œuvre d’Oshima n’était aussi profondément japonaise... film tragique, film cruel, dont la beauté nous atteint comme par irradiation» lisait-on dans Le Monde.

Distribution

  • Tatsuya Fuji : Toyoji
  • Kazuko Yoshiyuki : Seki
  • Takahiro Tamura : Gisaburo
  • Takuzo Kawatani : l'inspecteur Hotta

Fiche technique

  • Titre original : 愛の亡霊 Ai no borei
  • Réalisation : Nagisa Ôshima
  • Scénario : Nagisa Oshima d'après Itoko Namura
  • Production : Anatole Dauman
  • Musique : Tôru Takemitsu
  • Photographie : Yoshio Miyajima
  • Montage : Keiichi Uraoka
  • Pays d'origine : Japon − France (Argos Film)
  • Durée : 104 minutes
  • Date de sortie : 20 mai 1978 (Festival de Cannes)
  • Distinction : Prix de la mise en scène au Festival de Cannes


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