La Femme des steppes, le flic et l'œuf

De Cinéann.

La Femme des steppes, le Flic et l'Œuf , film mongol de Wang Quan'an, sorti en 2019

Analyse critique

Tout commence par la découverte, brutale et incongrue, d’une femme nue dans les hautes herbes de la steppe mongole. Elle est morte, c’est la nuit; le lendemain, la police inspecte les lieux, bien embêtée, le téléphone ne passe pas, il va falloir retourner en ville chercher l’équipe scientifique, et laisser un flic monter la garde auprès du corps, pour lui éviter de finir dévoré par un loup. La mission de surveillance échoit à un tout jeune, à qui l’on adjoint une bergère réquisitionnée et armée d’un fusil.

La steppe, vide, presque rase et glacée, est le décor extérieur essentiel, avec des ciels prenant 60 à 90 % de l'image, souvent splendide. La vie quotidienne de la bergère donne lieu à des scènes quasi-documentaires avec l'abattage et le dépeçage d'un mouton, le vêlage d'une vache. Pour ces travaux pénibles elle est aidée par un ami épisodique, qui se déplace sur une moto poussive et consomme beaucoup d'alcool.

La bergère prépare une soupe au mouton, qu'elle ramène avec une bouteille de vodka au jeune policier, mal préparé à ce genre de tâches. Pour tromper le froid et l'ennui, il marche, sautille, écoute de la musique, mongole aussi bien qu'américaine (Elvis Presley). Elle passe une partie de la nuit adossée avec lui entre son chameau et le le feu qu'elle entretient. Ils discutent, elle confesse le policier timide, elle le pousse à manger, elle lui apprend à boire et fumer, et lui donne des conseils de séduction : cesse d'être un homme, regarde comme un animal, comme un loup. Puis elle passe aux travaux pratiques amoureux, sans oublier d'abattre le loup qui s'est approché trop près.

le Chinois Wang Quan’an racontait déjà, en 2007, une histoire de bergère moderne dans Le Mariage de Tuya, Ours d’or à Berlin. À la Mongolie Intérieure (chinoise), il a cette fois préféré la Mongolie, État indépendant échappant à la censure, et plutôt qu’une actrice professionnelle il a engagé une vraie bergère. Enkhtaivan Dulamjav imprègne le film de sa liberté tranquille, regardée avec empathie par un cinéaste qui, habile à mettre en scène de petits corps humains dans la nature immense, ne se comporte jamais en entomologiste.

Le chef opérateur français Aymerick Pilarski fait des miracles dans ces scènes à contre-jour ou éclairées à la seule lampe frontale comme les scènes d’amour rapides et habillées, pour cause de froid.

L’argument policier du film se révèle être une fausse piste, un MacGuffin. Loin de céder au folklorisme, le film a, au contraire, cette beauté spontanée des œuvres qui s’inventent dans le déplacement, par contact avec des espaces, des mœurs, des conceptions qui la dépassent.

Distribution

  • Dulamjav Enkhtaivan : la bergère
  • Norovsambuu : le jeune policier
  • Aorigeletu : le berger
  • Gangtemuer Arild : le chef de la police

Fiche technique

  • Titre original : Öndög
  • Réalisation et scénario: Wang Quan'an
  • Photographie : Aymerick Pilarski
  • Durée : 100 minutes
  • Dates de sortie : 8 février 2019 (Berlinale 2019)
    • France : 19 août 2020
femmestep.jpg
Outils personnels

Le cinéma de Nezumi; les artistes contemporains / Randonnées dans les Pyrénées

Les merveilles du Japon; mystérieux Viêt Nam; les temples et des montagnes du Népal ; l'Afrique