La Fille de Ryan

De Cinéann.

La Fille de Ryan (Ryan's Daughter) film britannique réalisé par David Lean, sorti en 1970.

Analyse critique

En 1916, dans le petit village de Kirrary situé dans la péninsule de Dingle en Irlande, la fille du propriétaire de la taverne, Rosy Ryan, épouse Charles Shaughnessy, le maître d'école, son aîné de quinze ans. Malheureusement, dès les premiers jours du mariage, son mari, bien qu'amoureux, ne lui donne pas les satisfactions que Rosy est en droit d'attendre. Rosy, romantique et sensuelle, est déçue par la maladresse amoureuse de son époux.

Elle fait la connaissance du major Randolph Doryan qui vient de prendre le commandement d'une garnison de la région après avoir été grièvement blessé au front. Rosy et Randolph s'aiment passionnément et leur liaison fait scandale à cause des indiscrétions maladroites de Michaël, l'idiot du village. Le père Collins réprimande vertement la jeune femme. Mais 1916, c'est également l'année de l’insurrection de Pâques, à Dublin, contre l'« occupant » anglais.

A l'aide d'informations communiquées par Tom Ryan, le major Doryan procède à l'arrestation de Tim O'Leary, un républicain activiste de l'IRA très populaire au village. Les soupçons se portent immédiatement sur Rosy à cause de sa liaison avec Randolph. Le père Collins sauve Rosy qui allait être lynchée par les villageois. Nerveusement et physiquement ébranlé par les épreuves qu'il a subies à la guerre, Randolph se suicide tandis que Rosy en compagnie de son mari quitte Kirrary pour une existence nouvelle.

Fort du succès de leurs adaptations cinématographiques des mémoires de T. E. Lawrence (Lawrence d'Arabie) et du roman de Pasternak (Docteur Jivago), Robert Bolt envoya à David Lean un premier scénario pour La fille de Ryan, qui mèle la trame de Madame Bovary de Gustave Flaubert, aux soubressauts de la longue et douloureuse lutte pour l'indépendance irlandaise.

Le film de Lean relève d'une forme d'anti-adaptation où les matériaux flaubertiens les plus prégnants sont aussi les plus disséminés et discrets. Bolt et Lean ne se contentent pas de transplanter l'intrigue normande dans l'Irlande de 1916 et de faire de l'épouse infidèle d'un médiocre médecin de campagne une jeune fille rêveuse qui parvient à se marier avec le maitre d'école du village dont elle est amoureuse depuis toujours mais qu'elle ne tardera pas à tromper avec un officier de l'armée anglaise bien plus proche de son idéal des romans l'eau de rose, s'exposant ainsi à l'opprobre de la petite communauté.

Le plan d'ouverture est d'une beauté fulgurante, inaugurant d'entrée de jeu la dérive esthétisante que l'on reprochera à la quasi totalité du film tourné en 70 mm à commencer par ces plages désertes qui le scandent, cette vue latérale d'une enfilade de falaises tombant à pic sur l'Océan agité et reflétant le bleu vaporeux su ciel. Ce paysage romantique semble relever d'une vue de l'esprit, la projection pure et simple des rêves d'évasion de l'héroïne.

Le vertige lyrique partagé de loin avec la minuscule silhouette au sommet des falaises est renforcé par les plans suivants, l'un cadrant de face l'héroïne en pied, l'autre montrant la chute de l'ombrelle le long des parois rocheuses jusqu'à l'eau. Si le sourire de l'actrice semble d'abord trahir un espoir et, partant, le caractère intentionnel du vol de l'ombrelle, la déception qui s'affichera sur son visage en voyant le curé et l'idiot du village récupérer l'objet sur leur petite barque flottante prouve bien qu'il s'agissait d'une offrande. La rêveuse accomplit donc un rite, l'ombrelle jetée à la mer est comme un appel. Lorsqu'il lui remet le bel objet, le prêtre ne manque pas de réprimander la jeune fille trop rêveuse et il n'a qu'un silence de mépris en découvrant le livre qu'elle lit : un opuscule à l'eau de rose. Comme l'ombrelle, mais dans un mouvement qui semble vidé de son sens lyrique, Rosy jettera peu après dans les vagues le petit roman de quat 'sous. Pourtant dans l'exaltation de retrouver bientôt la maitre d'école dont elle est amoureuse, son geste a la même signification : loin de renoncer à ses chimères elle ne fait que s'y plonger à cœur perdu.

Cet homme tranquille, veuf comme son homonyme du roman de Flaubert mais interprété à contre-emploi par Robert Mitchum, avait beau tenter de dissuader la jeune fille amoureuse en lui disant qu'il n'était pas l'homme idéal qu'elle voyait en lui depuis son enfance. Et tout comme Charles Bovary s'avère, mais trop tard, le seul personnage à la hauteur des attentes de l'héroïne flaubertienne en mourant de chagrin après le suicide de cette dernière, à la fin du film, le Charles de Lean n'aura de cesse de défendre son épouse infidèle contre l'hostilité des villageois, allant jusqu'à s'exiler avec elle prouvant par là même sa grandeur d'âme.

A sa sortie, La fille de Ryan est éreinté par la critique new-yorkaise et David Lean, meurtri, cessera de tourner pendant près de quinze ans. Contrairement aux deux précédents films, Lawrence d'Arabie et Docteur Jivago ce n'est pas une adaptation littéraire à proprement dire. Le simple nom de Flaubert n'est pas mentionné au générique. David Lean souhaitait explorer des voies plus secrètes. Il voulait ciseler ce qu'il a d'abord appelé un "petit bijou" ("little gem") à l'intérieur d'un film à gros budget, embourbé dans les aléas d'une année entière de tournage en Irlande.

Distribution

  • Robert Mitchum  : Charles Shaughnessy
  • Sarah Miles : Rosy Ryan
  • Trevor Howard : le père Collins
  • Christopher Jones : Randolph Doryan
  • John Mills : Michael
  • Leo McKern : Thomas Ryan
  • Barry Foster : Tim O'Leary
  • Marie Kean : Mrs. McCardle
  • Arthur O'Sullivan : Mr. McCardle
  • Evin Crowley : Maureen
  • Douglas Sheldon : le chauffeur
  • Gerald Sim : le commandant
  • Barry Jackson : le caporal
  • Des Keogh : Lanky
  • Niall Toibin : O'Keefe
  • Philip O'Flynn : Paddy
  • Donal Neligan : le petit ami de Maureen
  • Brian O'Higgins : Const. O'Connor
  • Niall O'Brien : Bernard
  • Owen Sullivan : Joseph

Fiche technique

  • Titre original : Ryan's Daughter
  • Réalisation : David Lean
  • Scénario : Robert Bolt]
  • Images : Freddie Young
  • Musique : Maurice Jarre
  • Montage : Norman Savage
  • Producteur : Anthony Havelock-Allan et Roy Stevens, pour Faraway Productions
  • Durée : 206 minutes
  • Date de sortie : 9 novembre 1970

Récompenses

La Fille de Ryan reçoit deux Oscars : Oscar de la meilleure photographie pour Freddie Young et Oscar du meilleur acteur dans un second rôle pour John Mills.
Retrouvez tous les détails techniques sur la fiche IMDB

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