L'Odyssée de l'African Queen

De Cinéann.

L'Odyssée de l'African Queen (The African Queen) film américain et britannnique réalisé par John Huston et sorti en 1951, d'après le roman homonyme de C. S. Forester

Analyse critique

En 1914, Charlie Allnutt, un baroudeur canadien, fait le coursier avec son bateau l'African Queen sur une rivière du continent africain pour le compte d'une exploitation minière belge.

Dans un village reculé au bord de la rivière s'est établie une congrégation anglicane tenue par le révérend Samuel Sayer secondé par Rose, sa sœur quadragénaire et célibataire. Leur seul contact avec l'Empire britannique est le passage régulier de Charlie.

Un jour, celui-ci leur apprend incidemment que la Première Guerre mondiale a été déclenchée. Sur ces entrefaites, Samuel et Rose sont surpris par l'arrivée intempestive de l'armée allemande venue réquisitionner les habitants. Le village incendié par l'ennemi provoque chez Samuel un grave traumatisme dont il meurt. De retour au village le lendemain, Charlie Allnutt découvre le drame : il insiste pour enterrer le Révérend au plus vite. Puis il se propose d’embarquer Rose sur son vieux raffiot, l’African Queen, et de la mettre en sécurité dans un lieu neutre jusqu’à ce que la paix revienne. Elle accepte. Mais, au grand dam de Charlie, une idée folle germe en Rose, cette patriote intransigeante, lorsqu’elle découvre des explosifs à bord : descendre les rapides de la rivière pour rejoindre les Anglais ; puis s’attaquer au Luisia, une canonnière allemande qui, à quelques centaines de kilomètres, patrouille sur un lac pour s’opposer à l’avancée des troupes anglaises, et attendre le moment favorable pour la couler avec les moyens du bord.

L’humour naît, dès l’entame du film, du contraste que forment le révérend Sawyer et sa sœur Rose, si typiquement anglais, et l’environnement africain aussi peu conforme à ce qu’ils sont. La première scène qui les montre comme sanglés dans leur raide dignité britannique en train d’apprendre leurs cantiques religieux aux enfants qui les transforment aussitôt en mélopée africaine est typique. À ce premier décalage succède un second de la même trempe: Rose et son frère, à table, se restaurent en montrant leurs bonnes manières, alors que l’aventurier Charlie engouffre la nourriture avec force bruits inconvenants. Temple, prières et maintien rigide, d’un côté, vieux rafiot, gin et naturel, de l’autre.

Cette figure du contraste est aussi présente dans les images de la nature, des rapides du fleuve à l’enlisement marécageux et structure le début du film. Elle met en exergue humoristiquement l’incompatibilité entre les deux personnages. Pourtant, cete relation va progressivement se transformer. A la confrontation initiale née de leurs différences de milieu et de caractère, à la guerre des sexes qui les oppose, succède progressivement une cohabitation pacifique, puis une forme de connivence.

Entre-temps la dimension insensée de leur entreprise, comme la promiscuité sur le bateau ou encore les dangers de leur environnement les poussent à se rapprocher. Les changements s’opèrent peu à peu. Rose, la vieille demoiselle prude abandonne sa réserve et devient plus naturelle ; Charlie se civilise, montre une bonne volonté évidente et devient même coquet. Les circonstances les incitent d’abord à s’entraider, puis ils en viennent à se compléter, enfin à se dépasser : Rose, entêtée et inexpérimentée aiguillonne Charlie et l’oblige à se surpasser, par exemple dans l’épisode des rapides à franchir ou dans celui de la réparation de la chaudière. Quant à Charlie, il pousse Rose à acquérir le sens des réalités et, progressivement, cette « Rose » fanée du début du film se métamorphose en une « african Queen » impétueuse !

John Huston excelle à mettre en images cette évolution : il donne à voir, dans le même plan, ses deux personnages, signes d’une forme d’égalité respectueuse, ou bien il va de l’un à l’autre à l’aide de fréquents panoramiques, établissant ainsi entre eux un lien presque tangible. Sa mise en scène commence par annoncer l’effacement progressif de leurs différences avant de proclamer la complicité rieuse qui les unit. Le film s’achève dans un éclat de rire riche de significations. D’abord, sur le sens d’une épopée qui n’est victorieuse que par un double hasard puisque c’est une pluie providentielle qui remet en mouvement le bateau et un courant fortuit qui dégage l’épave. L’action est donc illusoire et les regards entre Rose et Charlie ne laissent aucun doute sur leur complicité affective : cet éclat de rire final est bien celui du bonheur entre deux solitaires qui viennent, malgré leur âge avancé, de découvrir l’amour. Ce film charme par le dosage parfait qu’il réussit entre l’humour, l’aventure et l’émotion, d’autant plus qu’il est porté par les deux grands comédiens, Humphrey Bogart et Katherine Hepburn, choisis avec bonheur par John Huston.

Distribution

  • Humphrey Bogart : Charlie Allnutt
  • Katharine Hepburn : Rose Sayer
  • Robert Morley : Samuel Sayer
  • Peter Bull : le capitaine de la « Louisa »
  • Theodore Bikel : l'officier de la « Louisa »
  • Walter Gotell : le 2e officier de la « Louisa »
  • Gerald Onn : le sous-officier de la « Louisa »
  • Peter Swanick : le 1e officier de la « Shoona »
  • Richard Marner : le 2e officier de la « Shoona »

Fiche technique

  • Titre français : L'Odyssée de l'African Queen
  • Titre original : The African Queen
  • Réalisation : John Huston
  • Scénario : James Agee, John Huston et Peter Viertel d'après le roman homonyme de C. S. Forester
  • Musique originale : Allan Gray
  • Photographie : Jack Cardiff
  • Montage : Ralph Kemplen
  • Direction artistique : Wilfred Shingleton
  • Pays d'origine : États-Unis, Royaume-Uni
  • Producteurs : Sam Spiegel, John Woolf (non credité)
  • Sociétés de production : Horizon Pictures, Romulus Films (Royaume-Uni)
  • Durée : 105 minutes
  • Dates de sortie : USA 23 décembre 1951
    • France 26 mars 1952
  • Bande annonce du film
  • Récompenses
  • Nominations :


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