La guerre est finie

De Cinéann.

(Différences entre les versions)
(guerre)
 

Version actuelle en date du 29 mai 2020 à 17:42

La guerre est finie , film français et suédois d' Alain Resnais, sorti en 1966

Analyse critique

En 1965, Diego, un militant du Parti communiste espagnol, vit en exil à Paris. Il passe régulièrement la frontière sous des identités d'emprunt pour assurer la liaison entre les militants exilés et ceux restés en Espagne.

Domingo (Dimanche), c'est ainsi que l'appelle Nadine, sa maîtresse, la fille d'un homme qu'il ne connaît pas et dont il emprunte le passeport pour passer la frontière. Diego est un voyageur, un déraciné, sans cesse entre deux, trois pays. Il vit ces passages en douane, ces traversées angoissantes, ces trains saisis au vol, ces coups de sonnette à des portes devenues étrangères, ces mots de passe, cette solidarité itinérante des clandestins. Sa vie est placée sous le signe du provisoire, de l'illégalité. Il mène des existences parallèles. Tantôt militant, caché, épié, engagé ; tantôt ce que lui fait ressasser le quotidien quand l'action lui laisse du temps, en proie aux doutes, menacé d'embourgeoisement. Il est aussi entre deux femmes, Marianne l'officielle représentant le havre de la tendresse, l'espoir d'un enfant commun et Nadine.

De retour d'une mission difficile, Diego se prend à douter du sens de son action et des moyens mis en œuvre. Sa confrontation avec les jeunes militants de gauche, qui deviendront les acteurs de Mai 68, est prémonitoire de l'évolution des formes de lutte. Diego est conscient que l'Espagne bouge, ne supporte plus la caricature qu'on en fait, un rêve de touristes où la légende, la guerre civile, le théâtre de Lorca, ses femmes stériles et ses drames ruraux, tiennent lieu de vérité. Il ne se retrouve pas non plus dans les utopies de ses camarades de combat qui essaient de faire rentrer leurs rêves têtus, tenaces, dans la réalité vivante de l'Espagne. Il est en quasi-dissidence avec des mots d'ordre, une stratégie qu'il juge caduques, une théorie de la révolution qui passe par la grève générale mais pour quelle victoire ?

Ses compagnons de lutte le jugent aveuglé par son obsession du concret, dénué de perspective politique, sourd au langage romantique de l'insurrection. Durant trois jours, il cherche la trace de Juan, son semblable. Juan a disparu de ce monde devenu mouvant, trouble, rempli de pièges, comme a disparu Andres et comme disparaîtra Ramon.

Resnais ne représente pas tant les trois jours de quête de Diego que ses trois jours d'incertitudes, le déroulement d'un temps subjectif, l'imaginaire d'un homme, filmé en noir et blanc parce que le réalisateur voulait faire des économies pour se payer Yves Montand. Une trajectoire physique et mentale, avec des rendez-vous secrets et des escapades, avec des pensées intimes déclinées en flash-forwards. Diego est sans cesse en train de projeter ce qui risque de se passer, s'il n'est pas suivi, si un flic ne va pas entrer dans le café. Il se visualise ratant son train, imagine les dérapages virtuels de sa mission, une possible arrestation. La guerre est finie juxtapose deux vies, deux actions : la vraie et la fausse.

Le scénario de Jorge Semprún est très marqué par son histoire personnelle, sa lutte comme clandestin du Parti communiste espagnol et son éviction en 1964 de la direction du parti pour de graves divergences de vues avec le secrétaire général Santiago Carrillo.

Dans son livre Autobiographie de Federico Sánchez, Semprún revient sur le thème du film en précisant : « L'un des thèmes principaux du film est justement la critique du mot d'ordre de grève générale conçu comme simple expédient idéologique, davantage destiné à unifier religieusement la conscience des militants qu'à agir sur la réalité. »

Ce film est peut-être le plus linéaire de Resnais, sous l'influence de sa première collaboration avec Semprún. Resnais déclare : "Si on avait voulu faire un film sur l'Espagne, il aurait mieux valu faire un documentaire ou lancer une campagne de presse. Je veux dire que si le vrai but était là, se réfugier derrière une fiction serait une lâcheté. Ce qui ne signifie pas que la fiction n'ait pas un rôle à jouer. Quand on voit la fureur que ce film a provoquée auprès du ministère de l'intérieur espagnol (qui a exigé que le film soit retiré de la compétition du Festival de Cannes 1966), j'avoue que je suis surpris. Ils auraient normalement dû le laisser passer".

Distribution

Fiche technique

  • Réalisation : Alain Resnais assisté de Florence Malraux
  • Scénario et dialogues : Jorge Semprún
  • Photo : Sacha Vierny
  • Musique : Giovanni Fusco
  • Montage : Éric Pluet
  • Durée : 121 minutes
  • Date de sortie : 11 mai 1966 (Festival de Cannes)

Distinctions

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